Madame la présidente, monsieur le rapporteur, cher François Pillet, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi, cela a été dit, répond à une inquiétude partagée sur toutes les travées. Plusieurs parlementaires, dont l’auteur de la proposition, Jacques Bigot, ont saisi le Gouvernement, et nous ne doutons pas que ce texte fera consensus.
Face au réel, il faut savoir être pragmatique. Quels sont les faits, où réside le problème ?
La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a abrogé l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, signée par Napoléon Bonaparte sous le Consulat. Ce faisant, elle a supprimé la possibilité pour les notaires d’habiliter certains de leurs clercs assermentés « à l’effet de donner lecture des actes et des lois et de recueillir les signatures des parties ».
L’objectif de cette abrogation était de susciter, dans les offices, un accroissement du besoin de notaires en exercice et, corollairement, une intégration progressive à la profession de notaire des clercs habilités.
Au 1er janvier 2015, on dénombrait 9 558 clercs habilités dans les offices, soit 20 % de l’effectif total de salariés, hors notaires salariés ; 3 992 d’entre eux ne remplissaient pas les conditions pour être nommés notaires ; 1 330 ne remplissaient pas les conditions pour être nommés notaire et n’étaient pas non plus titulaires du diplôme de premier clerc ou du diplôme de l’Institut des métiers du notariat.
Ces clercs habilités ne remplissant pas les conditions pour être nommés notaire sont essentiellement des femmes, en général habilitées depuis une dizaine d’années.
Pour que ces personnes accèdent à la profession de notaire, il était nécessaire de prendre les mesures réglementaires d’accompagnement, notamment par un dispositif de validation des acquis de l’expérience.
Dans cette perspective, le Gouvernement a défini une passerelle ouverte aux clercs habilités qui remplissaient certaines conditions de durée d’expérience et, le cas échéant, de diplômes.
Cette passerelle permet l’accès aux fonctions de notaire aux personnes justifiant avoir exercé les fonctions de clercs habilités pendant une durée significative et aux personnes justifiant avoir exercé les fonctions de clercs habilités pendant une durée plus réduite sous réserve de réussir un examen des connaissances techniques. Cette passerelle permettra d’ouvrir l’accès à la profession et constituera une alternative sociale offerte aux clercs habilités.
Pour ces personnes, la fin de leur habilitation signifierait, en effet, le retrait d’une partie de leurs compétences et, pour leurs employeurs, la privation de personnel compétent, ce qui risquerait d’induire des problèmes sociaux, notamment en termes de licenciements et, à tout le moins, des rétrogradations.
L’accès à la profession de notaire est, au contraire, une valorisation certaine d’une expérience professionnelle réelle et d’une véritable expertise dans des domaines spécifiques – droit immobilier, rural ou de la famille –, savoir-faire renforcé par des stages de formation continue.
Ce dispositif ne saurait toutefois avoir qu’une durée limitée, compte tenu de son objectif. Le Gouvernement a donc prévu que ces dispositions ne seraient applicables que jusqu’au 31 décembre 2020, mais il est nécessaire de lui permettre de déployer son plein effet, sans mettre en péril la situation professionnelle des personnes concernées. Or la loi a prévu, à titre de disposition transitoire, que les habilitations conférées avant le 1er janvier 2015 continuent à produire leurs effets « jusqu’au premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi », c’est-à-dire jusqu’au 1er août 2016.
Afin de donner sa pleine efficacité à la passerelle, il est nécessaire de prolonger le délai de validité des habilitations, actuellement limité au 1er août 2016, jusqu’au 31 décembre 2020, de façon à assurer une continuité entre la période d’habilitation et l’entrée dans le notariat.
Cette proposition de loi est un texte de bon sens et je tiens à saluer de nouveau Jacques Bigot, qui l’a déposé, ainsi que François Pillet, qui en est l’éminent rapporteur pour le Sénat. C’est un texte de consensus, qui a bien évidemment le soutien du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le calendrier est contraint : une adoption conforme dans les deux assemblées avant la fin du mois de juillet permettrait à la loi d’entrer en vigueur avant le 1er août.
Les clercs habilités l’attendent ; ce texte pragmatique répondra à leurs inquiétudes légitimes et leur apportera des solutions.