Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi, présentée par notre collègue Jacques Bigot et visant à prolonger le délai de validité des habilitations des clercs de notaires, est tout à fait bienvenue, puisqu’elle vise à mettre fin à la menace d’un licenciement ou d’une perte de revenus, à laquelle l’article 53 de la loi Macron du 6 août 2015 expose les clercs habilités.
Lors du débat parlementaire relatif à cette loi, le Sénat avait déjà alerté l’Assemblée nationale et le Gouvernement sur ce risque. Pourtant, la majorité gouvernementale ne s’est pas donné la peine d’y prêter attention, en rejetant la solution que nous proposions alors. Par chance, le Gouvernement a fini par inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi, qui s’inspire de cette solution.
En supprimant la possibilité donnée aux notaires d’habiliter des clercs assermentés pour donner lecture des actes et des lois et recueillir la signature des parties, la loi Macron présente le risque d’une dégradation de la reconnaissance du savoir et des compétences de ces clercs. Les missions allant de pair avec l’habilitation donnent en effet à ces derniers une certaine responsabilité, et donc un statut, notamment – comme cela a été dit – pour de nombreuses femmes qui se sont formées dans les études, au fil des ans.
Par ailleurs, ce dispositif permet de répartir le travail dans l’étude, en déchargeant le notaire titulaire de l’accomplissement de certaines formalités chronophages, comme l’a démontré l’excellent travail de notre collègue François Pillet, rapporteur de ce texte.
Or, un amendement déposé par le groupe socialiste, lors de l’examen du projet de loi Macron à l’Assemblée nationale, a supprimé l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, permettant à un notaire de procéder à l’habilitation de clercs assermentés.
L’objectif de cette suppression était « de susciter, dans les offices, un accroissement du besoin de notaires en exercice et, de manière corollaire, une intégration progressive à la profession de notaire des clercs habilités ».
Face à cette suppression du dispositif d’habilitation, j’avais présenté, en commission spéciale, un amendement visant à protéger les clercs habilités à ce jour, pour qu’ils conservent le bénéfice de leur habilitation et que cette suppression ne soit effective que pour l’avenir.
À titre de disposition transitoire, la loi a prévu que les habilitations conférées avant le 1er janvier 2015 continuent à produire leurs effets jusqu’au 1er août 2016.
Ce délai avait pour objectif de permettre au Gouvernement de prendre les mesures réglementaires d’accompagnement, en organisant une période transitoire permettant aux clercs habilités d’accéder aux fonctions de notaire, notamment grâce à un dispositif de validation des acquis de l’expérience.
Il se trouve que la commission spéciale du Sénat chargée d’examiner le projet de loi Macron ne s’était pas opposée, alors, à la suppression de l’habilitation des clercs assermentés. Toutefois, elle avait vivement recommandé de maintenir l’effet de ces habilitations pendant au moins cinq ans, afin de donner aux intéressés le temps de réaliser leur reconversion.
Ignorant cette préconisation, le Gouvernement a choisi de tenter de hâter la conversion des clercs habilités, en prévoyant de dispenser certains clercs habilités de l’obligation d’être titulaire, d’une part, d’un diplôme national de master en droit ou équivalent et, d’autre part, du diplôme de notaire.
Néanmoins, on le sait, une large partie des clercs habilités ne remplissent pas les conditions pour être nommés notaires et ne sont pas non plus titulaires du diplôme de premier clerc ou du diplôme de l’institut des métiers du notariat. Il est donc peu vraisemblable que tous les clercs habilités parviendront à être recrutés.
De plus, certains clercs habilités ne demandent pas du tout à devenir notaires salariés, la convention collective dont ils bénéficient actuellement leur étant plus favorable.
Par conséquent, une large part d’entre eux se verra privée, sans compensation, des prérogatives qu’elle détenait ou, pis, licenciée.
La présente proposition de loi tente ainsi d’éviter l’échec annoncé de la réforme, en lui donnant enfin le temps qui lui fut refusé initialement, puisqu’il est proposé de prolonger le délai de validité des habilitations, actuellement limité au 1er août 2016, jusqu’à la date du 31 décembre 2020, de façon à assurer une continuité entre la période d’habilitation et l’entrée dans le notariat.
Le dispositif que les députés ont adopté, sur l’initiative du Gouvernement, à l’article 51 ter B du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle est donc repris. Étant donné le calendrier parlementaire de ce texte, il est effectivement peu probable qu’il puisse être définitivement adopté avant le 1er août 2016, date limite de validité des habilitations.
À l’instar de la commission des lois, et pour toutes les raisons que j’ai évoquées, le groupe UDI-UC appelle le Sénat à adopter cette proposition de loi sans modification. Tout retard dans son adoption porterait, en effet, un préjudice grave aux clercs habilités.
Enfin, je note avec plaisir que le notariat rejoint le giron du garde des sceaux, qu’il n’aurait jamais dû quitter… Si l’on avait davantage écouté le ministère de la justice, nous n’aurions pas besoin de cette proposition de loi !