ni à réduire les aides sociales versées aux étudiants. Au contraire, l'objectif est d'améliorer la qualité et l'efficacité de la dépense publique, afin de préserver les bourses sur critères sociaux qui permettent aux étudiants issus des milieux les plus modestes d'étudier dans de bonnes conditions.
Pour ce contrôle, j'ai réalisé plusieurs déplacements, à Toulouse, à Rennes, entendu de nombreuses personnes en audition et envoyé un questionnaire à l'ensemble des universités. 80 % d'entre elles m'ont répondu.
Plusieurs constats s'imposent à la suite de ce travail de contrôle.
Premier constat, le nombre actuel d'étudiants boursiers déclarés non assidus serait, selon le ministère de l'enseignement supérieur, très faible.
Si l'on suit les résultats de l'enquête annuelle menée par la direction générale de l'enseignement supérieure et de l'insertion professionnelle (DGESIP), seuls 3 % des étudiants boursiers seraient déclarés non assidus, soit un peu moins de 14 000 étudiants pour l'année 2013-2014. Nous sommes, à mon sens, loin de la vérité.
Le défaut d'assiduité serait ainsi principalement constaté à l'université (avec 86 % des non-assidus pour 79 % des boursiers), avec une forte concentration sur la première année de licence. Les ordres de reversement ne représenteraient que 12,72 millions d'euros.
Si la direction générale des finances publiques (DGFiP) n'a pas été en mesure de m'indiquer le taux de recouvrement global des sommes indûment perçues, les directions régionales des finances publiques (DRFiP) que j'ai eu l'occasion de rencontrer ont estimé qu'environ 30 % étaient effectivement recouvrés.
Le nombre réduit d'étudiants déclarés non assidus peut s'expliquer par le fait qu'un certain nombre d'établissements ne contrôlent que très partiellement cette assiduité.
Deuxième constat, le contrôle est réalisé selon des pratiques très hétérogènes par les établissements d'enseignement supérieur et, à l'intérieur même de ces établissements, par les différentes unités de formations et de recherche.
Le contrôle d'assiduité aux cours et de présence aux examens relève de la responsabilité des présidents d'universités, des chefs d'établissements, pour les lycées ayant des classes préparatoires aux grandes écoles ou des sections de techniciens supérieur, et des directeurs d'école.
J'ai été frappé par l'absence d'harmonisation et la grande hétérogénéité des pratiques, entre les établissements mais également au sein même de certaines universités.
Ainsi, dans les lycées, les écoles et les instituts universitaires de technologie (IUT), le contrôle est particulièrement poussé puisque les absences, qui se mesurent en demi-journées, y sont en général faiblement tolérées. En outre, la présence des élèves est vérifiée à chaque heure de cours.
En revanche, au sein des universités, le contrôle de l'assiduité des étudiants est bien plus limité et peut s'avérer quasi inexistant.
Tout d'abord, l'assiduité aux cours des étudiants boursiers n'est vérifiée que de façon très aléatoire. Cela se comprend aisément pour les cours magistraux, en particulier dans les amphithéâtres, encore que certains établissements pratiquent des contrôles. Certains n'y sont, en revanche, pas favorables par principe.
En revanche, il est beaucoup moins compréhensible que, s'agissant des travaux dirigés et des travaux pratiques, où le nombre d'étudiants s'avère beaucoup plus limité. Moins de la moitié des universités ont indiqué s'appuyer sur l'assiduité aux travaux dirigés car les contrôles n'y seraient, soit par réalisés, soit peu fiables. Certains enseignants seraient même hostiles à l'idée de faire l'appel, considérant qu'ils travaillent avec de jeunes adultes responsables !
Dans de nombreux cas, le contrôle de l'assiduité des étudiants boursiers se limite donc uniquement à leur présence aux examens. Si cela peut paraître trop peu, il faut savoir que, dans plusieurs universités, il suffit même d'être présent à une seule épreuve pour justifier du versement de dix mois de bourse, ce qui paraît déjà très contestable. Or, à ceci s'ajoute le fait que, dans le cadre de l'épreuve, le boursier peut se contenter de rendre une « copie blanche » pour que sa présence soit validée. Je ferai de ce scandale des « copies blanches » le titre de mon rapport.
Les établissements justifient cette pratique, qui n'est pas exceptionnelle, en indiquant que la circulaire prévoit bien une « présence aux examens » et non l'obligation pour l'étudiant de rendre une « vraie » copie ni d'obtenir une note minimale.
Certaines épreuves peuvent ainsi enregistrer entre 30 % et 50 % de copies blanches. Ces étudiants sont clairement identifiés puisqu'ils s'installent dans l'amphithéâtre sans réaliser un seul effort pour faire l'examen et attendent que la durée de présence minimale exigée soit écoulée. Cela peut perturber ceux qui sont venus pour passer réellement leur examen.
Bien entendu, ces « faux étudiants » ne sont pas nécessairement des boursiers sur critères sociaux et peuvent être là pour bénéficier plus simplement du statut d'étudiant. Certaines unités de formations et de recherche (UFR) sont apparemment connues pour être plus légères dans la réalisation de leur contrôle d'assiduité.
Enfin, cas le plus extrême, il arrive également que certaines universités ou UFR ne déclarent aucun étudiant comme non assidu au cours d'une année. Ces situations s'expliquent, soit par la défaillance de l'organisation administrative, soit par une volonté délibérée des enseignants ou de l'université.
Cette situation conduit donc à ce que des étudiants non assidus bénéficient, sans difficulté, de dix mois de bourses, tout en créant une importante différence de traitement entre boursiers.
Certaines universités tentent de renforcer leurs modalités de contrôle d'assiduité et à harmoniser les pratiques. Elles se heurtent toutefois à la définition imprécise de l'assiduité dans la circulaire mais aussi aux réticences de certains enseignants et étudiants.
Troisième constat, à la faiblesse du contrôle réalisé s'ajoute le fait que l'information remonte généralement bien trop lentement vers les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS).
Les universités attendent généralement la fin du premier semestre pour leur signaler les étudiants non assidus, après que les CROUS leur ont fait parvenir la liste des étudiants boursiers.
Au mieux, les retours se font, pour le premier semestre, en mars ou avril. L'information de la non-assiduité de l'étudiant parvient au CROUS bien trop tard, les universités ne renvoyant parfois ces listes qu'en juillet ! Cela rend, de fait, impossible la suspension de la bourse et difficile le recouvrement des indus.
Quatrième constat, du point de vue de la procédure, la multiplicité des acteurs crée, par ailleurs, dilution des responsabilités et lenteur de mise en oeuvre.
Quatre acteurs différents interviennent pour la gestion des bourses et, plus spécifiquement, dans le cadre du contrôle d'assiduité : les rectorats, les CROUS, les présidents d'universités, directeurs d'école ou chefs d'établissement et les DRFiP.
Comme le dit la Cour des comptes, le circuit d'instruction et de paiement est complexe. En conséquence, aucun de ces quatre protagonistes ne se sent réellement responsable de l'effectivité du contrôle d'assiduité. Les CROUS ont, toutefois, manifesté leur intérêt pour que les pratiques évoluent. Je n'ai pas senti la même volonté des rectorats qui auraient pourtant dû, en principe, jouer un rôle d'impulsion dans l'harmonisation et la qualité des pratiques.
En outre, l'interaction de ces multiples acteurs conduit à allonger considérablement les délais de traitement des dossiers des boursiers déclarés non assidus. Les ordres de reversement sont émis très tardivement, rendant difficile le travail des DRFiP. Celles-ci se retrouvent ainsi à envoyer des titres de perception pour demander le recouvrement de sommes plusieurs mois, voire plusieurs années après la fin de l'année universitaire en cause.
En tout état de cause, on comprend que le recouvrement des bourses ne peut constituer une priorité pour les DRFiP, compte tenu des faibles montants généralement en jeu, avec 2 300 euros en moyenne par titre. Ce travail peut également s'avérer très difficile car la population étudiante est très mobile et généralement peu solvable.
À partir de ces constats, il apparaît qu'une réforme du contrôle des conditions de maintien des droits à bourses s'avère indispensable, avec un réel suivi de l'assiduité de l'étudiant boursier. Il convient, à tout le moins, de s'assurer que l'étudiant boursier a bien procédé à son inscription pédagogique, et non seulement à son inscription administrative.
En outre, l'hétérogénéité des pratiques actuelles crée une inégalité de traitement entre les étudiants qui ne peut être acceptée. Cela vaut non seulement entre étudiants boursiers mais également vis-à-vis de ceux qui ne le sont pas et qui, pour réussir leurs études, doivent travailler, sans aucune aide de l'État. Il convient de s'assurer que le versement de la bourse a bien sa contrepartie, à savoir suivre des études.
Il convient avant tout de garantir une plus grande équité entre les étudiants et l'attestation du « service fait ». Pour cela, sans remettre en cause l'autonomie des universités, les modalités du contrôle d'assiduité attendues des établissements d'enseignement supérieur doivent être plus précisément définies au niveau national.
Ensuite, et je rejoins sur ce point l'analyse de la Cour des comptes, il convient, soit de développer un véritable contrôle d'assiduité des étudiants, soit d'instaurer, en complément ou en substitution, une obligation de réussite. Si la Conférence des présidents d'universités m'a indiqué que le développement du contrôle continu permettrait un meilleur suivi de l'assiduité, il convient aussi d'adapter nos procédures aux nouveaux modes d'enseignement, notamment avec le développement de l'enseignement à distance, pour lesquels l'obtention d'un résultat minimal pourrait être la solution.
Pour renforcer le contrôle d'assiduité, la présence aux cours devrait se concentrer sur les travaux dirigés et les travaux pratiques où l'appel ou l'émargement devrait être systématique.
Parallèlement, il conviendrait d'imposer la présence à tous les examens. L'émargement à une seule épreuve, pour laquelle une simple copie blanche serait rendue, ne saurait suffire.
Dans l'hypothèse où les universités seraient réticentes ou dans l'incapacité de réaliser un tel contrôle, une obligation de réussite pourrait également être instaurée dès la première année.
Ainsi, en l'absence de contrôle d'assiduité aux cours, les universités pourraient coupler l'exigence de présence aux examens à l'obtention d'un nombre minimal de crédits ECTS ou d'une moyenne plancher sur l'ensemble des épreuves. L'obligation d'obtenir un résultat minimal pourrait même se substituer intégralement à l'obligation d'assiduité dans certains cas.
Ensuite, alors que le recouvrement des sommes indûment perçues s'avère difficile, il convient de suspendre au plus vite les bourses d'étudiants non assidus et de réduire les délais actuellement constatés.
Tout d'abord, les étudiants boursiers qui ne souhaiteraient pas réellement suivre les cours doivent être repérés le plus rapidement possible.
À cet effet, il convient de rendre effectif le contrôle de l'inscription pédagogique de l'étudiant à compter d'une certaine date. Dans l'idéal, lorsque le calendrier de la formation universitaire le permet, le premier versement de la bourse devrait même être conditionné par l'inscription pédagogique de l'étudiant.
Les systèmes d'information et leur interfaçage devraient également être améliorés afin de faciliter le travail des personnels concernés et d'automatiser les contrôles. Actuellement, les interventions humaines sont trop nombreuses et il paraît incroyable que des fichiers Excel continuent d'être échangés entre les CROUS et les établissements d'enseignement supérieur. Les universités devraient, en outre, être en mesure de suspendre elles-mêmes l'aide versée en cas d'identification d'un boursier non assidu, comme c'est déjà le cas pour les lycées ou les écoles. Cela aurait également pour mérite de les responsabiliser davantage.
Enfin, afin de simplifier les procédures avec l'intervention de quatre acteurs, le transfert de la gestion complète des bourses au réseau des oeuvres universitaires et scolaires pourrait être étudié. Il pourrait également être envisagé de confier cette compétence aux universités.
Pour que le contrôle d'assiduité des étudiants boursiers soit effectivement réalisé, l'ensemble des acteurs doit se sentir investi. Les établissements d'enseignement supérieur ont, en tout état de cause, tout intérêt à s'assurer de l'assiduité de leurs étudiants. La présence de « faux » étudiants nuit à l'image des établissements universitaires qui les accueillent, notamment en faisant chuter leur taux de réussite. En outre, l'affluence d'un nombre important d'étudiants à la rentrée universitaire crée ainsi des difficultés aux universités en termes de prévision des moyens, comme le soulignent certains présidents d'établissements.
Afin d'inciter davantage les universités à réaliser ces contrôles, ceux-ci pourraient constituer un indicateur de leur performance pour déterminer leur dotation annuelle.
Enfin, il convient d'éviter que d'éventuels abus ne se prolongent trop longtemps. À l'heure actuelle, un étudiant pour lequel un ordre de reversement a été émis en raison d'un défaut d'assiduité peut bénéficier d'un nouveau droit à bourse dès l'année universitaire suivante, sans avoir procédé au remboursement requis. Cela ne me paraît pas normal. Aussi, je vous propose de revenir sur ce principe, en prévoyant que, tant que le remboursement n'a pas été opéré, le CROUS ne peut accorder un nouveau droit à bourse.
En conclusion, tous les étudiants ne sont, naturellement, pas des fraudeurs et les étudiants « fantômes » ne sont pas tous boursiers. Surtout, un des principaux défis de l'enseignement supérieur concerne l'orientation des étudiants. En effet, parmi les non-assidus, ne figurent pas nécessairement que des étudiants « fantômes » qui viennent profiter d'un système, mais bien de nombreux jeunes qui se sont inscrits dans une formation qui, soit ne leur convient pas car ils étaient mal renseignés ou indécis, soit ne constituait pas leur premier choix. Lorsqu'un dispositif efficace aura été mis en place pour l'orientation des étudiants, le suivi de leur assiduité pourra réellement être assuré.
J'ai eu beaucoup de surprises avec ce contrôle et j'ai pu constater à la fois des personnes très engagées et d'autres, au contraire, très désinvestis. Le nombre de boursiers non assidus est probablement bien plus élevé que le pourcentage de 3 % qui ressort actuellement de l'enquête annuelle du ministère. Certains ont avancé le chiffre de 30 %, cela me paraît excessif mais si atteignait 15 % à 20 %, les sommes en jeu seraient bien plus conséquentes et doivent servir à aider les étudiants qui, travaillant pour réussir leurs études, le méritent.