Intervention de Michel Sapin

Réunion du 4 juillet 2016 à 16h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - orientation et protection des lanceurs d'alerte — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Michel Sapin, ministre :

Le projet de loi prévoit ainsi plusieurs mesures pour étoffer les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers.

L’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui est l’autre superviseur financier français, verra également ses pouvoirs renforcés : nous allons en particulier créer un régime de résolution pour les assurances – c’est une première en Europe –, afin de renforcer la stabilité financière et la protection des assurés.

Afin de garantir la protection de tous les assurés, nous devons également veiller à harmoniser en regard le code de la mutualité. Les mutuelles ont par ailleurs besoin d’une gouvernance modernisée pour faire face à ces nouveaux enjeux de régulation. Le Gouvernement propose de travailler par voie d’ordonnance à ce toilettage technique et, bien entendu, d’associer le Parlement à ses travaux. L’habilitation a été supprimée en commission, mais je vous proposerai de la réintroduire dans le texte ; nous aurons un échange, que je souhaite approfondi, sur les raisons pour lesquelles cette réforme est importante et sur ce que le Gouvernement souhaite faire.

L’Assemblée nationale a également souhaité renforcer les pouvoirs du HCSF, le Haut Conseil de stabilité financière, créé voici deux ans. Cette institution, qui veille à l’interaction entre les développements financiers et la stabilité économique, a effectivement un rôle majeur à jouer, ce à quoi vous êtes, je n’en doute pas, également sensibles.

Vous avez procédé à quelques modifications, en commission des finances, pour renforcer le dispositif des sanctions dans le domaine financier ou pour préciser les pouvoirs du HCSF. Nous aurons l’occasion d’en discuter en séance publique.

Outre ce renforcement des pouvoirs du HCSF, il a été introduit une disposition visant à obliger les sociétés à déclarer l’identité de la ou des personnes contrôlant ou possédant véritablement leur structure, ce que l’on appelle les bénéficiaires effectifs. Désormais, les sociétés devront transmettre au registre du commerce et des sociétés les informations nécessaires à cette identification, permettant ainsi à toutes et à tous d’accéder à ces données, à l’instar de ce que permet le registre des trusts créé au début du mois de mai. Les pratiques consistant à se dissimuler derrière des structures complexes et opaques doivent cesser.

Enfin, l’Assemblée nationale a souhaité introduire une disposition novatrice pour lutter contre les pratiques prédatrices de ce que l’on appelle les « fonds vautours ». Ce texte placera la France à la pointe de ce combat, avec un bon équilibre entre efficacité et constitutionnalité.

C’est une disposition très complémentaire de celle qui est soutenue par le Gouvernement pour améliorer la protection des biens d’États étrangers en France. La commission des lois avait des interrogations légitimes sur l’articulation entre ces deux dispositions, qui l’avaient amenée à supprimer les deux articles afin d’y retravailler. C’est ce qui a été fait en bonne intelligence avec le rapporteur, et le Gouvernement vous proposera de rétablir ces deux dispositifs dans une rédaction améliorée pour en assurer la sécurité juridique et l’efficacité.

La deuxième ambition est celle d’une meilleure protection des consommateurs et des épargnants.

J’insisterai tout particulièrement sur une disposition. J’ai souhaité proposer l’interdiction pure et simple de la publicité pour des plateformes internet donnant accès à des instruments financiers extrêmement risqués. « Devenez trader en quelques heures et vous gagnerez beaucoup d’argent ! » Depuis 2011, le nombre de réclamations auprès de l’AMF, l’Autorité des marchés financiers, a été multiplié par dix-huit. Plus de 90 % des personnes qui s’adonnent à ces sortes de paris perdent de l’argent, parfois des sommes très importantes, sans compter que certains acteurs se livrent à des pratiques frauduleuses. Cette mesure a été renforcée à l’Assemblée nationale. L’équilibre qui a été atteint me semble permettre de bien couvrir les situations à l’origine des plaintes.

La troisième ambition concerne le financement de l’économie française.

Une première mesure, qui me paraît d’importance majeure, vise à faciliter le financement de l’économie par les investisseurs. À cette fin, conformément à ce que permet le droit communautaire, le projet de loi crée un régime prudentiel adapté pour les régimes de retraite complémentaires, en maintenant un niveau de protection élevé des assurés. Cette évolution offrira des perspectives de rendement accrues pour les épargnants et permettra de dégager plusieurs dizaines de milliards d’euros pour le financement des entreprises françaises.

Par ailleurs, le LDD, le livret de développement durable, comportera désormais un volet dédié à l’économie sociale et solidaire, laquelle représente, je le rappelle, 10 % du produit intérieur brut en France. Concrètement, les banques proposeront annuellement à leurs clients détenteurs d’un LDD d’en affecter une partie au financement d’une personne morale relevant de l’économie sociale et solidaire.

L’Assemblée nationale a également souhaité étendre les obligations d’emploi de l’épargne réglementée qui incombent aux banques aux entités de l’économie sociale et solidaire. Le Sénat a souhaité, en commission, revenir au texte initial du Gouvernement. De mon point de vue, cependant, l’extension des obligations d’emploi inciterait les banques à investir davantage dans ce secteur ; c’est la raison pour laquelle je serai favorable à l’amendement qui a été déposé en ce sens.

Les dispositions visant à favoriser le parcours de croissance des entreprises, notamment des entreprises artisanales, ont été considérablement enrichies par les travaux de l’Assemblée nationale et par ceux qui ont été conduits en commission par le Sénat. Je ne peux que saluer ce travail en commun, dont Emmanuel Macron s’attachera à vous exposer plus précisément le contenu.

Il en va de même pour le volet agricole, sur lequel, là encore, un important travail en commun a pu être accompli. Il s’agit de dispositions parfois subtiles, mais substantielles, qui touchent tant au foncier, c'est-à-dire au principal outil de production, qu’à l’organisation des chaînes de valeur dans ce secteur. La transparence doit être ici un moyen d’apaiser ce secteur et, ainsi, de le renforcer.

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