Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 4 juillet 2016 à 16h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - orientation et protection des lanceurs d'alerte — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite revenir, à la suite de Michel Sapin, sur quelques dispositions témoignant de la volonté qui est la nôtre de permettre à nos entreprises de saisir les nouvelles opportunités économiques pour notre pays et de restaurer une forme d’égalité des chances.

La grande transformation numérique en cours bouleverse très profondément nombre de secteurs d’activité et vient percuter certaines activités moyennement qualifiées, tout en offrant de nouvelles opportunités pour la création d’emplois à faible qualification ou particulièrement innovants.

Il importe de mettre notre économie en situation de créer ces nouvelles formes d’activité, en particulier en ouvrant le travail indépendant aux moins qualifiés. En effet, quand on compare l’économie française à d’autres économies européennes, on s’aperçoit que, bien souvent, des rigidités ou des blocages subsistent, qui nous ont empêchés de profiter pleinement des possibilités offertes par l’entrepreneuriat sous toutes ses formes.

Par ailleurs, nous devons permettre à notre économie d’innover et de croître beaucoup plus rapidement, afin de saisir toutes les opportunités de création de richesses et d’emplois portées par la grande transformation numérique.

Le défi que nous avons à relever est double.

D’une part, il s’agit de créer les conditions pour que nos concitoyens, notamment les moins qualifiés d’entre eux, puissent développer une activité et créer ainsi des emplois, pour eux-mêmes et pour d’autres. De tels emplois se créent d’ores et déjà sur notre territoire, mais pas suffisamment ou dans un cadre juridique incertain, voire dans l’illégalité.

À cet égard, je dirai, pour me référer au grand homme auquel un hommage a été rendu tout à l’heure, qu’il faut savoir parler vrai, et regarder la réalité en face. Il convient de remédier aux imperfections de notre système législatif, à ses rigidités, dans l’optique d’accompagner ce mouvement. Oserai-je rappeler ici que le taux de chômage dépasse 16 % pour les non-diplômés et peut même atteindre, dans certaines zones, 50 % pour les jeunes peu diplômés. Ces formes de création d’activités sont aussi des formes de création d’emplois pour celles et ceux qui ont plus de facilité à trouver des clients que des employeurs…

D’autre part, nous devons forger un nouveau modèle de croissance, fondé sur l’innovation. À cet égard, plusieurs dispositions de ce texte visant à faciliter la croissance des entreprises, mais aussi leur financement en fonds propres, sont absolument décisives.

En effet, le financement de notre économie est encore trop largement axé sur une économie de rattrapage, c'est-à-dire une économie reposant sur l’intermédiation bancaire et financière et sur l’endettement. Or l’innovation suppose d’être en mesure de lever rapidement des montants parfois importants en fonds propres. L’enjeu est donc aujourd'hui de trouver les voies et moyens de transformer le financement de notre économie.

Comment procéder à ces aménagements ? Plusieurs dispositions visant à accompagner ces mutations économiques figureront dans les lois financières à venir ; je pense en particulier au compte épargne-investisseurs. D’autres mesures sont d’ores et déjà inscrites dans le texte qui vous est soumis. Elles ont fait l’objet d’une longue concertation et d’un travail approfondi de Mme Pinville, notamment, et de Mme Barbaroux, présidente de l’Association pour le droit à l’initiative économique, en vue de lever les freins à l’entrepreneuriat individuel. Le débat parlementaire et notre réflexion commune parachèveront ce travail, afin de permettre à chacun de saisir les nouvelles opportunités économiques.

La démarche s’articule selon trois axes.

En premier lieu, il s’agit de faciliter la création et le développement d’activités et d’emplois par les travailleurs indépendants. Ainsi, des dispositions du projet de loi visent à réformer notre système de qualifications professionnelles. L’objectif est de permettre aux personnes éloignées du marché du travail qui souhaiteraient exercer légalement certains emplois, mais qui ne détiennent pas les titres de qualification nécessaires, de le faire, sans pour autant que cela n’amène aucunement à mettre en péril la santé ou la sécurité.

À cet égard, le durcissement progressif des conditions d’accès à certaines activités et métiers a pu fermer des opportunités d’emplois à des personnes qui sont prêtes à tous les efforts pour se lancer.

L’Assemblée nationale a fait évoluer le dispositif proposé par le Gouvernement, en confortant l’approche par activité et en redonnant de la souplesse pour que les activités connexes puissent être prises en compte. Le dispositif vise aussi à clarifier le droit actuel et à ouvrir les modalités de justification de la qualification professionnelle, pour permettre au maximum de personnes d’y accéder.

En deuxième lieu, plusieurs mesures visent à faciliter la création et le développement d’entreprises dans notre pays.

Aujourd’hui, la création d’entreprises et le développement de l’activité sont entravés par un certain nombre de freins administratifs, largement inutiles. Ce projet de loi vise à les supprimer.

En matière de création d’entreprises, les freins, en apparence de faible importance, produisent des effets sensibles. Le Gouvernement a d’abord proposé de supprimer, à l’article 39, l’obligation faite à tout auto-entrepreneur d’ouvrir un compte bancaire professionnel. L’Assemblée nationale a souhaité maintenir cette obligation, mais en reportant sa mise en œuvre, pour les micro-entrepreneurs, jusqu’à douze mois après la création de leur entreprise.

Un autre frein à la création d’activités tient à l’obligation d’effectuer un stage préalable à l’installation pour les métiers artisanaux. En pratique, il faut parfois attendre plusieurs mois avant de pouvoir suivre ce stage. Alors que plusieurs améliorations notables ont été apportées pour faciliter la création d’entreprises dans nombre de secteurs, une telle exigence apparaît paradoxale. Le projet de loi, tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale, encadre ce régime d’autorisation en prévoyant de laisser un court délai aux chambres de métiers et de l’artisanat pour organiser ce stage. L’Assemblée nationale a également approuvé la volonté du Gouvernement de définir des conditions de dispense de stage, en particulier pour les entrepreneurs soutenus par les réseaux.

Ensuite, le Gouvernement souhaitait rendre possible sans contrainte le passage du régime réel au régime de la micro-entreprise. Les lois de finances à venir reviendront sur ce point.

Enfin, ce projet de loi prévoit de lever des freins au développement des entreprises liés au changement de statut : la transformation d’une entreprise individuelle en société suppose ainsi le respect d’un certain nombre d’obligations coûteuses et inutiles qu’il convient de supprimer.

Sur l’ensemble de ces points, vos commissions et les rapporteurs ont bien voulu suivre l’orientation que je viens d’exposer et ont confirmé les solutions élaborées à l’Assemblée nationale. Je tiens à saluer l’esprit constructif dont ont fait preuve, au cours de nos échanges, MM. Bas, Pillet et Gremillet, ainsi que M. de Montgolfier, pour ce qui concerne les aspects fiscaux.

En troisième lieu, le projet de loi vise à moderniser le régime de financement des start-up, des PME et des ETI, les entreprises de taille intermédiaire.

Nous souhaitons agir de deux manières pour essayer de répondre à la nécessité de rendre le financement de notre économie plus conforme aux besoins d’une économie de l’innovation, et notamment de permettre aux entreprises de lever davantage de fonds propres.

D’abord, comme Michel Sapin vient de le rappeler, il convient de favoriser, ainsi que les directives le permettent, l’orientation à long terme des investissements des régimes de retraite supplémentaires, dont l’encours est de 130 milliards d’euros, vers le financement de l’économie, en particulier de l’innovation. Ces derniers avaient été rattachés à la directive Solvabilité II, dont le régime régulatoire extrêmement contraignant orientait largement l’allocation de ces montants vers le financement obligataire. Grâce à la réforme proposée, plus de 20 milliards d’euros pourront être à terme redirigés vers le financement en fonds propres de l’économie.

Ensuite, nous souhaitons ouvrir aux entreprises de l’économie sociale et solidaire l’accès aux ressources du livret de développement durable, pour permettre le développement de ce secteur. Là aussi, cela conduira à une plus forte croissance de nombre d’entreprises qui sont des acteurs de la transformation économique et de l’innovation.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les compléments que je souhaitais apporter à la suite de la présentation par Michel Sapin du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Aujourd'hui, le rôle des responsables politiques que nous sommes est de se battre chaque jour pour que les Français soient égaux dans l’accès aux opportunités d’emploi et de création de richesses. Tel est l’objet des mesures de simplification et de fluidification visant à instaurer davantage d’efficacité économique et de justice sociale que je viens d’exposer rapidement.

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