Intervention de Jean-Claude Lenoir

Réunion du 4 juillet 2016 à 16h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - orientation et protection des lanceurs d'alerte — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Jean-Claude LenoirJean-Claude Lenoir :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me suis souvent demandé comment l’auteur d’un amendement ou d’un texte législatif, projet ou proposition de loi, pouvait faire en sorte de lui donner son nom. Le plus ancien et le plus connu des amendements de ce type fut l’amendement Wallon, et la plus ancienne loi à porter le nom de son auteur fut la loi Le Chapelier, qui remonte à 1791.

D’autres lois se voient aujourd'hui attribuer le nom, bien connu, de ministres actuels, en particulier le vôtre, monsieur Sapin. Il faut le souligner, c’est la deuxième fois que vous entrez dans l’histoire des lois. Cela témoigne à la fois de votre longévité en politique et de votre persévérance à défendre des idées qui sont justes.

Toutefois, vous devriez être quelque peu embarrassé, car votre projet de loi a été alourdi d’un certain nombre d’articles relativement éloignés du sujet. Comme plusieurs orateurs l’ont déjà souligné, il eût notamment été préférable de prévoir, en plus du texte émanant de votre ministère, un texte consacré spécifiquement à l’agriculture.

L’agriculture est le parent pauvre de ce texte ! Le projet de loi conçu par le Gouvernement ne comprenait qu’une dizaine d’articles sur ce thème. Certes, l’Assemblée nationale a multiplié leur nombre par quatre – cela a d’ailleurs mis à mal le travail du rapporteur, la version examinée en commission n’étant plus du tout la même que celle qui avait servi de base aux auditions –, mais il n’est absolument plus question d’agriculture aujourd'hui.

À cette tribune, on a évoqué l’essentiel, à savoir le texte, sans aucune mention de toute une série de dispositions qui auraient au demeurant justifié la présence dans l’hémicycle du ministre chargé de l’agriculture, au moins pour la discussion générale.

Autre particularité, que l’on retrouve à la fois dans le projet du Gouvernement et dans les mesures ajoutées par les députés, les dispositions touchant à l’agriculture ont, pour l’essentiel, été tirées d’une proposition de loi débattue au Sénat et adoptée à une large majorité.

Ce sont effectivement quelque 200 sénateurs qui se sont prononcés en faveur de cette proposition de loi, dont j’étais le premier auteur. Mais, une fois parvenu à l’Assemblée nationale, le texte a été rejeté sans ménagement par les députés, qui n’ont même pas voulu en discuter en séance publique.

Nous avons persévéré en deuxième lecture. Et, à notre grand étonnement, ainsi qu’à notre grande satisfaction, nous retrouvons la plupart de nos propositions dans plusieurs textes présentés par le Gouvernement. Je pense par exemple à la loi de finances initiale pour 2016 ou la loi de finances rectificative pour 2015. La semaine dernière encore, nous avons examiné une proposition de loi déposée par les socialistes sur les outils de gestion des risques en agriculture ; j’y faisais allusion en début de séance. À chaque fois, certaines des mesures que nous avions suggérées sont reprises.

Idem pour la transparence. À l’issue d’importants travaux menés par les sénateurs, d’ailleurs sur l’initiative du président du Sénat, M. Gérard Larcher, nous avions avancé des propositions, notamment pour faire en sorte que la formation des prix s’appuie sur des indicateurs de coût de production et de prix du marché.

Nous avions également appelé de nos vœux un renforcement de la contractualisation, avec des organisations de producteurs qui pourraient en être partie prenante et disposer d’un rôle accru dans les discussions avec leurs partenaires.

Nous retrouvons une autre proposition que nous avions formulée : une conférence pourrait réunir l’ensemble des acteurs de la filière, c’est-à-dire les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.

L’origine des produits a également suscité un débat. Nous entendions pouvoir expérimenter une formule « eurocompatible » qui permette au consommateur d’avoir accès à des informations évidentes s’agissant de l’origine des produits carnés et laitiers consommés.

En outre, sur l’initiative de notre collègue Daniel Dubois, nous avions prévu la possibilité de communiquer et de publier la liste des entreprises ne répondant pas aux demandes de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. C’est une proposition que nous retrouvons aujourd'hui.

Enfin, le Gouvernement a également repris à son compte la disposition concernant la non-cessibilité à titre onéreux des contrats laitiers, que nous avions adoptée dans notre proposition de loi.

Nous aurions donc de quoi être satisfaits aujourd'hui. Mais que de temps perdu ! La proposition de loi que j’évoque a été examinée à l’automne, puis débattue et votée au mois de novembre. Huit mois plus tard, nous en sommes au même point !

Il eût été plus judicieux et plus efficace que le Gouvernement acceptât de discuter nos propositions. Certes, nous n’appartenons pas à la majorité présidentielle. Mais nous représentons un certain nombre d’électeurs et nous avions travaillé avec l’ensemble de la profession. Nous aurions ainsi mieux travaillé. Votre texte aurait été « dépouillé » de ce qui, au fond, ne vient pas de vous. Cela nous aurait permis d’avoir, à l’image de ce que vous avez réalisé voilà une vingtaine d’années, un texte sur la transparence !

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