Intervention de Michel Sapin

Réunion du 4 juillet 2016 à 16h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - orientation et protection des lanceurs d'alerte — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Michel Sapin, ministre :

En effet !

J’ai apprécié la tonalité de ces interventions, même si certaines comportaient des aspects critiques, ce qui est parfaitement légitime. Toutefois, j’ai senti chez les uns et les autres une volonté d’avancer ; c’est très positif.

Les uns trouveront que le texte va trop loin, tandis que d’autres considéreront au contraire qu’il ne va pas assez loin. Certains, et je m’en réjouis, peuvent prendre comme élément de comparaison le texte initial du Gouvernement ou le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, que j’avais soutenu. Mais, globalement, la volonté d’avancer est réelle.

D’aucuns me diront qu’on ne peut évidemment pas être en désaccord avec des objectifs de lutte contre la corruption et de transparence de la vie publique. Mais, chacun le sait, des différences peuvent apparaître entre nous dans la manière de les appliquer dans les faits. L’examen du contenu concret du projet de loi nous permettra précisément de voir si nous convergeons bien sur tous les sujets.

Vous ne m’en voudrez pas, monsieur Lenoir, mais je laisse de côté les questions relatives à l’agriculture. Certes, je ne me sens pas incompétent en la matière, étant élu d’une région à dominante agricole et ayant quelques ascendances familiales dans l’élevage des vaches limousines. Mais la responsabilité de vous répondre revient plutôt à M. Le Foll, qui sera présent lors de l’examen des articles concernés.

J’ai noté votre insatisfaction quant à la lenteur de l’examen des propositions de loi, et votre satisfaction que ce projet de loi permette de faire accélérer les choses. Raison de plus d’avancer le plus rapidement possible pour le rendre effectif.

Beaucoup d’entre vous ont insisté sur la lutte contre la corruption ou sur le répertoire commun des représentants d’intérêts. À ce stade, la question des lanceurs d’alerte concentre une part importante des discussions.

On peut avoir une vision idéaliste du lanceur d’alerte, ce qui n’est pas mon cas, ou une vision par définition extrêmement soupçonneuse, ce qui n’est évidemment pas mon souhait. Un lanceur d’alerte n’est pas lanceur d’alerte parce qu’il le proclame ; il est lanceur d’alerte parce qu’il répond à un certain nombre de critères. L’enjeu, aujourd’hui, c’est la définition d’un statut.

À la différence de ce que l’on peut connaître dans d’autres pays, par exemple aux États-Unis, un lanceur d’alerte n’est pas rémunéré pour cela. Il agit dans l’intérêt général. Cette notion d’intérêt général me paraît être au cœur du débat sur son action.

Celui qui agirait par pure vengeance, par volonté de mettre en difficulté son employeur, parce qu’il serait mécontent de sa vie professionnelle, ne serait pas un lanceur d’alerte. En revanche, celui qui, par désintéressement personnel et volonté de défendre l’intérêt général – dès lors qu’il a respecté un certain nombre de procédures, ce qui est légitime –, déclenche l’alerte mérite d’être considéré, défendu et, parfois, aidé s’il fait l’objet de procédures judiciaires ou est privé de son emploi.

J’attire votre attention sur un point. Selon une vision assez simple, peut être considéré comme lanceur d’alerte celui qui révèle des faits délictueux, voire criminels. La question est alors de savoir si les faits mis au jour tombent, ou non, sous cette qualification. Si ce n’est pas le cas, la personne qui les a révélés n’est, dans cette logique, pas un lanceur d’alerte. Pourtant, nous connaissons des cas où les faits dénoncés n’étaient pas délictueux. Je pense en particulier à Antoine Deltour, qui a dénoncé non pas des faits délictueux, mais une situation parfaitement anormale, celle des LuxLeaks. Elle était tellement anormale que le nouveau gouvernement et le nouveau parlement luxembourgeois se sont empressés d’y mettre fin et que les États membres de l’Union européenne, sur la proposition de la Commission, ont adopté une directive pour faire la transparence sur la situation fiscale des entreprises dans chacun des pays concernés.

De fait, Antoine Deltour a agi dans l’intérêt général, sans pour autant dénoncer une situation illégale. Ce cas de figure doit être visé par la loi, même si, j’en conviens, le travail de rédaction n’est pas toujours simple. Certes, on ne rédige pas la loi en fonction d’une personne ou d’une situation. Mais on peut s’inspirer de faits concrets pour prévoir des dispositions de portée générale. Je vous demande vraiment d’y réfléchir.

Il faut évidemment procéder à des simplifications, apporter des garanties, protéger contre les entreprises de délation qui seraient uniquement motivées par un esprit de vengeance. Mais je vous invite à être attentifs à ce que je viens d’évoquer. Nous aurons fait œuvre utile si nous parvenons à avancer.

Je remercie M. le rapporteur, M. le président de la commission des lois et l’ensemble des intervenants de leur important travail. Tous ont montré leur compétence sur ces sujets. Je souhaite que la discussion des articles nous permette de prouver notre capacité à converger autour d’objectifs communs.

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