Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 4 juillet 2016 à 16h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - orientation et protection des lanceurs d'alerte — Article 1er

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entrons de plain-pied dans le débat.

La création d’une agence de prévention et d’aide à la détection de la corruption nommée « Agence française anticorruption » à l’Assemblée nationale et renommée par notre commission des lois « Agence de prévention de la corruption » – après avoir été déchue de son pouvoir de sanction, qui a été renvoyé à la justice – pourrait, semble-t-il, aller dans le bon sens, cette agence se substituant à l’actuel service central de prévention de la corruption, créé par la loi Sapin I.

Le Gouvernement préconise que cette nouvelle autorité indépendante dispose de moyens renforcés et soit dotée d’une commission des sanctions chargée de prononcer des injonctions et des sanctions à l’encontre des sociétés ne respectant pas leurs obligations de prévention de la corruption.

Cependant, la création de cette nouvelle autorité « indépendante » pour prévenir, contrôler, voire sanctionner ce qui relève normalement, selon nous, des prérogatives de l’État, de la justice judiciaire nous laisse nous aussi dubitatifs.

Ne faudrait-il pas plutôt – nous avons adressé maintes interpellations en ce sens – renforcer les moyens d’agir de la justice et, notamment, du parquet national financier, récemment créé pour lutter contre la grande criminalité économique et financière, plutôt que de pallier artificiellement ces lacunes ?

Nous pouvons en outre déplorer le manque d’études d’impact en matière de corruption. De quoi parle-t-on concrètement ? Et, par conséquent, que sommes-nous amenés à contrôler ? Au final, ne s’agit-il pas d’une disposition creuse, à plus forte raison au regard de la réduction effectuée par la droite sénatoriale, tout juste efficace pour « redorer le blason » de la France en matière de corruption à l'échelon international ?

A minima, nous pourrons réfléchir, au cours du débat, si cette instance est amenée à être conservée, à y associer des citoyens, en plus d’organisations syndicales, dans le contrôle réellement opéré.

La création pléthorique d’autorités indépendantes est symptomatique d’un recul du politique. En suivant cette voie, l’exécutif fait souvent le choix du « jeu de la défausse », qui permet de l’éloigner des tensions économiques, sociales, et de se déresponsabiliser d’arbitrages qu’il ne veut pas assumer.

Ainsi, comme nous l’affirmons maintenant depuis de nombreuses années, la multiplication des autorités administratives conduit à un démembrement et à un délitement de l’État.

Le Conseil d’État lui-même, dans son rapport de 2001, n’était d’ailleurs pas favorable à cette multiplication d’agences, qui consiste à transformer progressivement un service de l’État en établissement public ou en commission consultative, puis en autorité administrative indépendante, et parfois enfin en autorité publique indépendante.

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