Je limiterai mon intervention au titre I du projet de loi. Celui-ci est l'aboutissement d'un cheminement commencé dès le début du mandat du Président de la République, qui, lorsqu'on lui avait demandé quel serait son grand chantier présidentiel, avait répondu : « l'engagement ». L'opération « La France s'engage », après des débuts modestes, prend de l'ampleur. Elle met en lumière les capacités d'innovation et de réponse originales du monde associatif aux problèmes sociaux.
Après les attentats de janvier 2015, le Président de la République s'est demandé comment s'appuyer sur la capacité d'engagement des citoyens pour répondre aux menaces extérieures et aux risques intérieurs pesant sur la République. Sa conviction s'est renforcée après les attentats de novembre 2015 et l'a conduit, lors de ses voeux à la jeunesse, le 11 janvier, à lancer le défi d'un service civique universel, c'est-à-dire accessible à tous, soit la moitié d'une classe d'âge - environ 350 000 jeunes.
En 2015, le Président de la République a demandé à MM. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, et Claude Onesta, sélectionneur de l'équipe de France de handball, de travailler à ce que pourrait être une réserve citoyenne. Ils ont rendu un rapport énonçant des préconisations. Depuis, le débat porte sur les moyens à mettre en oeuvre. Avec M. François Chérèque, puis devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale, j'ai plaidé pour rebaptiser la réserve citoyenne en « réserve civique ». Il est important de reconnaître la continuité du parcours d'engagement, auprès des associations sportives ou culturelles ou pour certaines causes.
Le service civique vient donner un levier supplémentaire au désir d'engagement de la jeunesse, en croissance constante. Des sondages réalisés par l'Agence du service civique en 2015 montrent que 50 % des jeunes sont spontanément intéressés, et que 60 % le sont après explication. Environ 215 000 jeunes ont déposé leur candidature sur le site internet de l'Agence. Le défi nous est en réalité lancé par la jeunesse de ce pays, qui demande des outils pour traduire sa volonté d'engagement.
Le service civique, conçu comme un moment de formation, de contact, de brassage social, comme une découverte de la complexité de la société et des valeurs de la République, est unique : comme le service militaire, on ne le fait qu'une fois. Mais son achèvement ne doit pas sonner la fin de la capacité d'engagement. La jeunesse et la séniorité active sont les deux périodes privilégiées : avant d'avoir des enfants, et quand ils sont élevés. Les 35-50 ans veulent un engagement plus ponctuel et plus précis.
La vocation de la réserve est d'encourager tous les citoyens à apporter une aide ponctuelle dans un cadre garanti par la puissance publique et défini par les acteurs de la société civile, par les élus locaux et par les représentants de l'État. Dans l'idéal, le jeune issu du service civique a vocation à intégrer la réserve civique. Je suis toutefois perplexe quant à la volonté de certains députés de l'ouvrir dès l'âge de 16 ans, qui paraît contradictoire avec la proposition de s'inscrire en fonction de ses compétences. À l'inverse, le service civique fait appel à la seule volonté d'engagement, l'un de ses buts politiques étant le brassage des jeunes quelle que soit leur qualification ou leur origine.
L'un des débats suscités par le projet de loi porte sur les garanties qu'il apporte à l'absence d'effet de substitution aux emplois et aux stages. L'Assemblée nationale a renforcé ce principe, crucial depuis le début de l'activité de l'Agence du service civique, et qui constitue le premier critère d'agrément des missions. Si la différence avec un emploi s'impose d'elle-même, rien ne ressemble plus à un jeune stagiaire qu'un jeune volontaire. Il faudra travailler sur la conception même des missions de service civique.
Si la représentation nationale décidait de proportionner les moyens de l'Agence du service civique à l'ambition fixée, il faudrait 50 à 60 000 organismes d'accueil. Je n'imagine aucune procédure de contrôle systématique. La conception des missions et les dispositions assurant la transparence préviendront d'éventuelles dérives. Nous préparons un guide pratique destiné aux ministères et aux opérateurs publics pour qu'ils développent des projets, des activités de contact avec le public ne relevant pas du rôle ordinaire des services. Le but est de rapprocher les services publics et les citoyens.
Le service civique n'est ni un emploi, ni un stage. Le volontaire n'est pas dans un rapport de subordination avec l'organisme qui l'accueille. C'est l'État qui l'indemnise. Plus encore, la vocation du service civique est de développer l'entraide entre citoyens et non de fournir une prestation de service. Il est de notre devoir d'élaborer des missions qui ne confondent pas ces deux notions.
J'étais cet après-midi à une réunion du comité de pilotage du ministère de l'intérieur sur le service civique. Qu'il s'agisse de prévention des risques ou de la délinquance ou d'apprentissage de la sécurité routière, il existe mille et une activités dans lesquelles s'investir. Le développement peut être considérable. De même, relativement peu de missions du service civique concernent la santé. Ce que l'on peut demander à un jeune volontaire dans un établissement hospitalier est bien sûr limité, mais en matière d'accompagnement post-hospitalisation, de politique de prévention ou de santé communautaire, beaucoup de démarches sont à la portée des volontaires du service civique.
La formation est l'une de nos préoccupations : auprès de l'organisme d'accueil, pour qu'il sache ce qu'est le service civique, quelles sont ses missions et ce qu'il peut apporter ; auprès des tuteurs, non sur le contenu de la mission - les anciens qui accueillent des jeunes transmettent spontanément leur savoir - mais sur les caractéristiques propres du service civique et sur ses objectifs, ainsi que sur les règles juridiques à respecter; auprès des jeunes eux-mêmes. Le service civique constitue une formation en tant que tel, au cours de laquelle les jeunes découvrent des choses, des gens, se découvrent eux-mêmes, clarifient leur projet de vie. Certains, envoyés par des missions locales, arrivent dans un état d'indécision et de doute et ressortent, six ou neuf mois plus tard, en ayant franchi un cap. Cela fait plaisir à voir. Ils découvrent des métiers, des possibilités, des vocations.
Depuis 2010, 130 000 jeunes ont accompli un service civique. Ce capital d'expériences aide à imaginer son développement. À la fin du premier semestre 2016, nous dénombrons 45 000 jeunes volontaires. Le chiffre de 110 000 sur l'année n'est pas hors de portée dans la mesure où la majorité des missions commence avec l'année scolaire, en septembre ou octobre. La mobilisation des grands organismes publics et des associations aide à atteindre cet objectif.
De 100 000 à 350 000, le changement d'échelle est radical. Plus que sur les grands programmes, il faudra compter sur la proximité. Comment faire sans l'aide des maires et des communes ? Cet échelon est stratégique. Combien y a-t-il d'élus communaux actuellement ?