Intervention de Yannick Blanc

Commission spéciale Egalité et citoyenneté — Réunion du 29 juin 2016 à 18h00
Audition de M. Yannick Blanc président de l'agence du service civique

Yannick Blanc, président de l'Agence du service civique :

Madame la rapporteure, Erasmus Sport n'a été ajouté à Erasmus Jeunesse que dans un deuxième temps, tout simplement en raison d'une erreur matérielle : le mot sport avait été oublié...

Je récuse les critiques, datées, de la Cour des comptes sur la mixité sociale. Je vous ferai parvenir le rapport d'activité, par secteur d'activité, de l'Agence. Nos chiffres de mixité sociale sont supérieurs à la moyenne nationale pour les jeunes n'ayant pas le bac. La proportion de jeunes en service civique est à l'image de la population des jeunes, sans distorsion. Nous ne faisons pas de miracle, mais le système ne dérive pas. La propension à l'engagement est proportionnelle au niveau de qualification : plus on est en haut de l'échelle sociale, plus on s'engage. Un de nos objectifs, c'est de compenser cette tendance. Nous en avons débattu avec les députés. Pour autant, on ne va pas instaurer de discrimination positive car le service civique a pour vocation d'accueillir tous les jeunes.

Doit-on continuer à demander à un jeune candidat à une mission de service civique de rédiger un CV ? Je suis assez d'accord avec les associations : tant qu'on demandera un CV aux candidats, il y aura un phénomène de sélection, visible ou invisible ; mais il est bon aussi que les organismes puissent savoir à qui ils ont affaire pour préparer le tutorat. La réponse doit être nuancée mais l'objectif de mixité sociale est central. En principe, oui, le service civique a un rôle de cohésion sociale par rapport aux jeunes en déshérence, même si cela se fonde uniquement sur la capacité d'engagement, qui n'est pas absente, à condition de faire les propositions suscitant cet engagement. En tant que préfet du Vaucluse, j'avais expérimenté la Garantie Jeunes dans mon département. Durant les six semaines initiales de travail en groupe, et à la surprise des accompagnateurs, certains groupes de jeunes trouvaient des projets et des motifs d'engagement, cela devenait presque un réflexe. Dans ces quartiers, on doit encourager ces dispositifs de soutien. Nous le faisons notamment avec la Ligue de l'enseignement et Unis-Cité, nos deux principaux partenaires associatifs. Samedi 9 juillet, je serai à Lyon pour une journée organisée par l'association La Fabrique à idées, présidée par un ancien du service civique, qui propose un service civique inversé : ce ne sont pas des organismes qui offrent des missions, mais des jeunes qui réfléchissent ensemble à des missions à proposer. Cela peut donner des résultats intéressants. Nous suivons et encourageons ces initiatives.

Faut-il parler de réserve citoyenne ou civique ? En proposant l'adjectif « civique », je souhaitais d'abord que le monde associatif surmonte sa réticence envers la réserve. L'engagement citoyen est à la portée de tous. Il relève de la liberté, peut prendre différentes formes, sans être piloté par la puissance publique. On peut, en tant que citoyen, s'engager pour une cause, y compris sous des formes protestataires. Alors que le civisme, par définition, se fait au service de la collectivité, au service de sa cohérence. On clarifie ainsi le type d'engagement que l'on cherche dans la réserve. Deuxième argument, plus pragmatique, et de lisibilité du discours envers les citoyens : lorsque j'en avais parlé avec François Chérèque, j'estimais qu'entre le service civique et la réserve, le hashtag civique devait être le fil rouge de notre action. Je ne récuse pas les arguments de l'appellation « réserve citoyenne » mais cela reste ouvert...

La réserve de l'éducation nationale est-elle un échec ? Ce matin, je me suis rendu à l'université d'été de la réserve citoyenne de l'éducation nationale au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, écoutant les témoignages des chefs d'établissement et des réservistes. Certes, mon avis n'est pas un jugement définitif. Mais il ne suffit pas d'avoir une liste de réservistes prêts à s'engager pour que le contact se noue entre le l'établissement et le réserviste. Il faut tout un travail d'animation. Que mes propos ne soient pas mal interprétés. Pendant douze ans, j'ai été un compagnon de route et même le président du conseil d'évaluation de France Bénévolat, association créée justement pour rapprocher l'offre et de la demande, afin d'améliorer l'adéquation entre les jeunes souhaitant s'engager et les missions leur convenant. Nous avions organisé une bourse pour mettre en relation des volontaires avec des structures associatives. Au bout de deux ans d'évaluation, nous nous sommes rendus compte que le problème était plus qualitatif et plus complexe : le comportement bénévole et les modalités de l'engagement se transforment, du fait de l'évolution des modes de vie et des mentalités. Certaines associations vieillissent. Il y avait urgence à développer, dans les associations, une nouvelle compétence, la gestion des ressources humaines bénévoles, afin d'accueillir les bénévoles, définir leurs missions, les accompagner... Ce n'est pas un métier mais une compétence, qui depuis s'est beaucoup développée. Il y a dix ans, un brave citoyen frappant à la porte des Restos du Coeur se faisait « jeter dehors » : c'est une association de logistique, avec des contraintes particulières, qui ne voulait pas à l'origine s'encombrer de personnes non spécialisées. Désormais ces associations ont fait leur révolution, compris les enjeux du bénévolat et développé cette compétence. Je l'ai vu à Avignon dans les Banques alimentaires : un ancien commandant de CRS encadrait 50 bénévoles avec plein d'humanité, de chaleur, dans un univers pourtant très technique et complexe, avec des résultats extraordinaires. La réserve citoyenne de l'éducation nationale est confrontée à cela : le vivier ne suffit pas. Ce matin, j'ai vu les chefs d'établissement rencontrer les bénévoles. C'est comme dans les associations : une fois la rencontre faite, des liens très forts se tissent, et les rapprochements se font dans la durée. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Certes, le réseau a été lancé un peu dans la précipitation, mais l'expérience fera le reste.

Il faut décloisonner : les réservistes - y compris ceux de l'armée, de la gendarmerie ou de l'éducation nationale - sont recrutés sur leurs compétences, et les utilisent en tant que réservistes. Mais ils doivent se rencontrer pour développer des projets. Quand vous discutez avec eux, leur envie de transmettre, d'enseigner est très forte. Il faut construire des passerelles. La réserve civique débutera par des expérimentations territoriales, en commençant par quelques départements. Elle reposera sur une alliance triangulaire entre le préfet, les élus locaux, le monde associatif, qui se réunissent, et prennent leurs ressources auprès d'associations qui créent des liens sociaux, voire patriotiques - comme la société des membres de la légion d'honneur ou les anciens auditeurs de l'Institut des hautes études de défense nationale. Avec eux, on élabore des projets, pour analyser comment motiver des bénévoles dans des situations exceptionnelles - crises, catastrophes ou événements exceptionnels - selon leurs compétences. Ne devrait-on pas également imaginer des exercices ? En tant que préfet, j'ai tiré de nombreux enseignements des exercices de protection civile. L'appartenance à une communauté professionnelle a des effets très importants : sans entraîner l'enfermement dans l'entre soi, cela est essentiel pour entretenir les compétences, notamment dans les armes les plus techniques comme l'armée de l'air.

Madame la rapporteure, votre question sur le Conseil national de la jeunesse est malicieuse.

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