Intervention de Agnès Canayer

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 juillet 2016 à 9h35
Travail dissimulé — Communication

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer, rapporteur :

Forme de travail illégal, le travail dissimulé se définit comme l'omission volontaire et délibérée des formalités déclaratives et des obligations sociales et fiscales. Il peut s'agir d'une dissimulation d'activité ou d'emploi salarié.

C'est à la fois un enjeu pour les finances sociales, une question de protection sociale et un sujet d'égalité de traitement et de concurrence pour les entreprises.

Il nous était demandé par la Mecss de dresser un bilan du droit applicable en matière de travail dissimulé, de son appropriation par les entreprises et de son adaptation aux nouveaux enjeux.

Nous tenons à remercier notre collègue Pascale Gruny qui est non seulement à l'origine de ces réflexions, mais les a accompagnées dans la durée, participant à tous nos travaux, auxquels, comme c'est l'usage, l'ensemble des membres de la Mecss étaient conviés.

Avec la Mecss, nous sommes dans le champ de la sécurité sociale. Pour l'examen de cette question, nous avons donc privilégié les conséquences de cette infraction plutôt que sa qualification et l'angle du recouvrement plutôt que celui du droit du travail.

Nous avons tout d'abord été confrontées à l'évaluation du phénomène, déterminante pour les politiques à mener.

La quantification du travail dissimulé exige de nombreuses précautions.

En premier lieu, la fraude est par nature un phénomène difficile à quantifier.

Elle ne signifie pas, en second lieu, que les cotisations éludées pourraient forcément être récupérées : la fraude constitue le modèle économique de certaines activités, qui ne seraient pas viables en son absence.

Enfin, le paiement des cotisations sociales est une matière complexe : entre la fraude et l'erreur ou l'anomalie, le départ n'est pas toujours aisé. En témoigne le montant des sommes restituées aux entreprises à l'occasion des contrôles d'assiette : 190 millions d'euros en 2015.

Plusieurs méthodes d'évaluation sont disponibles : l'estimation de l'économie informelle sur la base de grands agrégats économiques, une extrapolation sur la base des contrôles réalisés ou sur celle de contrôles aléatoires ou encore des sondages auprès des prestataires et clients.

En 2014, la Cour des comptes avait abouti au chiffre de 20 milliards d'euros, soit un point de PIB et 5 % de cotisations éludées.

L'Acoss n'a pas repris ce chiffre à son compte, considérant qu'équivalent à la rémunération de 1,3 million de salariés au Smic à temps plein ou à l'ensemble des cotisations des travailleurs indépendants, il ne semblait pas correspondre à la réalité. Elle a mis en place une méthode fondée sur des contrôles aléatoires qui aboutit à une estimation comprise entre 6,1 et 7,4 milliards d'euros, soit un montant moins élevé mais qui reste très important, équivalent, par exemple au déficit de l'assurance-maladie de ces dernières années.

Le Conseil national de l'information statistique est saisi de ce dossier et devrait formuler des propositions pour la fin de l'année.

Nous retenons plusieurs conclusions sur cette question de l'évaluation : d'une part, il importe de définir une méthode consensuelle, mais surtout de suivre l'évolution des résultats dans le temps ; d'autre part, quelle que soit la méthode retenue, l'ampleur des résultats justifie une politique résolue pour faire respecter le droit, alors que les formes de fraude évoluent.

Sur ce sujet de l'évolution des fraudes aussi, il est difficile de déterminer si le travail dissimulé progresse dans notre pays ou s'il est mieux détecté. On peut observer que les chiffres de la fraude détectée augmentent dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la fraude fiscale, de la fraude douanière ou de la fraude sociale.

Les redressements notifiés pour travail dissimulé sont ainsi passés de 108 millions d'euros en 2008 à 462 millions d'euros en 2015 (209 millions pour le secteur du BTP). Avec une augmentation de 10 % chaque année, il est probable que le phénomène a été sous-estimé et sous-contrôlé pendant des années.

L'économie totalement souterraine est difficile à appréhender par les corps de contrôle spécialisés, soit parce qu'elle est illégale et relève plutôt des forces de sécurité et des douanes, soit parce qu'elle échappe à toute forme d'ancrage dans l'économie formelle. Dans certains territoires cependant, comme l'ont souligné les organisations syndicales lors de leur audition, elle est devenue visible.

Les services constatent une persistance des formes « traditionnelles » de travail dissimulé (salariés non-déclarés, établissements non-déclarés, fausse sous-traitance ou faux statuts, évolution des heures déclarés par les particuliers-employeurs au gré de celle des dispositifs fiscaux), aux côtés de laquelle se développent des montages complexes avec une dimension plus internationale.

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