Nous nous sommes interrogées sur les sanctions à privilégier.
Sur le terrain pénal, le travail dissimulé est passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, avec des quantums plus élevés en cas de récidive, d'infractions commises en bande organisée ou si elles concernent un mineur ou une personne vulnérable.
Des sanctions complémentaires sont encourues par les personnes physiques et les personnes morales : interdictions d'exercice, exclusion des marchés publics, confiscation, affichage, fermeture temporaire ou définitive, interdiction de percevoir toute aide publique.
La mise en cause pénale, avec transmission d'un procès-verbal au procureur de la République, est obligatoire pour qualifier le travail dissimulé.
Une fois cette transmission effectuée, la procédure de recouvrement est poursuivie par les Urssaf quelle que soit l'issue de la procédure pénale, ce qui suscite certaines incompréhensions : les deux procédures sont distinctes, l'une vise à réprimer un comportement, l'autre à récupérer les cotisations dues. Les Urssaf peuvent procéder à des redressements forfaitaires, appliquer des majorations et procéder au retrait ou à la réduction des exonérations et allègements de cotisations.
La réponse pénale est souvent décevante pour les inspecteurs, au regard de la fraude constatée et de leur implication.
Il y a environ 12 000 procédures pour travail dissimulé chaque année avec une réponse pénale de 93,5 %. Le taux de poursuite, après classement sans suite, est de 63 %, dont près d'une moitié d'alternatives aux poursuites. Le taux de poursuite pure est de 36 %, dont une moitié de rappels à la loi.
On observe une baisse constante des condamnations depuis 2010. La tendance générale est le développement des alternatives aux poursuites et une baisse du nombre de condamnations mais avec des condamnations plus lourdes. En moyenne, les peines d'emprisonnement sont de 5 mois fermes et ne donnent donc pas lieu à incarcération et le montant des amendes est d'un mois de Smic, ce qui peut sembler faible.
Les législateurs que nous sommes doivent être conscients que les procédures parfois sophistiquées que nous adoptons ne sont pas toujours connues des parquets, notamment dans les juridictions, les plus nombreuses, où les magistrats ne sont pas spécialisés sur ces questions. Cela nous a été indiqué par les Urssaf (mise en oeuvre de la solidarité financière des dirigeants d'entreprise) mais aussi par le parquet lors de notre déplacement à Lyon où le procureur de la République est très impliqué dans la lutte contre le travail illégal. Les juges du siège sont difficiles à convaincre et les condamnations parfois symboliques : le travail dissimulé, dans l'échelle des peines, est mis en regard d'atteintes aux personnes qui sont plus fortement réprimées.
L'effectivité des sanctions n'est pas toujours garantie. Ainsi que l'a signalé un de nos interlocuteurs à propos des donneurs d'ordre et de la sous-traitance, « les textes ont renforcé les obligations mais pas la visibilité ». Il y a un travail à mener sur la simplification et la hiérarchisation des sanctions qui sont nombreuses et parfois peu appliquées. Certaines sanctions sont tout simplement inapplicables : c'est le cas du retrait des aides publiques ou de l'interdiction de répondre à des marchés publics.
La responsabilité des donneurs d'ordre reste un levier essentiel. Il s'agit d'atteindre le bénéficiaire économique de l'infraction.
Cause ou conséquence des décisions prises en matière pénale, le recours aux sanctions administratives se développe. Il nous a semblé que cette voie était effectivement à privilégier.
Au cours de nos travaux, la question du cumul des sanctions, que le Conseil constitutionnel vient de valider en matière fiscale, s'est posée, à la suite de la solution adoptée dans le domaine boursier. La solution adoptée par le Conseil en matière fiscale semble valoir également en matière sociale.
Le développement des sanctions administratives et des pénalités pourrait avoir pour conséquence à terme de faire remonter au niveau législatif des éléments de procédures qui existent actuellement mais sont du domaine réglementaire. Cet exercice permettrait un réexamen des règles de contrôle et de redressement afin de s'assurer de leur cohérence.
Pour en venir à nos préconisations, nous privilégions la stabilité du droit applicable avec un impératif, l'amélioration du recouvrement.
Au regard de la complexité et du caractère très développé du droit applicable, nos interlocuteurs l'ont tous considéré comme suffisant, voire, pour certains, foisonnant. La question de son application se pose davantage. Nous ne proposons donc pas de nouveaux dispositifs juridiques.
Pour autant, si les montants redressés augmentent, la part effectivement recouvrée reste stable entre 10 et 15 %. Par comparaison, la DGFiP a notifié 22,2 milliards d'euros de rappels en 2015 et en a encaissé 12,2 milliards.
Comme cela nous a été indiqué au cours des auditions, « en matière de travail dissimulé, personne ne paie ». Pour les petites affaires, les personnes disparaissent et pour les plus grandes, les recours sont systématiques.
Si nous préconisons plutôt la stabilité du droit, quelques modifications ponctuelles nous semblent nécessaires pour améliorer le recouvrement.
Il s'agit tout d'abord de la possibilité de prendre des mesures conservatoires en rendant opérante la flagrance sociale, mesure instaurée par la loi de financement pour 2011. À la différence de la procédure applicable en matière fiscale, il faut passer par le juge de l'exécution pour obtenir, par exemple, la saisie des avoirs sur un compte bancaire. La succession des délais permet de facto aux personnes en cause d'organiser leur insolvabilité. Comme en matière fiscale, le juge administratif pourrait être saisi a posteriori.