Mesure de prévention, le fichier des interdits de gérer est prévu par le code de commerce mais il n'est pas mis en oeuvre. Lors de notre déplacement à l'Urssaf d'Île-de-France, un agent travaillait sur le dossier d'une personne qui avait pu immatriculer plus de 100 sociétés ! Ce dossier rencontre une forte résistance de la part des greffes des tribunaux de commerce qui prive les Urssaf d'un outil indispensable.
L'extension aux cotisations de chômage des procédures de recouvrement forfaitaire et de majoration de 25 % nous semblerait également utile.
Au-delà de la phase de mise en place, il faudra utiliser pleinement les potentialités ouvertes par la déclaration sociale nominative en matière de lutte contre la fraude.
Pour le cas spécifique des particuliers-employeurs, nous recommandons de stabiliser les dispositifs fiscaux qui leur sont applicables mais aussi de développer les fonctionnalités numériques de la plateforme Cesu pour inclure le paiement, comme dans le cas du chèque.
Nous souhaitons adapter les règles relatives à l'entraide familiale, notamment en cas de cession de l'entreprise. Elles sont de fait assouplies au sein de la MSA pour les agriculteurs mais ce serait nécessaire aussi pour les indépendants. Une protection simplifiée (accidents du travail) pourrait être prévue.
En matière de détachement, il est nécessaire de travailler au niveau européen sur la révision de la directive de 1996 sur le travail détaché (allongement du temps de présence préalable du salarié dans l'entreprise, caractère plus relatif de l'opposabilité du formulaire, exigence qu'il soit préalable, qu'il ne soit plus seulement déclaratif...) mais aussi sur le contrôle de son effectivité : les formulaires de détachement A1 sont des documents photocopiables et photocopiés, la Cour de justice de l'Union européenne a admis qu'ils puissent être produits 2 ans après le détachement, il n'y a pas de possibilité de vérifier l'affiliation effective dans le pays d'origine pour les corps de contrôle qui doivent passer par une procédure administrative... Sur ce sujet aussi, seul un système d'information partagé, annoncé pour 2018 (Eessi) permettrait un véritable contrôle.
Il faut cependant être conscient que la France est isolée sur ce dossier : agir sur le donneur d'ordre est le seul levier efficace dont nous disposons, il doit être plus systématiquement utilisé.
Pour ce qui concerne les nouvelles formes de travail (plateformes collaboratives, auto-entrepreneurs...), que nous avons abordées en marge de notre sujet, il nous a semblé qu'il ne s'agissait pas forcément d'un sujet de droit de la sécurité sociale. Les règles d'affiliation sont claires : la subordination juridique est établie lorsque des instructions sont données, qu'il y a un contrôle de leur exécution et une sanction ou une organisation du service. Elles sont d'ordre public : les parties ne peuvent pas y déroger par contrat en qualifiant elles-mêmes la nature de leur relation de travail. Par ailleurs, l'attraction vers le régime général et les règles de protection qui s'attachent au salariat est une tendance lourde. Elle a conduit à l'affiliation au régime général de travailleurs qui sont des indépendants (dirigeants de sociétés mais aussi gérants de chambres d'hôtes...). La démarche de l'Urssaf Ile-de-France envers Uber nous semble donc juridiquement fondée.
En revanche, la question soulevée nous semble celle de la viabilité économique : que faire lorsque l'application des règles met en péril le modèle économique lui-même ? En tirer des conséquences pour le cas d'espèce par un statut spécifique, au risque de soulever des questions de concurrence entre les entreprises et d'équité entre les travailleurs ? Interroger plus globalement le financement de notre protection sociale qui allie à un niveau de prélèvements facialement élevé un grand nombre d'exemptions ? Nous n'avons pas tranché ces questions.