Intervention de Jacques Chiron

Réunion du 7 juillet 2016 à 15h10
Orientation des finances publiques et règlement du budget 2015 — Débat puis rejet en procédure accélérée d'un projet de loi modifié

Photo de Jacques ChironJacques Chiron :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, il nous revient aujourd'hui de vérifier que le budget a été exécuté en dépenses et en recettes par le pouvoir exécutif conformément à ce qui avait été voté par le pouvoir législatif.

Je vois deux façons d’aborder le sujet. À côté d’une première lecture, budgétaire et comptable, classique mais importante, une lecture plus politique et, forcément, plus éclairante de ces éléments, mettant en perspective la trajectoire budgétaire de l’État et sa stratégie économique, est également possible.

Je vous propose d’adopter successivement ces deux modes de lecture.

Malgré une inflation restée faible, les recettes du budget général s’établissent à 294, 5 milliards d’euros et sont supérieures de 1, 2 milliard d’euros à ce que prévoyait la loi de finances initiale.

Ce bon résultat s’explique en partie par la politique très volontariste de lutte contre le rétrécissement des bases fiscales, qui continue à porter ses fruits.

Ainsi, ce qui frappe à la lecture des résultats de l’exécution des recettes, même si l’on commence à en avoir l’habitude, c’est l’importance du rendement du contrôle fiscal, puisque les encaissements s’élèvent à plus de 12 milliards d’euros, soit près de 2 milliards d’euros de plus que prévu.

J’en profite pour saluer le travail effectué par le service de traitement des déclarations rectificatives, qui aura permis de générer des recettes immédiates encore élevées en 2015. L’afflux des dossiers est tel que les régularisations devraient assurer des rentrées fiscales pour encore plusieurs années. Au-delà, ces fonds rapatriés viennent consolider les assiettes fiscales d’une série d’impôts et de taxes. Il me semble que la bonne exécution des recettes doit aussi être appréciée à la lumière de cet argument.

C’est sur le volet des dépenses que pesait le risque le plus important sur l’exécution du budget.

Frappé par deux séries d’attentats d’ampleur au cours de l’année 2015, notre pays a dû financer sa protection. Malgré cela, le niveau des dépenses voté par le Parlement a été respecté, et même réduit de 700 millions d’euros. Les dépenses de l’ensemble des administrations publiques n’ont augmenté que de 0, 9 % en valeur. C’est historiquement peu, et c’est le résultat d’un effort constant pour évaluer en permanence l’efficacité de l’ensemble des dispositifs d’intervention publique, alléger et moderniser le fonctionnement de l’appareil d’État.

Des dépenses en baisse, des recettes en hausse : en conséquence, le déficit public s’améliore. Celui-ci s’établit, pour 2015, à 3, 6 % du PIB, contre 4, 1 % aux termes des prévisions de la loi de finances initiale. La trajectoire de réduction à la fois continue et soutenue se poursuit donc.

Je rappelle que le déficit s’élevait à 7, 5 % du PIB en 2009 et à 7, 1 % en 2010. Je le dis sans intention polémique, simplement parce qu’il existe une logique inertielle à ne pas négliger lorsque l’on cherche à réduire les déficits.

En tout état de cause, ces résultats crédibilisent notre objectif de nous conformer à nos engagements européens à l’horizon 2017.

Concernant, enfin, la dette publique, l’objectif induit reste d’enrayer son augmentation. C’est déjà un objectif extrêmement ambitieux, compte tenu de l’explosion de la dette durant la décennie précédente : elle a augmenté de 20 points entre 2007 et 2012 !

Au total, et conformément à ce qui avait été voté voilà un an et demi, un équilibre a pu être trouvé entre économies à réaliser et maintien d’une capacité de financement orientée selon les priorités du Gouvernement, lesquelles ont sensiblement évolué en cours d’année, grâce aux bonnes recettes du contrôle fiscal.

L’ensemble de ces éléments techniques, parfois austères, traduisent des choix dont la nature est fondamentalement politique.

Ainsi, l’ambition mise en œuvre depuis 2012 repose, on en a désormais l’habitude, sur le triptyque économique, budgétaire et fiscal suivant : assainissement des finances publiques – c’est un impératif générationnel de souveraineté–, modernisation de notre appareil productif pour engendrer de l’activité et de l’emploi, préservation de notre modèle social.

Toute la difficulté de l’exercice réside dans la nécessité de concilier ces trois objectifs.

Ces dernières années, nous avons assisté, chez ceux de nos partenaires européens dont les finances publiques étaient le plus dégradées, à l’enclenchement d’un cercle vicieux : Italie, Espagne, Portugal, Grèce se sont trouvés face à l’impérieuse nécessité de contracter leurs domaines d’intervention publique au pire moment, c’est-à-dire en période de croissance négative. Les conséquences en chaîne ont été terribles : baisse des rentrées fiscales, coût social extrêmement dur, sous-investissement tant public que privé devenu structurel et, in fine, encore moins de compétitivité.

De ce point de vue, la reprise constatée dans ces pays depuis un ou deux ans est trompeuse. En effet, elle aura eu pour prix une véritable dévaluation sociale et un décrochage durable. La Commission européenne vient d’ailleurs de déclarer le Portugal et l’Espagne en déficit excessif.

À rebours de ce scénario, le Gouvernement a voulu créer les conditions d’une croissance durable en préservant notre modèle social. Pour ce faire, un plan d’une ambition inédite a été mis en œuvre afin de permettre aux entreprises de rétablir durablement leurs marges.

À court terme, la mise en place du CICE aura permis d’alléger le coût du travail.

Pour le long terme, le Gouvernement a fait le constat d’un double handicap de nos entreprises.

Premièrement, faute d’investissements depuis des années – je rappelle que le reflux a commencé au début des années 2000 –, notre appareil productif était confronté à un problème sérieux de positionnement en gamme : il était devenu trop cher pour se démarquer par les prix et pas assez innovant pour se démarquer par la qualité.

Deuxièmement, nos entreprises peinaient à exploiter pleinement les débouchés à l’étranger.

Le crédit d’impôt recherche, le suramortissement des investissements, la création de la Banque publique d’investissement et de Business France ont permis une modernisation et une montée en gamme rapide de notre économie. Nos entreprises sont ainsi en mesure de se positionner sur les secteurs générateurs de valeur ajoutée des années à venir et de se tourner vers l’international.

Toutes ces mesures, eu égard à leur portée, ne s’inscrivent pas dans une recherche de résultats à très court terme. Au contraire, il s’agit de réformes structurelles dont la réelle mesure pourra seulement être prise avec des années de recul.

.Je constate tout de même que, après deux années de montée en puissance de l’ensemble de ces dispositifs, les feux passent progressivement au vert : la croissance s’amplifie, les entreprises investissent, projettent de l’activité et donc embauchent – 188 000 créations d’emplois en 2015…

Parallèlement, les ménages consomment, ce qui est très important.

Tout d’abord, cela indique que la confiance est revenue, ce qui tord quelque peu le cou au french bashing.

Ensuite, et surtout, le Gouvernement a fait le choix de ne pas écorner notre modèle social. Quoi qu’on en dise, nous n’avons pas touché au salaire minimum ni aux prestations sociales. Au contraire, des mesures fortes ont été prises en faveur de nos compatriotes les plus modestes. Une étude récente de l’INSEE a montré que le pouvoir d’achat des ménages a plutôt résisté à la crise, ce qui n’est pas le cas chez nos voisins italiens, espagnols ou britanniques.

Notre modèle social a joué son rôle d’amortisseur de la crise. Ce modèle social n’est pas un handicap pour atteindre l’objectif primordial de rétablir nos finances publiques. Au contraire, il est un atout pour notre pays, un encouragement à entreprendre, avec la garantie que la communauté nationale sera solidaire des membres qui la constituent.

Les chiffres de 2015 confirment, voire dépassent, les principales tendances qui se dégageaient en début d’exercice : une croissance qui prend de l’épaisseur, un déficit public qui se réduit, une hémorragie en passe d’être stoppée sur le front de la dette.

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