Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 7 juillet 2016 à 15h10
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique – orientation et protection des lanceurs d'alerte — Article 43

Emmanuel Macron, ministre :

Pour autant, ne reconnaissez-vous pas la qualité du geste et du métier de restaurateur, monsieur Collombat ? Il y a peu de professions avec une telle reconnaissance de la qualité : étoiles, titres de meilleur ouvrier de France… c’est la capacité à progresser qui est reconnue ! Et lorsque la qualité n’est pas au rendez-vous, c’est un risque entrepreneurial qui est pris.

On a donc créé une dichotomie entre les activités qui relèvent du registre du commerce et des sociétés et celles qui relèvent du registre des métiers et de l’artisanat. C’est ce que nous voulions commencer à corriger. Nous ne sommes pas parvenus à un consensus parfait, mais ces éléments de contexte méritaient d’être rappelés.

Vouloir réformer les qualifications et les métiers ne signifie pas mépriser leur qualité et leur dignité. Sinon, ce serait nier en creux celles de toutes les activités professionnelles qui relèvent du registre du commerce et des sociétés. Or ce n’est pas le cas !

L’objet de cet article est de reconnaître que l’exercice même d’une activité permet d’acquérir une expérience ; c’est déjà pleinement le cas des activités que j’ai évoquées.

Par ailleurs, nous ne revenons sur aucune qualification professionnelle ! L’exigence est maintenue pour toutes les activités dont l’exercice requérait un CAP.

La profession de coiffeur est la seule pour laquelle un brevet professionnel était requis. Nous avons décidé, sans supprimer l’exigence du brevet professionnel pour l’ouverture d’un salon – je m’y suis engagé et je m’y engage de nouveau devant la Haute Assemblée –, de simplifier grandement la reconnaissance des acquis de l’expérience.

En l’état actuel du système, un coiffeur ou une coiffeuse titulaire d’un CAP avec dix ans d’expérience dans un salon ne peut pas le reprendre, s’il est mis en vente, sans passer un brevet professionnel… C’est croquignolesque ! Nous voulons donc simplifier les mécanismes de validation des acquis de l’expérience, afin de permettre à notre coiffeur ou à notre coiffeuse ayant un CAP de reprendre le salon dès trois ans d’expérience.

Cette disposition a fait l’objet de nombreuses discussions et, en définitive, d’un accord avec les représentants de la profession de coiffeur. C’est un pas dans le sens de la modernisation de cette profession, non pas par l’absence de diplôme ou de qualification, mais par la reconnaissance d’une qualification minimale et la prise en compte des acquis de l’expérience.

Madame Jourda, vous avez évoqué les prothésistes dentaires. Le cadre de notre discussion est celui de la loi du 5 juillet 1996 : dès lors qu’un métier relève d’une activité ayant trait à la santé ou à la sécurité des personnes, il faut des qualifications pour y accéder. Nous ne remettons rien en cause à cet égard.

Vous proposez d’élever le niveau de qualification requis. Le risque est de créer une nouvelle barrière disproportionnée à l’entrée. Surtout, une telle demande doit être examinée au regard de principes et de considérations multiples.

Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le niveau de qualification professionnelle exigé doit être proportionné et justifié par des impératifs de santé et de sécurité des personnes. Or le dispositif en vigueur, qui intègre en particulier la validation des acquis de l’expérience, apparaît bel et bien proportionné.

La fabrication de prothèses dentaires, comme tous les dispositifs médicaux, fait l’objet d’un encadrement strict dans le code de la santé publique. Cet encadrement est parfaitement maintenu. L’activité est assurée par le prothésiste sur prescription médicale d’un chirurgien-dentiste, et à partir des indications techniques, empreintes et moulages, que ce dernier est seul à pouvoir fournir.

En définitive, le vrai défi auquel la profession est confrontée est moins celui de la qualification que celui de la concurrence de prothésistes étrangers pratiquant un dumping sur les matières et les moulages. D’ailleurs, plusieurs centres de formation d’apprentis continuent à prodiguer des formations extrêmement compétitives de prothésistes ou à permettre la validation des acquis de l’expérience dans ce domaine.

La campagne d’inspections de prothésistes dentaires menée en 2010 et 2011 par ce qui était alors l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé n’avait d’ailleurs pas mis en évidence de risques de sécurité sanitaire ou de problème d’organisation des laboratoires de prothèses dentaires.

Pour toutes ces raisons, et parce que les effets de telles dispositions sont multiples, je recommande la plus grande prudence s’agissant du relèvement des niveaux de qualification exigés. Nous devons bien plutôt nous atteler, partout où cela s’impose, à mettre en place les offres de formation nécessaires à l’accompagnement des professionnels et à la validation des acquis de l’expérience. Voilà l’esprit de la réforme voulue par le Gouvernement.

La discussion du texte par l’Assemblée nationale a réduit, me semble-t-il, beaucoup d’incertitudes et d’angoisses exprimées par les professionnels. Notre souhait est donc de maintenir cette réforme, qui est le fruit d’un équilibre : reconnaissance des acquis de l’expérience, simplification de l’accès aux métiers, promotion de l’émancipation par l’entrepreneuriat individuel.

Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression. L’avis du Gouvernement est également défavorable sur les amendements visant soit à exempter de la réforme certaines professions, en particulier celle de coiffeur, soit, au contraire, à en inclure d’autres.

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