Intervention de Daniel Reiner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 juillet 2016 à 10h05
Nomination d'un rapporteur

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner, coprésident du groupe de travail « Bilan des opérations extérieures » :

Monsieur le Président, mes chers collègues, M. Gautier et moi-même nous efforcerons d'être aussi synthétiques que possible, pour laisser place au débat.

Si notre commission nous a chargés de dresser un bilan des opérations extérieures, les OPEX, c'est parce que le nombre d'opérations en cours, extérieures et intérieures, est élevé, et que nos soldats sont employés au-delà de ce que prévoient les contrats opérationnels. Dans ce contexte, nous nous sommes demandé si la France n'en fait pas trop et si nous avons bien fait de lancer toutes les opérations que nous conduisons. Notre idée de départ était d'évaluer les opérations menées ces huit ou dix dernières années, dans l'idée que certaines avaient été bonnes et d'autres moins, que certaines pouvaient être rétrospectivement critiquées - même si la critique rétrospective est facile - et, même, que certaines n'auraient pas dû être entreprises - nous pensions à la Libye.

Chemin faisant, nous avons réalisé qu'évaluer les opérations extérieures était un exercice très difficile, pour lequel il n'existait pas de méthodologie clairement établie. En réalité, il y a de multiples façons d'appréhender les opérations extérieures !

Si nous portons un jugement globalement positif sur les opérations qui ont été conduites, nous émettons aussi certaines critiques, dans un esprit constructif. Ces critiques, sur lesquelles nous insistons avec le souci d'améliorer les choses, ne doivent pas faire oublier le jugement d'ensemble, qui est favorable.

Notre groupe de travail, auquel participaient également Jean-Marie Bockel, Cédric Perrin, Gilbert Roger et Jeanny Lorgeoux, a procédé à deux déplacements en Afrique et à de nombreuses et longues auditions de représentants des ministères de la défense et des affaires étrangères, ainsi que d'organismes internationaux.

Il s'agit d'un travail de parlementaires - nous ne sommes pas des experts militaires -, et de parlementaires français : je suis sûr que des parlementaires allemands ou américains n'auraient pas travaillé de la même façon. Il expose la vision qu'a le Parlement français des opérations extérieures et de la manière dont il y est associé. Il est destiné à proposer certaines améliorations sur le plan français et à promouvoir cette vision française en Europe et dans le monde.

Nous avons constaté qu'il n'existait pas de définition des opérations extérieures dans notre littérature administrative. Nous nous sommes également aperçus que ces opérations étaient décidées en Conseil de défense et de sécurité nationale par le Président de la République, chef des armées, avant d'être déclinées sur les plans administratif et réglementaire par le ministère de la défense.

Nous nous sommes demandé si toutes nos opérations avaient été menées dans un cadre légal et si toutes les règles éthiques et morales que la France s'est données avaient été respectées. Nous avons conclu par l'affirmative, les opérations entrant dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ou invoquant la légitime défense.

Les contrats opérationnels définis par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 ayant été largement dépassés, nous proposons de les réviser.

Nous avons fait le constat, essentiel du point de vue des militaires, que toutes les opérations ont porté leurs fruits. En d'autres termes, nos opérations extérieures atteignent leur objectif sur le plan militaire. Reste que ces opérations ne résolvent à peu près jamais le conflit : elles sont un levier pour créer les conditions d'un règlement politique, qui fait intervenir d'autres acteurs, en particulier des organismes internationaux.

Ainsi, le but de guerre de l'opération « Sangaris » a été effectivement atteint, mais les problèmes de la Centrafrique ne sont pas pour autant résolus.

De là la nécessité d'une approche globale du règlement des conflits. Or les Livres blancs de 2008 et 2013 faisaient état de progrès à accomplir en ce qui concerne la manière dont la France met en oeuvre cette approche civile et interministérielle. Des progrès ont bel et bien eu lieu, mais on peut encore mieux faire. Au demeurant, ce n'est pas la France seule qui réglera ce problème. Elle aura de toute façon à faire suivre son action par une action internationale.

Nous portons une appréciation mitigée sur la qualité des forces de maintien de la paix de l'ONU ; je pense même qu'il faudrait être sévère dans certains cas. Nous avançons en la matière des propositions qui n'auront évidemment pas d'effets directs, mais qui marqueront que des progrès importants sont possibles.

Il en va de même des forces européennes qui assurent les formations. Celles-ci sont trop longues à se mettre en place et ne sont pas redoutablement efficaces. Il faut dire qu'elles sont parfois dispensées par des officiers qui n'ont jamais fait la guerre. La France doit accompagner autant que possible les progrès nécessaires dans ce domaine.

Une marge de progression existe aussi en ce qui concerne l'approche civile et les organismes chargés de ce travail. Nous avons mobilisé de gros moyens dans un certain nombre de pays, mais peut-être pas toujours de manière intelligente et cohérente.

Le coût des OPEX, 1 milliard d'euros par an, n'est pas considérable. Il fait l'objet d'une prise en charge interministérielle, il ne représente que 0,24 % du budget de l'Etat, mais plus de 3% du budget de la défense. Ce financement interministériel doit être conservé, peut-être même amélioré par la prise en compte de nouveaux surcoûts.

Pour ce qui est du contrôle parlementaire, nous sommes satisfaits de la relation entre, d'une part, le ministère de la défense et les états-majors et, d'autre part, les commissions parlementaires, qui sont régulièrement informées et associées. Nous sommes également satisfaits des nouvelles prérogatives conférées au Parlement par la révision constitutionnelle de 2008, mais il est sans doute possible de faire encore mieux. Il n'est pas inutile que le Parlement soit vraiment partie prenante des OPEX, car, si l'opinion publique est généralement favorable à ces opérations, on observe dans certains pays, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, une forme de fatigue de l'expédition qui pourrait se manifester aussi dans notre pays. Or le maintien du lien avec l'opinion publique passe par le Parlement !

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