Intervention de Daniel Reiner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 juillet 2016 à 10h05
Nomination d'un rapporteur

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner, coprésident du groupe de travail :

Nous partageons certaines observations formulées par Christian Cambon.

En ce qui concerne le statut juridique des opérations, c'est la Constitution qui fixe les choses, puisque, aux termes de son article 15, le Président de la République est le chef des armées. C'est donc en Conseil de défense qu'est prise la décision de lancer une opération extérieure. Il n'y a pas de décret ni d'acte spécifique. La décision est prise par le chef de l'État après un débat en Conseil de défense - nous l'avons vérifié -, sur le fondement de scénarios préparés de longue date par l'état-major et d'analyses du Quai d'Orsay. Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, prépare l'ordre du jour.

La décision est suivie d'une déclinaison réglementaire, principalement au sein du ministère de la défense, qui prévoit les modalités très concrètes. Le ministère de la défense évalue aussi le coût de l'opération ; du reste, dès le Conseil de défense, une évaluation financière approximative de l'opération est fournie. Le statut juridique est donc directement lié au système institutionnel ; le rapport détaille le dispositif réglementaire.

En ce qui concerne la question de Nathalie Goulet, on a proposé de mettre en place un représentant spécial sur les théâtres d'opérations parce que, parfois, c'est l'ambassadeur qui joue ce rôle. Dans certains cas, il en est capable, mais pas toujours. Le rôle de l'ambassadeur dans un pays ne consiste pas à tout diriger, d'où l'idée de ce représentant.

J'en viens à la question de Joël Guerriau portant sur les limites des actions militaires de la France. Nous avons eu ce débat au moment du Livre blanc. La question est celle du rôle que la France veut jouer dans le monde et celle de l'outil militaire qu'elle construit pour jouer ce rôle. Personne n'imagine un responsable politique affirmer que le rôle de la France doit être moindre ; elle doit garder son rôle, celui de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et d'allié ancien de plusieurs États, celui d'un pays qui a une armée complète permettant d'être présent sur tous les théâtres. Quand on a rédigé ce Livre blanc, on a souhaité conserver cette ambition avec les moyens disponibles. Deux méthodes sont possibles. Celle des Anglais consiste à mettre l'ambition au niveau des moyens ; la nôtre consiste à définir l'ambition et à se débrouiller avec les moyens disponibles.

Cela dit, nous sommes en effet aux limites de notre capacité d'action. Quand on chiffre le format des armées dans le cadre des contrats opérationnels, quand on évalue les équipements et le modèle de l'armée de 2025, nous constatons que nous avons atteint la limite. En effet, on n'avait pas imaginé qu'on se trouverait sur autant de théâtres en même temps, que ce soit pour nos marins, pour nos aviateurs ou pour l'armée de terre, ni que l'on déploierait 10 000 hommes sur le territoire.

C'est cela qui nous conduit à affirmer que nous avons atteint notre limite. Néanmoins, je n'imagine pas un nouveau Président de la République dire qu'il va limiter l'ambition de la France à tel domaine qu'elle maîtrise bien et à laisser le reste aux autres. Les Anglais l'ont fait, mais ce n'est pas notre cas et, selon moi, nous ne devons pas le faire. Nous avons un rôle à tenir et une ambition à conserver, et nous devons faire les efforts nécessaires pour mettre les moyens au niveau de notre ambition.

En ce qui concerne l'opération en Libye, si la France s'en était dispensée, peut-être que Kadhafi serait resté, que le chaos actuel ne serait pas apparu, que Daech n'existerait pas, qu'il n'y aurait pas d'armes dans le Sahel, et ainsi de suite. On peut bien sûr soutenir cela ; néanmoins, quand on considère l'opération Harmattan proprement dite, indépendamment de tout ce qui s'est passé autour, on constate qu'il y avait une urgence terrifiante. Les troupes de Kadhafi descendaient sur Benghazi en annonçant un bain de sang. Les Nations unies ont voté une résolution affirmant que la communauté internationale devait intervenir, mais un certain nombre de pays ont choisi de ne pas lancer d'opération. La France et le Royaume-Uni ont alors décidé d'agir sans intervenir au sol et cette intervention, très rapide du reste, a bloqué ces colonnes et a empêché le bain de sang annoncé.

On peut dès lors affirmer que, dès ce moment-là, l'opération Harmattan a été un succès militaire. On l'a complétée en tentant de calmer peu ou prou le jeu contre des insurgés de toute nature, mais, quand on remplit notre grille d'évaluation, on doit reconnaître que l'opération est une réussite.

Certains affirment que, par la suite, la situation s'est dégradée et que l'on n'avait pas terminé le travail mais, disons-le clairement, on nous a mis dehors. Les Libyens ont indiqué, dès lors que Kadhafi n'était plus là, vouloir régler les problèmes entre eux. En outre, aucune résolution des Nations unies ne le demandait. Les troupes sont donc rentrées.

Ainsi, sur le plan militaire, nous avons fait le travail et, si l'on entre dans le détail, nous l'avons bien fait, l'opération interarmées a été magnifique. Évidemment, les suites n'ont pas été à la hauteur, mais cela n'entrait pas dans le but de guerre.

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