Intervention de Éricka Bareigts

Commission spéciale Egalité et citoyenneté — Réunion du 19 juillet 2016 à 14h50
Audition de Mme Ericka Bareigts secrétaire d'état chargée de l'égalité réelle

Éricka Bareigts, secrétaire d'État chargée de l'égalité réelle :

Merci de me recevoir. Je ne balaierai pas l'ensemble des nombreux points abordés dans ce texte, enrichi par le travail parlementaire. Je me concentrerai sur quelques thèmes majeurs. Nous souhaitons que ce projet de loi soit un texte de rassemblement autour de la République, surtout dans une période où elle subit de graves attaques. Mes pensées vont aux victimes, à leurs proches, à ceux qui souffrent, et aux services de police et de santé qui les secourent.

Nous avons la forte volonté de renforcer nos valeurs, de les traduire dans le quotidien des citoyens, car trop d'entre eux perçoivent le message républicain comme illusoire et se défient du projet républicain. Nous voulons y répondre ensemble, ouvrir une voie et fermer la porte au repli sur soi, à la montée de la défiance, du racisme, de l'exclusion. Nous voulons réaffirmer les principes républicains qui fondent notre identité.

Ce projet de loi a été construit avec les acteurs de la société civile, les citoyens, car le texte a été ouvert à la consultation sur une plateforme numérique. Notre méthode, c'est le faire-ensemble pour le vivre-ensemble.

J'en viens aux mesures du titre III intitulé « Pour l'égalité réelle ». L'égalité réelle signifie que chacun doit être en capacité de s'insérer dans la République ; l'État a une exigence, celle de garantir à tous les citoyens les conditions de l'émancipation et du bien-être, en luttant contre les déterminismes sociaux liés à la couleur de peau, au sexe, au lieu d'habitation, aux opinions. Il faut renforcer les garde-fous contre tous les phénomènes d'exclusion.

Le titre III comprend quatre chapitres, le premier étant consacré aux conseils citoyens. La demande de démocratie participative et de démocratie directe est forte. Les conseils citoyens visent à associer la société civile à la définition des politiques publiques, afin que les décisions répondent mieux à leurs besoins. Ils ont été créés en 2014 dans la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine : 650 fonctionnent déjà, plus de 200 sont en cours de constitution. Y participent les habitants, les associations et les responsables locaux. Le gouvernement souhaite leur accorder plus de pouvoirs, pour donner plus de force à la parole citoyenne. Ils auront une capacité d'interpellation pour modifier le contrat de ville. Après analyse de la requête par les services de l'État, les préconisations du préfet seront portées devant le conseil municipal et les assemblées délibérantes des autres collectivités signataires. Le contrat de ville pourra ainsi être amendé sous l'impulsion des citoyens. Le travail parlementaire a permis de préciser tant les modalités d'interpellation par les conseils citoyens que le rôle des élus et du comité de pilotage du contrat ; les délégués du gouvernement ont été rétablis, ils sont utiles pour résoudre certains problèmes. Ce volet du texte est une vraie avancée pour l'expression citoyenne.

Deuxième chapitre, la maîtrise de la langue. Environ 6 millions de personnes ne maîtrisent pas la langue française, dont 3 millions qui sont allées à l'école de la République, et pas seulement outre-mer où les problèmes d'illettrisme sont encore plus vifs. Il est fondamental de maîtriser la langue française pour exercer sa citoyenneté, accéder à l'emploi et à ses droits. La moitié de ces 3 millions de personnes sont salariées, ce qui implique bien des difficultés pour elles. Il est indispensable de maîtriser la langue pour s'intégrer pleinement et c'est pourquoi le ministre de l'intérieur a voulu, par la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, renforcer les exigences à cet égard. Nous créons aujourd'hui une Agence de la langue française pour la cohésion sociale et le projet de loi concrétise une logique de parcours de la langue française tout au long de la vie. Ainsi l'amélioration de la maîtrise de la langue française figurera dans les programmes de formation professionnelle continue et d'intégration des étrangers. Le travail parlementaire a, là encore, renforcé les dispositions : je songe à la maîtrise des compétences numériques ou aux dispositifs de lecture pour les personnes handicapées, qui entrent dans le champ de la formation continue. La lutte contre l'illettrisme a été étendue à la formation continue dans la fonction publique territoriale.

Troisième volet, ouvrir l'accès à la fonction publique, qui est garante des principes républicains et de la poursuite de l'intérêt général. Ma collègue Annick Girardin et moi poursuivons l'objectif que des jeunes aux parcours très variés puissent intégrer la fonction publique ; 10 000 apprentis seront recrutés dans la fonction publique d'État. Dans les classes préparatoires intégrées, 1 000 places supplémentaires seront ouvertes à la rentrée. Le troisième concours sera généralisé dans les trois fonctions publiques, pour une plus grande diversité des recrutements, quelle que soit l'activité professionnelle antérieure, sous condition d'une durée d'activité qui inclura les périodes d'apprentissage.

L'Assemblée nationale a enrichi ce volet : publication d'un rapport biannuel sur la lutte contre les discriminations et prise en compte de la diversité sociale dans les trois fonctions publiques ; meilleure information des jeunes ; mention dans les avis de concours du principe d'égal accès aux emplois de la fonction publique ; nouveau contrat de droit public en alternance, s'adressant aux chômeurs de moins de 28 ans, avec un accompagnement pour préparer les concours de catégories A et B dans la fonction publique d'État.

Quatrième volet, la lutte contre toutes les formes de discrimination. La mobilisation doit être générale contre ce fléau qui déconstruit le lien social. C'est un enjeu national à porter collectivement car les actes de racisme ont augmenté de 25 % en 2015. La fermeté s'impose : la répression des injures à caractère raciste et discriminatoire est renforcée, alignée sur celle des provocations et diffamations à caractère raciste car l'effet destructeur est le même. Les auteurs de ces infractions pourront être contraints de suivre un stage d'apprentissage des devoirs du citoyen et des valeurs de la République. Cette peine aura une visée pédagogique : il s'agit d'apprendre les règles de vie en société. Les circonstances aggravantes de sexisme, racisme, homophobie ou transphobie seront généralisées à l'ensemble des infractions prévues par le code pénal.

Il faut aussi mener un travail pédagogique concernant notre regard sur la différence. Les médias ont leur rôle à jouer, puisque les Français passent en moyenne deux heures vingt par jour devant la télévision. Celle-ci est un outil puissant dans la construction des représentations mentales. L'obligation de meilleure représentation de la diversité s'appliquera aux chaînes nationales - y compris aux services de l'audiovisuel public - et ces dernières en rendront compte annuellement au CSA, qui pourra appliquer des sanctions. La République doit veiller à ce que l'ensemble de ses enfants aient leur place dans la société.

Les poursuites judiciaires seront facilitées contre les expressions négationnistes ou racistes. Plus souple, la loi de 1881 sur la liberté de la presse permettra de poursuivre les auteurs de discours haineux. La liste des associations pouvant agir en justice a été élargie. Une réflexion parlementaire a été menée sur la répression de l'apologie, de la banalisation et de la négation des crimes contre l'humanité. Ces dispositions, qui donneront toute sa force à la loi Taubira du 21 mai 2001, sont une co-construction législative. La négation des crimes contre l'humanité sera poursuivie devant les juridictions.

Enfin, les mêmes opportunités de réussite doivent être données à tous les jeunes. Nous avons travaillé, avec la ministre de l'éducation nationale, pour inscrire les pôles de stage dans la loi, afin de lutter contre l'inégalité d'accès aux stages de troisième et aux stages de lycée professionnel. Nous souhaitons également élargir à de nouveaux établissements d'enseignement supérieur le dispositif des élèves méritants des zones d'éducation prioritaire (ZEP) qui a été instauré à l'institut d'études politiques (IEP) de Paris en 2001.

L'Assemblée nationale est revenue sur les activités interdites aux ressortissants étrangers, discrimination qui avait suscité le vote, transpartisan, d'une proposition de loi en février 2009 au Sénat. La chirurgie dentaire, les débits de boissons et les pompes-funèbres doivent être ouverts aux étrangers, ce qui ne change rien à l'encadrement légal de ces professions ni aux conditions de diplôme et de qualification.

La République doit être exemplaire mais exigeante. Un équilibre a été trouvé et je souhaite que le travail parlementaire se poursuive en ce sens.

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