Intervention de Françoise Gatel

Commission spéciale Egalité et citoyenneté — Réunion du 19 juillet 2016 à 14h50
Audition de Mme Ericka Bareigts secrétaire d'état chargée de l'égalité réelle

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, rapporteur :

Cette audition se déroule dans un contexte particulier, qui hélas se répète. Ce projet de loi répond à l'obligation de reconstruire une communauté nationale, une identité républicaine, avec le devoir d'accueillir chacun au nom de la fraternité mais également en exigeant de chacun un sens de la responsabilité. Nous avons à consentir un effort long, volontaire, courageux, pour réinscrire dans la République une génération plus habituée aux droits qu'aux devoirs. Comme le disait le président John Kennedy, « ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays ».

L'attention portée aux territoires prioritaires de la politique de la ville est légitime, mais je souhaiterais que l'on n'oublie pas l'exclusion sociale qui affecte les territoires ruraux isolés.

Je suis étonnée également que l'État en vienne à créer une agence de la langue française pour combler les manques d'un système scolaire dont trois millions d'élèves ont pu sortir illettrés.

Mais j'en viens à mes questions. L'article 36 B bis organise la collecte de données relatives à « l'environnement social et professionnel » des candidats aux concours de la fonction publique. Quelles données seraient précisément concernées ? Pourquoi les conserver dans les dossiers des fonctionnaires ? N'y a-t-il pas là une atteinte à la vie privée des candidats ?

L'article 36 septies crée un nouveau contrat de droit public pour les jeunes sans emploi, mais pourquoi la fonction publique d'État est-elle la seule concernée ? Ne faudrait-il pas l'élargir à la fonction publique hospitalière ainsi qu'à la fonction publique territoriale ?

En matière de lutte contre les discriminations, les inventaires ne seront jamais exhaustifs. Le projet de loi ajoute à la liste des critères de discrimination la perte d'autonomie ou encore le bizutage. Est-il nécessaire de les intégrer de cette manière dans la loi ? En multipliant les critères - dont l'interprétation n'est pas toujours simple et qui éventuellement entreront en concurrence entre eux - on aura sans doute plus de difficultés à protéger les personnes concernées.

L'article 38 porte sur les circonstances aggravantes générales pour acte raciste - critère auquel l'Assemblée nationale a ajouté le sexisme. Or cette circonstance aggravante est déjà prévue dans certains crimes ou délits, comme le viol et les violences conjugales. N'y aura-t-il pas un problème de constitutionnalité, puisque deux circonstances aggravantes vont se cumuler pour un même motif et concernant un même fait ?

L'article 38 ter pénalise la négation, la minoration ou la banalisation du crime contre l'humanité. Ce thème revient comme un marronnier... Ce crime doit être reconnu par un juge national ou international. N'est-ce pas placer le juge en juge de l'histoire, comme parfois le législateur ? Le sujet au coeur de l'article est le génocide arménien. Or le Conseil constitutionnel a déjà déclaré inconstitutionnelles les dispositions d'une loi de 2012 qui pénalisaient la négation du génocide arménien dans la mesure où elles étaient attentatoires à la liberté d'expression.

L'article 68 qui traite de la « fessée » vise à mettre la France en conformité avec les dispositions internationales sur la protection de l'enfance. Certes, la maltraitance des enfants existe, et nous y sommes tous opposés. Mais si les parents qui portent la main sur la partie inférieure du corps de l'enfant commettent un délit, jusqu'où va-t-on ?

Enfin l'article 62 concerne la reddition de comptes par les entreprises. On transpose partiellement une directive portant sur le devoir de vigilance : un débat spécifique a déjà eu lieu, entre les deux assemblées, au sujet de cette directive. Pourquoi insérer cette disposition dans le présent projet de loi ?

Ce texte est plein de bonnes intentions mais fort hétéroclite. Et surtout, où sont les moyens financiers ?

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