Intervention de Françoise Gatel

Commission spéciale Egalité et citoyenneté — Réunion du 19 juillet 2016 à 14h50
Audition de M. Jacques Toubon défenseur des droits

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, rapporteur :

Vous avez su reconnaître que l'intention qui préside à ce texte est louable, surtout dans le contexte actuel. La proposition de loi sur l'obligation d'accueillir les enfants à la cantine est arrivée au Sénat à l'initiative de M. Schwarzenberg. Je sais le respect que vous avez pour les élus locaux qui siègent nombreux au Sénat. Cependant, il faut mesurer l'importance du sujet. Avons-nous connaissance de situations choquantes où des enfants auraient été volontairement écartés d'un service de cantine par des élus locaux ? Je le crois d'autant moins qu'une telle éviction serait difficilement possible : les associations de parents d'élèves et l'opposition monteraient aussitôt au créneau. Sans compter qu'une telle mesure rend la situation inéquitable pour les enfants scolarisés dans des communes où il n'y a pas de service de cantine.

En ce qui concerne l'avancement de l'âge de la majorité à 16 ans, j'entends la nécessité d'inclure les jeunes dans la société et de les rendre responsables et citoyens. Imaginez, cependant, la responsabilité considérable qui pèserait sur les parents d'un mineur qui deviendrait trésorier d'une association. Le texte prévoit d' « informer » les parents plutôt que de « solliciter l'autorisation ». Le diable est dans les détails.

Nous nous interrogeons également sur la force et la pertinence de multiplier les critères de discrimination. Les inventaires restent souvent partiels. Faut-il y faire figurer les victimes du bizutage ? Je n'en suis pas certaine. La notion de perte d'autonomie ne va pas de soi non plus.

L'article 38 du projet de loi prévoit une circonstance aggravante de sexisme. N'y aurait-il pas un problème de constitutionnalité si deux circonstances aggravantes se cumulaient sur un même fait ? En effet, il y a déjà une circonstance aggravante dans certains crimes, comme le viol ou les violences conjugales.

Vous souhaitez une réforme de la loi de 1880 sur la liberté de la presse et notamment l'interdiction de l'excuse de provocation dont pouvaient bénéficier les auteurs d'injures publiques. Cette disposition ne réduit-elle pas de manière excessive la marge d'interprétation du juge dans des dossiers sensibles, à une époque où règne le politiquement correct. Vous l'avez dit à propos du mot « race » : il ne suffit pas de supprimer les mots pour supprimer les choses.

Enfin, l'article 38 ter pénalise la constatation, la banalisation ou la négation d'un crime contre l'humanité. La décision du Conseil constitutionnel de 2012 sur le génocide arménien pose problème, même s'il ne s'agit pas de nier la réalité de ce génocide. L'article 68 qui veut sanctionner les parents qui châtient est également perturbant. On peut être d'accord. Cependant, l'article interdit également la fessée. Un juge excessif pourrait retirer l'autorité parentale sur ce motif. Quel parent n'a jamais été au moins tenté de donner une fessée ? Et qui d'entre nous n'en a pas reçu ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion