Intervention de Emmanuelle Cosse

Commission spéciale Egalité et citoyenneté — Réunion du 12 juillet 2016 à 14h35
Audition de Mme Emmanuelle Cosse ministre du logement et de l'habitat durable

Emmanuelle Cosse, ministre :

Je tâcherai de répondre à vos questions, bien que certaines d'entre elles ne relèvent pas du texte de loi mais plutôt du débat budgétaire.

En entendant certaines questions, il m'a semblé m'être mal exprimée. Je ne prétends pas que la mixité sociale ne passe que par le logement, je ne l'ai jamais pensé. Cela passe par le logement, mais aussi par bien d'autres choses, notamment par les établissements scolaires, les lieux de consommation et les lieux culturels. Nous sommes plusieurs ici à venir de l'Île-de-France et nous savons ce que la ségrégation territoriale, en plus de la pauvreté, représente. La mixité sociale consiste justement à créer des endroits où vivent des personnes dont les revenus et les histoires diffèrent.

Par ailleurs, je ne pense pas non plus que la mixité sociale se résume à des questions de richesse ou de pauvreté. L'un des sujets qui justifient la politique de la ville est la concentration de l'extrême pauvreté et de l'extrême richesse. On parle beaucoup des ghettos de pauvres mais, soyons clairs, nos territoires comptent aussi des ghettos de riches, dans lesquels on ne peut pas entrer, en raison notamment du prix du logement privé.

Or ce texte de loi repose aussi sur ce constat. Les programmes de renouvellement urbain ne se fondent pas uniquement sur le désir de telle ou telle politique, mais répondent à des désordres urbains réels. D'ailleurs, nous poursuivons cette politique puisqu'il y a 200 quartiers en renouvellement urbain en France. Toutefois, il est long, très long, de défaire ce qui a été construit pendant 30 ans, mais le vivre-ensemble implique une certaine durée et un certain investissement. Je suis donc très modeste quant au contenu de mon texte, qui, s'il permet objectivement, me semble-t-il, d'améliorer la mixité sociale, ne suffira pas en lui-même.

Dans les ménages appartenant au premier quartile, il n'y a pas que des personnes extrêmement pauvres, il y a aussi des personnes qui travaillent par intermittence ou à temps partiel, ou qui traversent des périodes de chômage. Il faut donc regarder en face le niveau de revenu de nos concitoyens. Les Français qui ont des problèmes de logement sont nombreux, surtout dans les zones tendues, car, lorsque l'on est pauvre, que l'on est peu mobile, que l'on n'a pas un emploi à temps complet ou permanent, on a beaucoup de mal à se loger correctement. La bataille du logement abordable est donc essentielle.

La bataille du logement privé est également importante. Monsieur Dallier parlait de sa ville, Les Pavillons-sous-Bois, et des villes avoisinantes, qui ont un taux important de population sous le seuil de pauvreté, et où le parc privé et le parc social ne sont pas très différents en ce qui concerne les difficultés sociales. D'où l'engagement financier destiné à favoriser un logement privé abordable.

Mon combat ne consiste pas à rendre attractifs les appartements de standing en France par rapport aux autres pays européens, mais à loger les Français, dont le revenu médian n'est pas très élevé. Ainsi, dans beaucoup de territoires, nos concitoyens dépensent jusqu'à 50 % de leur revenu pour se loger et, qui plus est, pour se loger mal.

Ne faisons donc pas de faux procès. Il y a d'une part les personnes ne disposant d'aucun revenu, qui relèvent des politiques d'hébergement, et, d'autre part, les personnes modestes, qui sont incluses dans le premier quartile et qui ne bénéficient pas du logement social autant qu'elles le devraient. Pour l'heure, on ne dispose pas des informations nécessaires qui permettraient de mieux connaître la situation.

Après ces quelques propos, je vous propose de répondre aux questions des orateurs. Madame Estrosi Sassone, on peut avoir des désaccords, mais le projet de loi ne vise pas à sanctionner les maires. L'évolution du texte entre le projet initial du Gouvernement et la version émanant de l'Assemblée nationale montre que j'ai cherché à impliquer totalement les territoires. Or, aujourd'hui, en matière de logement, le territoire pertinent est l'EPCI, même si c'est le maire qui accorde le permis de construire. Cela résulte de différentes lois et cela correspond au mouvement général.

En revanche, en ce qui concerne les communes carencées en logement social et qui n'ont pas la volonté d'améliorer la situation - cela concerne peu de communes, mais elles existent -, le préfet récupérera l'intégralité des pouvoirs du maire. Peut-être cela ne concernera-t-il que 20 ou 30 communes, souhaitons que ce nombre soit le plus bas possible.

Un certain nombre de dispositions de la loi SRU, renforcées en 2013, comme la possibilité d'accorder des permis de construire ou d'agir sur les signatures de contrats de mixité sociale, ont porté leurs fruits. Beaucoup de communes se sont engagées sur la voie du respect de la loi SRU. Monsieur Dallier soulève un autre sujet : le problème des communes ayant des volumes importants de population et des constructions nombreuses.

Cela étant dit, les communes qui n'ont rien fait pendant 15 ans éprouvent forcément des difficultés. J'ai ainsi été mise en cause par la députée-maire d'une commune qui stagne à 7 % de logement social 15 ans après l'adoption de la loi, mais qui a délivré 1 000 permis de construire au cours des 10 dernières années...

Les modifications de la loi SRU visent plusieurs objectifs : renforcer les pouvoirs de l'État quand la loi n'est pas du tout appliquée, notamment parce que les parlementaires nous reprochent notre manque de fermeté à cet égard, et tenir compte des communes dont le marché du logement est détendu, qui sont soumises à la loi SRU alors qu'il n'y a pas de demande de logement social. Ainsi, il y a de fortes vacances de logement social dans le département de la Loire, dont les communes doivent pourtant respecter la loi SRU.

Nous avons donc préféré nous fonder sur la notion de taux de pression pour mettre en adéquation l'offre de logement social à la demande, et tenir compte des communes non desservies par les transports en commun. Nous tenons également compte des communes qui sont en périphérie des intercommunalités. Ainsi, dans l'agglomération de Valence, qui compte de toutes petites communes soumises à la loi SRU, la question n'est pas tant celle du logement social que celle des transports.

Par ailleurs, le projet de loi responsabilise les élus, car il est étonnant que ce soit le ministre du logement qui décide d'intégrer ou d'exclure telle ou telle commune du champ d'application de la loi SRU. Nous avons donc instauré la délibération de l'EPCI, ce qui forcera les intercommunalités à avoir un débat politique pour décider si une commune doit sortir du périmètre d'application de la loi SRU.

En revanche, là où il ne se passe rien, après 15 ans d'application de la loi SRU, il faut maintenant que l'État tienne compte de la réalité et joue son rôle.

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