Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Commission spéciale Egalité et citoyenneté — Réunion du 27 juillet 2016 à 10h00
Audition du général gaëtan poncelin de raucourt directeur du projet réserve du ministère de la défense

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Général, je vous remercie de cette présentation du développement de la réserve opérationnelle, voulu depuis longtemps. À titre d'exemple, j'ai été l'auteur en 2010, avec mon collègue Michel Boutant, au nom de la commission des affaires étrangères - nous rédigeons des rapports bipartites - d'un rapport consacré à la création d'une réserve de sécurité nationale pour faire face à un événement géopolitique majeur. Ce rapport s'est traduit par la loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.

J'avoue que nous étions un peu agacés de voir que les choses tardaient à se mettre en place alors que les risques étaient avérés. Il a ainsi fallu attendre 2015 pour que les décrets d'application soient publiés...

Je vois un autre problème. Vous nous parlez essentiellement de la réserve opérationnelle, et c'est tout à fait normal. En établissant notre rapport, nous nous sommes rendu compte du décalage entre réserve opérationnelle et réserve citoyenne, et surtout d'une certaine méfiance des militaires à l'égard notamment de la réserve citoyenne.

À titre personnel, je me suis toujours battue pour cette réserve citoyenne, d'abord parce que j'en suis membre depuis ma sortie de l'Institut des hautes études de défense nationale il y a très longtemps, mais surtout parce qu'elle me paraît indispensable dans le contexte actuel. La réserve citoyenne permet d'avoir des gens motivés, entièrement bénévoles et qui veulent véritablement se mettre au service de cet idéal de fraternité dont vous parliez, mot que l'on retrouve dans l'intitulé du chapitre Ier du titre Ier du projet de loi.

Il faut effectivement continuer de développer la réserve opérationnelle, mais je pense que des mesures plus importantes devraient être prises pour renforcer cette réserve citoyenne, qui pourrait jouer le rôle de défenseur de nos valeurs républicaines.

Je vais vous donner un exemple qu'il m'est déjà arrivé de citer.

Je travaille sur la lutte contre le terrorisme au sein de l'assemblée parlementaire de l'OTAN. Certains pays comme le Maroc ont recours à une forme de réserve citoyenne, qui n'en a pas le titre, pour quadriller les quartiers, pour observer ce qui s'y passe, pour recréer du lien, pour parler avec ces jeunes qui sont complètement désorientés, qui n'ont pas de travail, qui n'ont pas d'idéal, pour essayer de les remettre dans le droit chemin. Je pense que nous avons vraiment intérêt à mettre nous aussi l'accent sur cette réserve citoyenne, même si je sais qu'elle agace les réservistes opérationnels, qui se sentent beaucoup plus professionnels.

Je rappelle également que, lors de l'examen par le Sénat, la semaine dernière, de la loi prorogeant l'état d'urgence, un amendement de nos collègues Roger Karoutchi et Jacques Gautier a été adopté visant à ce que les durées maximales d'activité dans les réserves soient prolongées de la durée totale de l'application de la loi relative à l'état d'urgence.

Tout cela va dans le bon sens et j'aimerais connaître vos projets pour le développement de la réserve citoyenne.

Le Sénat a créé un groupe de travail sur la proposition de Jean-Marie Bockel de création d'une « garde nationale ». J'aimerais avoir votre point de vue sur cette dénomination. Pour ma part, j'y suis assez opposée, car cela me paraît être le replâtrage de quelque chose qui existe déjà ; le terme « réserve citoyenne », qui est contesté - on parle de réserve civique -, me semble extrêmement fort. Je sais que Najat Vallaud-Belkacem a décidé de se l'approprier pour l'enseignement, ce que je trouve vraiment dommage, car je pense que l'armée devrait conserver ce terme.

Dernière chose : il me semble indispensable de développer cette réserve citoyenne à l'international, bien sûr sous la responsabilité des attachés de défense ; nous avons d'ailleurs fait passer trois amendements à cette fin. Là encore, il y a beaucoup de choses à faire. Or le ministre des affaires étrangères veut supprimer les journées défense et citoyenneté à l'étranger, ce qui me paraît une erreur considérable. En effet, beaucoup de jeunes, en particulier binationaux, n'ont de contact avec la France que lors de cette journée défense et citoyenneté, laquelle est justement l'occasion de leur faire passer des messages forts pour leur redonner la fierté de leur appartenance à la France.

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