Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai tout d'abord à M. le président de la commission des affaires culturelles, qui a développé dans son intervention une véritable vision globale de l'enseignement supérieur et de la recherche.
On pourrait me reprocher de ne pas avoir, pour ma part, suffisamment rappelé, au cours de ma présentation, dans quel contexte se situait notre action, en l'occurrence dans la continuité de la loi de programme pour la recherche du 19 avril 2006.
Le Pacte pour la recherche, engagé en 2006, a constitué un moment crucial. Pour la première fois, depuis trente ans, une stratégie politique pour la recherche était dessinée et des instruments radicalement nouveaux étaient mis en place : l'ANR, l'Agence nationale de la recherche, les PRES, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, l'AERES, l'Agence nationale d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche, les réseaux thématiques de recherche avancée.
Ce projet de loi relatif aux libertés des universités ne sort pas de nulle part et ne fait pas non plus table rase du passé. Il fait suite au Pacte pour la recherche, sur lequel j'étais intervenue lorsque j'étais députée et il s'inscrit dans le cadre de ses orientations.
Certains sénateurs socialistes m'ont reproché de ne pas avoir suffisamment parlé de recherche dans ce projet de loi. Je leur rappellerai que nous avions peu abordé la question de l'enseignement supérieur lors de l'examen de la loi de programme pour la recherche : il s'agit de deux textes différents ayant chacun leur sujet propre !
M. le rapporteur a fait montre, dans son remarquable exposé, de sa connaissance exceptionnelle du paysage universitaire français et international, connaissance qui sera très précieuse pour l'élaboration de la réforme que nous proposons, notamment à travers les modifications qu'il ne manquera pas de suggérer, au nom de la commission.
M. le rapporteur pour avis a posé une question centrale, reprise dans de nombreuses interventions : faut-il mettre en oeuvre une réforme structurelle avant de dégager les moyens financiers nécessaires ou faut-il dégager les moyens en premier ?
Je ne vous étonnerai pas en répondant que, selon moi, la réforme structurelle doit être mise en place avant que l'on décide des moyens correspondants. Dans le cas contraire, nous risquerions de déverser des crédits comme la pluie se déverse sur la plage : aspirée par le sable, elle se dilue sans produire aucun effet durable. Les sénateurs des zones rurales, comme Mme Adeline Gousseau, élue des Yvelines et agricultrice, savent bien que la pluie peut être source de fertilité comme d'infertilité.
Monsieur Todeschini, vous avez évoqué la phase de concertation qui a précédé la rédaction de ce projet de loi. Je vous le dis très solennellement : dans toutes les phases de cette concertation et lors de tous les arbitrages que M. le Premier ministre et moi-même avons proposés, je me suis sentie entièrement soutenue par le Président de la République. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.
Vous avez également évoqué la question des moyens financiers. Je rappelle brièvement quelques chiffres. Le Président de la République s'est engagé sur une augmentation de 10 % chaque année et de 50 % en cinq ans du budget de l'enseignement supérieur. En cinq ans, 5 milliards d'euros de crédits supplémentaires seront ainsi consacrés à l'enseignement supérieur, sans compter les 4 milliards d'euros destinés à la recherche.
Selon Mme Morin-Desailly, ces 5 milliards d'euros consacrés à l'enseignement supérieur ne correspondent pas à une augmentation de 50 % du budget des universités. C'est pourtant le cas puisque ce budget s'élève actuellement à 10 milliards d'euros.
Monsieur Todeschini, vous avez qualifié ce projet de loi de texte édulcoré. Il s'agit au contraire d'un texte renforcé et amélioré, sur deux points importants.
Le premier point concerne la composition du conseil d'administration.
Les représentants des grandes universités pluridisciplinaires nous ont demandé d'augmenter la représentation des enseignants-chercheurs prévue au sein des conseils d'administration. Nous avons donc accordé ce « volant » de 20 à 30 membres, ce qui correspond à une division par deux de l'effectif actuel des conseils d'administration, qui est de 40 à 60 membres.
Prenons le cas des trois grandes universités d'Aix-Marseille, qui, dans le cadre de l'autonomie, pourront fusionner et, peut-être, avec 75 000 étudiants, occuper d'ici à cinq ans, le vingtième rang du fameux classement de Shanghai, parce qu'elles auront réussi à concentrer leurs forces et à rationaliser leurs efforts. Les représentants de ces universités m'ont demandé comment ils allaient réussir à réaliser cette fusion avec un conseil d'administration à 20 membres. Ils réclamaient davantage de souplesse et souhaitaient pouvoir intégrer davantage d'enseignants-chercheurs.
Les petites universités pluridisciplinaires, comme celle de Caen, dont j'ai rencontré la présidente, ont également besoin de souplesse, afin que les disciplines qu'elles accueillent soient représentées au sein de leur conseil d'administration et afin de mener une véritable stratégie de formation et de recherche.
Je dois tenir compte de toutes ces demandes. C'est la raison pour laquelle nous avons introduit de la souplesse dans la composition des conseils d'administration.
J'en viens au deuxième point d'amélioration.
Nous avions prévu au départ que le statut d'autonomie serait optionnel et que les universités seraient libres de le choisir ou non. Le Président de la République et le Premier ministre avaient en effet décidé qu'un acte de volonté du conseil d'administration était nécessaire pour engager la réforme. Est-il d'ailleurs si contraire à la logique de subordonner l'engagement d'un processus de réforme dans un établissement public à l'accord du conseil d'administration ?
En fait, lors de la phase de concertation, nos partenaires ont souhaité que l'autonomie s'applique à toutes les universités. Ils ont en effet réalisé qu'il s'agissait du meilleur statut possible pour l'université du XXIe siècle et que, si seules certaines universités en bénéficiaient, des disparités dommageables se feraient jour. Nous avons bien entendu accédé à cette demande.
Je l'ai dit dès le début de la concertation : mon ambition est que les 85 universités de France adoptent le statut d'autonomie afin de devenir des universités modernes, stratèges et maîtres de leur politique de formation et de recherche. Le fait que tous nos partenaires affirment, au terme de six semaines, c'est-à-dire après soixante heures de concertation, vouloir bénéficier de l'autonomie est pour nous une grande satisfaction.