Intervention de Anne Hidalgo

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 21 septembre 2016 à 11h00
Audition de Mme Anne Hidalgo maire de paris sur la candidature de paris aux jo de 2024

Anne Hidalgo, maire de Paris :

Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur et un plaisir de venir échanger avec vous au sujet de la candidature de Paris et de la France à l'organisation des Jeux olympiques de 2024. Voilà une occasion importante de faire le point sur un projet qui doit unir tous les Français, au-delà de la capitale. Au reste, Paris ne sera pas la seule ville à s'impliquer. Les compétitions nautiques se dérouleront à Marseille, la Seine-Saint-Denis recevra l'essentiel de nos investissements et l'ensemble du pays sera mobilisé pour l'organisation des matchs de football, dans tous les stades de nos grandes villes qui ont accueilli l'Euro 2016 de façon magistrale.

Cette candidature défend d'abord des valeurs, celles de Paris et de la France, berceau de la renaissance des jeux modernes, grâce au baron Pierre de Coubertin, qui a défini les Jeux comme une aventure universelle et humaniste. D'où notre volonté de mettre les athlètes en avant, pour qu'ils portent notre candidature. Bien sûr, on ne peut pas négliger pour autant les retombées économiques du plus important des événements planétaires.

C'est peu après mon élection que deux anciens athlètes, Bernard Lapasset et Tony Estanguet, sont venus plaider devant moi pour une nouvelle candidature de Paris. Un groupe de travail a été chargé d'analyser nos échecs précédents - c'était pour moi un préalable - et d'élaborer une stratégie pour une candidature gagnante : mettre en avant les athlètes, créer un consensus national, concevoir des jeux sobres à l'empreinte écologique positive plutôt que de multiplier les dépenses à court terme, tels sont les enjeux. Dans le même temps, le CIO a défini un « Agenda 2020 », qui prévoit des jeux sobres avec un impact environnemental positif et un retour aux valeurs de l'olympisme. La convergence des objectifs m'a convaincue.

En outre, après les attentats de janvier 2015, j'ai ressenti comme beaucoup d'autres la nécessité d'offrir à notre jeunesse un événement fort et fédérateur, propre à renforcer l'unité et à créer le rassemblement de manière immédiate, tout en ouvrant des opportunités économiques, culturelles et sportives.

Nous nous sommes donc lancés dans l'aventure, en mai 2015, avec les porte-drapeaux de cette candidature, Bernard Lapasset, grand connaisseur du monde du rugby, qui a mené campagne avec succès pour que ce sport soit reconnu comme olympique - il a donc déjà su convaincre les membres du CIO -, et Tony Estanguet, qui fait partie de la jeune garde montante, bénéficie de la confiance des athlètes et des autorités, est membre du CIO et a été trois fois champion olympique.

Le consensus politique doit se construire pas à pas. Preuve en est l'exemple de Hambourg et de Boston, qui ont dû renoncer à leur candidature à la suite d'un référendum négatif. J'ai proposé que les arrondissements de Paris votent leur adhésion. Les conseils d'arrondissement, le conseil de Paris, les communes composant la métropole du Grand Paris, la région, tous ont délibéré. D'autres villes comme Marseille ont apporté leur soutien. Nous avons demandé leur soutien aux candidats à l'élection présidentielle, pour nous assurer que ce sujet d'unité nationale soit sacralisé. Le consensus politique est donc réel. À Rio, le président du CIO nous a laissé entendre que cette forte unité était d'autant plus appréciée qu'elle est rare en France...

Les Jeux contribueront à accélérer la transformation du territoire de la Seine-Saint-Denis, avec la construction de nouveaux équipements. Le village olympique sera situé sur l'Ile-Saint-Denis, tout près du Stade de France qui fera office de stade olympique, et à proximité de la piscine olympique. Grâce à la compacité de ses équipements, ce parc olympique constitue un atout majeur de notre dossier. Bien sûr, toutes les épreuves ne pourront pas s'y dérouler : les épreuves d'équitation auront lieu au Château de Versailles, celles de canoë-kayak à Vaires-sur-Marne, le cyclisme au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, la compétition d'escrime se tiendra au Grand Palais, celle de tir à l'arc à l'esplanade des Invalides et le beach-volley prendra ses quartiers au pied de la tour Eiffel. Nous valoriserons ainsi les sites historiques qui font le renom de Paris. Quant au triathlon, il se déroulera dans un site spectaculaire, également au pied de la tour Eiffel, avec l'épreuve de natation dans la Seine. Pour cela, nous nous engageons à améliorer la qualité de l'eau, et ce de manière pérenne, conformément au souhait du CIO. Je copréside avec le préfet de région un comité qui travaille sur ce sujet. Plus d'une dizaine de sites de baignade devraient rester ouverts après les JO, dans la Seine pour Paris intra-muros, mais aussi dans la Marne.

L'unité que nous avons construite autour de notre projet, mais aussi les excellentes prestations de nos athlètes pendant les derniers JO et leur état d'esprit exemplaire plaident en notre faveur. Nous nous sommes rendus à Rio en mode commando pour convaincre les 90 personnes qui auront à examiner les candidatures de voter pour nous - il faut rencontrer chacun, un peu comme lors d'une élection sénatoriale ! L'énergie déployée nous a fait marquer des points. La concurrence est sérieuse.

Les maires des villes candidates se sont engagés à fournir leurs garanties financières d'ici au 7 octobre prochain. Le CIO financera une partie des 6 milliards d'euros à couvrir si notre candidature l'emporte. Quant aux 3 milliards d'euros de transformations à opérer, la moitié sera financée par les acteurs publics, et l'autre par des partenaires privés ; le Premier ministre annoncera lui-même l'engagement de l'État, qui sera exceptionnel. Nous devrions bientôt savoir si la maire de Rome maintient, ou non, la candidature de sa ville. Budapest est une rivale sérieuse. Enfin, en ce qui concerne Los Angeles, nous devrons batailler durement, en tirant partie de nos atouts, de notre histoire et de notre travail. Los Angeles a déjà obtenu les Jeux olympiques en 1932 et en 1984, alors que Paris ne les a pas accueillis depuis cent ans. C'est peut-être notre chance.

Chaque membre du CIO votera en toute indépendance, sans représenter son pays d'origine. La logique est donc différente de celle qui prévaut pour l'Exposition universelle. Par ailleurs, le CIO est attaché à son modèle économique, avec des partenaires officiels comme Coca-Cola ou les chaînes de télévision, qui apportent des financements importants. À Tokyo, s'ajoutera un nouveau partenaire, Toyota. La solidité des très grands groupes français qui sont à nos côtés - Accor, Bolloré, Suez avec Jean-Louis Chaussade, entre autres - offre au CIO l'occasion d'élargir le spectre de ses partenaires à l'échelle internationale. De ce point de vue, la France n'est pas moins bien placée que les États-Unis.

Les Jeux sont surtout porteurs de valeurs. J'ai eu l'occasion de répéter à Rio combien la France avait besoin de reprendre confiance. Cet événement planétaire fort ne pourra qu'insuffler un élan extraordinaire à notre jeunesse. Nous y aspirons et nous surprendrons et innoverons en confortant la valeur du sport dans notre projet sociétal, qu'il s'agisse de culture ou d'éducation. C'est cet espoir que je vous invite à porter ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs. Les lignes ont d'ailleurs déjà commencé à bouger. Les Jeux olympiques sont un événement fédérateur exceptionnel. Dans l'année à venir, cette candidature jouera un rôle déterminant pour dépasser ce que risque d'être le débat politique.

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