J'ajoute que ce rapport s'inscrit pleinement dans les précédentes analyses de la délégation, notamment s'agissant de la question des stéréotypes, que nous avions abordée, en particulier, dans le cadre de nos rapports sur les manuels scolaires et les jouets, ou le 8 mars 2016 avec les femmes MOF.
Enfin, de façon symbolique, nous avons souhaité adopter ce rapport à la veille de l'ouverture du Mondial de l'Automobile. Cet événement représente bien sûr une excellente tribune de diffusion pour interpeller les différents acteurs du monde automobile pour favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes dans ce secteur.
Nous aurons d'ailleurs réellement l'occasion de le faire, puisque notre délégation est invitée par les organisateurs du salon à présenter ce rapport - si toutefois vous voulez bien l'adopter - au cours des journées presse, le vendredi 30 septembre à 15h00, indépendamment de notre propre conférence de presse qui se tiendra, pour sa part, le 28 septembre à 8h30 dans nos locaux.
Nous avons organisé le rapport autour de trois blocs thématiques qui reprennent peu ou prou les grandes problématiques que je vous ai exposées de façon liminaire :
Première partie : les clichés associés aux femmes au volant, présents depuis les débuts de l'automobile, mais démentis par les statistiques de l'accidentalité routière et par le courage et l'opiniâtreté des femmes pilotes qui demeurent néanmoins peu nombreuses ;
Deuxième partie, que vous présentera Christiane Hummel : l'insuffisante mixité professionnelle du secteur automobile ;
Troisième partie : le permis de conduire et le lien existant entre la précarité et les contraintes de mobilité qui concernent plus particulièrement les femmes.
Venons-en au constat, en suivant le fil de ces trois parties.
Commençons brièvement par un peu d'histoire. Les femmes ont été très tôt cantonnées au rôle de « passagères » de l'automobile. Quelques rares pionnières appartenant à l'élite sociale se sont toutefois illustrées à la Belle Époque, en tant que conductrices ou pilotes.
Malgré tout, l'accès à la mobilité des femmes ne s'est véritablement diffusé qu'au cours du XXe siècle (permis de conduire et accès à un véhicule propre). D'ailleurs, cette évolution n'a pas forcément été synonyme d'émancipation et d'égalité. Les sociologues auditionnés nous l'ont montré : les trajets des femmes sont plus courts et plus fréquents que ceux des hommes, et reflètent un partage des tâches traditionnel où le travail domestique et l'accompagnement des enfants sont prédominants. En bref l'utilisation de la voiture reproduit la sexuation des rôles hommes/femmes.
Dès les origines, ont émergé des clichés sexistes véhiculant l'idée d'une incompétence des femmes au volant. Serait-ce parce que certains hommes craindraient de les voir s'émanciper et échapper à la sphère privée ? Je ne résiste pas à vous lire les propos tenus par un homme de lettres, Gaston Labadie-Lagrave, au début du XXe siècle : « Les imperfections naturelles des femmes les rendront toujours inaptes à conduire ».
Heureusement, une enquête récente indique une évolution des mentalités, 83 % des hommes se sentant en confiance lorsqu'ils sont passagers d'une femme ! Nous voilà rassurées !
Parallèlement à ces clichés, les femmes ont été très vite identifiées à l'automobile elle-même dans la publicité ou dans les salons, devenant des faire-valoir de la voiture. Je n'ai pas besoin non plus de vous citer des exemples de publicité qui comparent les courbes de la voiture aux formes féminines...
Cependant, il me semble que les femmes sont aujourd'hui moins utilisées comme des arguments de vente que cela était le cas il y a encore quelques années. Par exemple, au salon de Shanghai, les autorités chinoises ont interdit la présence d'hôtesses trop « sexy ». Le commissaire général du Mondial de l'Automobile nous a également indiqué que les hôtesses ressemblant à des mannequins sont présentes au cours des journées presse mais que, pour l'ouverture au public, les constructeurs font appel à des personnes formées sur le plan technique afin de pouvoir renseigner les visiteurs.
Sur la question de la publicité, nous avons par ailleurs noté avec intérêt que l'article 44 B du projet de loi « Égalité et citoyenneté » adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, que nous examinerons très prochainement au Sénat, étend au champ de la publicité les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en matière de lutte contre le sexisme à la télé et à la radio. Nous formulerons une recommandation pour aller encore plus loin en matière de publicité.
Nos travaux ont démontré, s'il en était besoin, que les clichés sur la femme mauvaise conductrice sont parfaitement erronés ! Ainsi, les statistiques de la sinistralité routière démontrent que les femmes conduisent de façon plus prudente et plus respectueuse des règles et qu'elles ont des accidents certes légèrement plus nombreux que les hommes, mais beaucoup moins graves et moins coûteux.
Les personnes que nous avons entendues au cours de la table ronde du 26 mai, sur ce thème, nous ont apporté beaucoup d'éléments d'éclairage très intéressants, et je vous invite à consulter le rapport sur ce point.
Nous proposons également une recommandation pour valoriser le comportement plus vertueux des femmes du point de vue de la sécurité routière.
Les assureurs prenaient d'ailleurs en compte la différence de sinistralité entre les hommes et les femmes dans leurs tarifs, jusqu'à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne de 2011 qui a interdit cette pratique considérée comme une discrimination. C'est bien dommage, car cela a pénalisé les jeunes conductrices à travers des hausses de tarifs, la principale différence entre les hommes et les femmes en termes d'accidents concernant les conducteurs novices.
Sur la question de la sécurité routière, nous formulerons également une recommandation relative aux ceintures de sécurité, Laurence Cohen ayant attiré notre attention dès octobre 2015 sur le fait que dans certains véhicules, ces équipements de sécurité peuvent s'avérer inadaptés à la morphologie de certaines femmes, avec un risque d'étranglement.
Les stéréotypes sur l'incompétence des femmes au volant sont également démentis par la présence de femmes pilotes particulièrement talentueuses, même si elles ne sont pas encore très nombreuses. Il faut dire qu'elles doivent surmonter beaucoup d'obstacles, notamment s'agissant de la recherche de sponsors.
Nous avons eu la chance de recevoir la semaine dernière une jeune pilote de course et une ancienne pilote de rallyes, ainsi qu'une jeune pilote de voltige aérienne. Ces jeunes femmes nous ont impressionnées par leur passion et leur détermination pour s'imposer dans un univers encore très masculin. De tels exemples doivent à mon avis être valorisés comme modèles pour susciter des vocations et encourager les jeunes filles à s'émanciper des stéréotypes.
Christiane Hummel va maintenant vous présenter la seconde partie, relative à la mixité professionnelle.