Intervention de Chantal Jouanno

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 septembre 2016 : 1ère réunion
Rapport « femmes et voitures » — Examen du rapport d'information et des propositions de recommandations

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno, présidente, co-rapporteure :

Le permis de conduire est une problématique au coeur de ce rapport. Comme nous l'avons déjà indiqué, il existe un écart persistant de dix points à la réussite à l'épreuve pratique du permis de conduire entre les hommes et les femmes, mais non pas pour le code. Pour citer les chiffres les plus récents dont nous disposons : en 2014, le taux de réussite des femmes est de 55,5 % contre 65,5 % pour les hommes. De plus, les femmes représentent 52,9 % des candidats examinés, mais seulement 48,8 % du nombre de permis délivrés.

Cet écart est porteur d'inégalités, quand on sait que le coût associé au passage du permis de conduire s'échelonne en moyenne dans une fourchette allant de 1 600 euros à 3 000 euros. Mais le fait d'échouer à l'examen se traduit également par des frais supplémentaires associés aux heures de conduite à reprogrammer et à des délais d'examen de plus en plus longs entre deux passages.

Le problème, c'est que les raisons de cet écart persistant, porteur d'inégalités, ne sont pas suffisamment documentées, faute de statistiques, alors même que la réussite à l'examen est une condition déterminante pour l'autonomie, la mobilité, mais aussi l'insertion économique et sociale.

De façon plus préoccupante, nous avons eu le sentiment que les pouvoirs publics et les professions concernées semblaient prendre cette donnée pour un fait acquis et s'en accommoder, sans chercher à rectifier le tir.

Par ailleurs, les personnes entendues ne nous ont pas fourni d'explications pleinement convaincantes : les femmes auraient un intérêt limité pour la voiture, les femmes seraient moins à l'aise que les hommes dans les manipulations mécaniques, elles auraient naturellement moins confiance en elles : c'est un peu court ! Nous savons bien ici, à la délégation, quel peut être le poids des préjugés sexistes ou de l'intériorisation des stéréotypes qui induit un manque de confiance chez les apprenties conductrices.

Il est même révélateur de constater que le débat s'est essentiellement focalisé sur la sécurité routière et le permis en général, plutôt que sur les inégalités entre hommes et femmes existant en ce domaine. Nous ne saurions nous satisfaire de cette situation. Nous souhaitons que cet écart fasse l'objet d'une véritable expertise et que des mesures soient prises pour inverser la tendance.

Nous formulons donc plusieurs recommandations à cet égard, tout en prenant acte du fait que le Délégué interministériel à la sécurité routière s'est engagé à demander une étude statistique sur l'écart existant.

J'en viens maintenant à la question la plus grave, celle de la mobilité des femmes en situation de précarité. Elle concerne aussi bien les femmes à la tête de familles monoparentales que les femmes plus âgées.

La voiture est un prérequis de leur mobilité et de leur autonomie, soit qu'elles en aient besoin pour effectuer les trajets liés aux courses, aux activités des enfants ou à leur santé, soit qu'elles travaillent à temps partiel, avec des horaires décalés, l'offre de transports en commun s'avérant dans ce dernier cas souvent inadaptée à leurs besoins.

Or le coût d'une voiture, qu'il soit lié à son acquisition ou à son entretien, est problématique pour les personnes précaires qui sont bien souvent des femmes. Ai-je besoin de rappeler que les familles monoparentales sont à 85 % des mères avec enfants et que les femmes représentent 70 % des travailleurs pauvres ?

Les mères seules, justement, représentent le quart des actifs en situation de précarité, et cumulent toutes les raisons de déplacement (travail, accompagnement des enfants).

Par ailleurs, les difficultés de mobilité des femmes peuvent aussi être aggravées par l'âge, notamment quand on a affaire à des femmes seules qui n'ont jamais, ou très peu conduit quand elles étaient en couple.

Il importe donc de leur offrir des solutions adaptées pour leur permettre de conserver leur mobilité, et donc leur autonomie.

Parmi ces solutions, nous avons souhaité insister dans notre rapport sur l'action menée par les associations caritatives et les structures de mobilité solidaire comme les garages associatifs, sociaux ou solidaires.

S'agissant des associations caritatives, nous avons été très marquées par le témoignage de Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique, qui a relevé, dans le rapport de 2015 centré sur le thème de la « fracture mobilité », neuf exemples sur dix illustrant les difficultés de mobilité liée à une situation de précarité concernaient des femmes, ces dernières habitant en zone rurale, semi-rurale ou périurbaine. Je vous renvoie au rapport pour prendre connaissance en détail de ces exemples poignants.

Enfin, nous nous sommes intéressées à l'action menée par les garages associatifs, sociaux ou solidaires pour aider les femmes à surmonter leurs contraintes de mobilité. Ces structures, le plus souvent constituées sous forme associative, offrent des services d'entretien et de réparation de véhicules à des tarifs largement inférieurs à ceux du marché, soit directement auprès de publics en difficulté, soit en soutien d'activités de vente, location ou autres services de mobilité qui leur sont destinés.

Il peut aussi arriver, mais plus rarement, que des associations se spécialisent dans l'acquisition de véhicules à prix très modique au profit des personnes les plus précaires. On peut citer les Autos du coeur à Amboise.

Bien souvent, les femmes seules représentent un public important qui recourent à ce type de structures pour apprendre à faire les réparations seules, et gagner ainsi en autonomie, au-delà du facteur économique.

L'analyse que nous avons pu mener nous a conduites à formuler plusieurs constats :

- d'une part, les structures associatives oeuvrant dans ce domaine ont un grand besoin de visibilité sur leurs subventions publiques, ces dernières constituant dans la plupart des cas la majorité de leurs ressources. C'est une difficulté récurrente, qui concerne d'ailleurs toutes les associations ;

- d'autre part, il existe un enjeu d'identification, de développement et de structuration de ces organismes sur l'ensemble du territoire, même si, comme nous l'avons noté avec intérêt, les constructeurs automobiles développent des initiatives pour développer des réseaux de garages solidaires.

Nous formulons plusieurs recommandations pour améliorer ces points.

Nous en arrivons maintenant à l'examen des recommandations proprement dites. Le rapport en propose treize. Elles sont regroupées en trois axes qui reprennent les grandes problématiques que nous venons d'exposer.

Elles visent ainsi à :

- favoriser la mobilité des femmes et lutter contre leur précarité ;

- développer la mixité et l'égalité professionnelles dans le secteur automobile,

- et en finir avec les stéréotypes contre les femmes au volant.

Je vous propose de les passer en revue, une par une, dans l'ordre du document, telles qu'elles vous ont été distribuées.

Je précise que nous les avons hiérarchisées par ordre d'importance, la problématique de la mobilité des femmes précaires nous paraissant la plus préoccupante. Elles se déclinent donc dans un ordre différent de celui que nous venons de vous exposer.

La recommandation 1 concerne l'élaboration de statistiques sexuées relatives à l'examen du permis de conduire, afin de mieux quantifier l'écart existant entre les hommes et les femmes et d'identifier les solutions pour faire progresser le taux de réussite des femmes au permis de conduire et favoriser une diminution de son coût.

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