Tout comme notre collègue Bodin, je reviens sur l'article 1er du projet de loi. Dans sa rédaction actuelle, le service public de l'enseignement supérieur serait soumis, implicitement, à l'obligation d'insérer professionnellement ses jeunes étudiants.
Il est vrai que l'université reste le principal vecteur de promotion sociale. Ses diplômes conduisent, encore aujourd'hui, à une meilleure insertion professionnelle. Dans les faits, elle prépare et accompagne, à la mesure de ses moyens, l'orientation et l'insertion professionnelle de ses étudiants, d'une part, en s'appuyant sur la recherche, permettant ainsi aux étudiants de s'adapter à l'évolution des connaissances et des technologies, d'autre part, en offrant à ceux-ci une connaissance de l'évolution des métiers.
Personne ne conteste aujourd'hui cette mission fondamentale et prégnante du service public de l'enseignement supérieur.
II est toutefois illusoire de penser que tout diplôme universitaire serait un passeport direct pour l'emploi. Toutes les études n'ont pas nécessairement des débouchés professionnels, et ce pour des raisons différentes, mais évidentes.
Pour une insertion professionnelle réussie des étudiantes et des étudiants, d'autres facteurs sont déterminants. Certains, il est vrai, dépendent de l'université, tels que leur offre de formation ou encore les moyens financiers et humains dont elle dispose, même s'ils sont insuffisants aujourd'hui. Mais souvent des facteurs exogènes à l'université entrent en considération. Il s'agit par exemple de la conjoncture économique et de la morosité du marché du travail ou encore de l'existence de phénomènes de ségrégation urbaine, voire raciale ; je pense ici à l'appartenance sociogéographique de certains jeunes. Ainsi, à diplôme universitaire équivalent, les jeunes issus des zones urbaines sensibles sont beaucoup plus touchés par le chômage.
S'il est vrai que les études universitaires protègent encore du chômage, il serait parfaitement démagogique de faire croire aux jeunes et à leurs familles qu'elles constituent un moyen infaillible de trouver un emploi, tout comme il serait déloyal de leur faire croire que l'université est la panacée contre le chômage. Elle n'en a ni la possibilité ni les moyens ! Elle ne peut pas tout.
En revanche, en sa qualité de service public, elle a vocation à être un lieu de partage des connaissances, de l'échange et des confrontations d'idées et à assurer la réussite universitaire de toutes les étudiantes et de tous les étudiants.
En ce sens, elle prépare au mieux les jeunes à s'insérer dans la vie active.
Comme l'a dit Yannick Bodin, l'université n'a pas vocation à se transformer en une « super ANPE » et à trouver un emploi pour tous ses étudiants, au risque de se disperser et de s'écarter de ses missions prioritaires. Ce rôle est et doit être rempli par le service public de l'emploi.
L'université ne peut que préparer à l'insertion professionnelle des étudiants. Ce n'est pas son rôle d'assurer cette insertion elle-même.