Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, madame la présidente a rappelé la philosophie et les montants des PIA 1 et 2.
Ainsi que nous l'annonçons depuis maintenant plus de deux ans, les crédits des PIA 1 et 2 seront engagés en quasi-totalité à la fin du premier semestre 2017. Compte tenu des délais de mise en place, il faut, si l'on ne souhaite pas de rupture, voter en 2016 un troisième PIA.
Quelle est la situation de l'engagement des PIA 1 et 2 au 30 juin 2016 ?
Je rappelle que l'enveloppe est de 47 milliards d'euros. La première étape de l'utilisation des crédits est l'engagement, moment où le Premier ministre - ou le commissaire général, par délégation - annonce au bénéficiaire d'une aide qu'il a obtenu celle-ci, après le processus rappelé par la présidente. Nous en sommes à 38,5 milliards d'euros au 30 juin 2016.
Après l'engagement, la seconde étape est celle de la contractualisation. Il s'agit de la signature par l'ensemble des bénéficiaires de l'aide et l'opérateur du PIA d'un contrat qui définit l'apport de chacun, le calendrier des versements et qui permet le premier versement de fonds.
Nous avons contractualisé 33,2 milliards d'euros. Il existe donc un écart de plus de 5 milliards d'euros. Ceci tient au délai entre l'engagement et la contractualisation.
Intervient ensuite le versement effectif. Nous ne sommes qu'à 15,5 milliards d'euros, qui se traduisent dans l'équilibre des lois de finances.
Pourquoi ce décalage ? Non parce que nous payons en retard, mais parce que, pour la plupart des dépenses, nous payons à l'avancement : lorsqu'un projet se déroule sur quatre ou cinq ans, nous payons au fur à mesure de son avancement.
Par ailleurs, une partie significative des 47 milliards d'euros - plus de 18 milliards d'euros - est constituée de dotations non consommables. Nous versons chaque année 3,4 % d'intérêts pour le PIA 1, et 2,5 % d'intérêts pour le PIA 2. Les dotations non consommables du PIA 1 se décaissent donc en trente ans et en quarante ans pour celles du PIA 2. On voit bien qu'à ce rythme, les paiements suivent assez lentement les engagements et les contractualisations.
J'ai dit que les décaissements pèsent sur le déficit budgétaire de l'État. Ils ne pèsent pas tous sur le déficit « maastrichtien ». Ceci appelle un commentaire, le déficit que presque tout le monde suit dans l'opinion étant le célèbre « 3 % ». Il comprend les dépenses d'autres administrations mais, au sein des administrations publiques, ne comporte pas toutes les dépenses, notamment pas toutes celles du PIA.
En effet, quand nous investissons en fonds propres ou en prêts, comme un investisseur privé, avec un espoir de rentabilité à proportion du risque et aux côtés d'investisseurs privés, cette dépense n'entre pas dans le déficit au sens du traité de Maastricht. Il n'y a pas de dérogations à cet égard au profit du PIA, mais ces dépenses dites non « maastrichtiennes » n'entrent pas dans le déficit, qui est d'un peu plus de 3 % en 2016, et qui doit être de moins de 3 % en 2017.
Tous ces investissements sont réalisés au profit de projets. Nous avons déjà engagé plus de 3 200 projets et avons battu en 2015 notre record du nombre de projets engagés. En 2016, nous sommes bien partis pour que ce soit également le cas.
À dire vrai, cette accélération résulte - en dehors de la dynamique propre du programme - d'une volonté de simplifier et d'accélérer nos procédures. Le PIA a beaucoup fait en matière de rigueur, de critères de choix exigeants, mais je ne pense pas que cela implique qu'un dossier soit instruit deux ou trois fois par des personnes différentes, ou que l'on demande 500 pages là où cinq suffisent. On peut donc simplifier - et nous l'avons fait.
Par ailleurs, je pense qu'il faut accélérer, le programme ne servant qu'à partir du moment où il est utilisé. Nous nous sommes donc fixés comme objectif qu'il ne s'écoule pas plus de trois mois entre le dépôt d'un projet et l'engagement, ni plus de trois mois entre l'engagement et la contractualisation qui déclenche le versement des crédits.
Y sommes-nous arrivés ? Nous avons divisé nos délais par trois ou quatre dans les deux cas. Nous sommes à trois mois en moyenne environ, certains projets étant plus longs que d'autres.
Par exemple, en matière de formation professionnelle, il faut bien sûr un accord de l'État, des collectivités territoriales, des chambres de commerce et d'industrie et, souvent, d'un certain nombre d'entreprises. Dans certains cas, bien que l'État ait notifié son engagement depuis deux, trois ou quatre ans, la contractualisation n'est toujours pas intervenue.
Pour éviter ces retards, dans les nouveaux projets, la décision d'engagement ne vaut que pour trois mois. Si rien ne s'est passé au bout de ce délai, la décision tombe. Bien sûr, on peut demander une prorogation, mais cette nouvelle procédure a eu un effet d'accélération significatif.
Vous pourriez penser que si nous n'avons engagé que 38,5 milliards d'euros au bout de six ans, engager 7,5 milliards d'euros en douze mois apparaît peu crédible. Ce n'est à vrai dire pas le cas. Il restera sans doute au 30 juin 2017 environ un milliard d'euros à engager, mais sur des opérations déjà fléchées, qui ont un délai d'engagement long, comme le campus de Saclay. Les crédits ont été largement engagés, mais le PIA couvre aussi le fait qu'une partie du financement de Saclay vient de la cession de terrains existants d'établissements qui vont déménager à Saclay. La valeur de ces cessions, au moment où elles seront réalisées, n'est pas certaine. Le PIA garantit donc la bonne fin de ces opérations. Il faut pour cela réserver les crédits.
Pourquoi aurons-nous une accélération ? Nous devons attribuer, au cours du premier trimestre 2017, des dotations non consommables à la seconde vague d'universités sélectionnées dans le PIA 2. Cette seconde vague, à elle seule, représente près de 4 milliards d'euros. Ceci contribue largement à l'engagement des crédits.
Nous avons été évalués à mi-parcours par une commission présidée par Philippe Maystadt, ancien vice-Premier ministre belge, ancien président de la Banque européenne d'investissement (BEI), et composée d'experts internationaux. Ils nous ont confirmés que nous avions bien rempli notre mission et qu'il était important à leurs yeux d'aller vers un PIA 3. Il ne suffit pas, pour justifier un PIA 3, d'avoir consommé les crédits des PIA 1 et PIA 2.
À l'origine, il devait s'agir de dépenses dites exceptionnelles. Les créateurs -Alain Juppé et Michel Rocard -, n'avaient pas imaginé, au moment où ils ont fait le PIA 1, qu'il y aurait un PIA 2 et un PIA 3.
Ces investissements ont vocation à soutenir l'excellence, l'innovation et la coopération. Tout le monde est a priori favorable à l'excellence, mais quand on mise sur l'excellence, on ne peut pas choisir tout le monde, on ne fait pas de l'aménagement du territoire une fin en soi, et on n'aide pas les entreprises en difficulté.
L'excellence est exigeante. L'innovation est également importante. Cela signifie qu'on aide ce qui est innovant, pas seulement technologiquement, mais aussi les innovations d'usage, comme les nouvelles utilisations des moyens de transport. L'innovation cela veut aussi dire que nous n'avons n'a pas pour rôle de nous substituer à des dotations budgétaires. Le PIA est destiné à financer des actions additionnelles en matière d'innovation. C'est ainsi que l'Education nationale finance l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire, l'enseignement supérieur. C'est notre métier de financer l'expérimentation en matière d'éducation ou de formation.
En matière de coopération enfin, il faut reconnaître que la France n'est pas formidablement positionnée comparée aux Allemands ou aux Anglo-Saxons, qui pratiquent la coopération entre universités, grandes écoles ou écoles sélectives et entreprises, entre recherche publique et recherche dans les grandes entreprises, les entreprises moyennes et les petites entreprises au sein des filières, ou encore entre entreprises concurrentes lorsqu'elles veulent aller ensemble à l'exportation. C'est moins fréquent en France. Encourager la coopération entre acteurs universitaires et économiques est un rôle majeur du PIA.
La présidente a évoqué les procédures de choix des projets, je n'y reviens pas.
Le PIA est géré par un commissariat général, petite administration qui compte trente-cinq personnes. Un comité de surveillance est placé auprès de cette administration. Il était présidé depuis l'origine par Alain Juppé et Michel Rocard, inventeurs du PIA, jusqu'en juin dernier. Michel Rocard est malheureusement décédé en juillet, et Alain Juppé a indiqué depuis que qu'il ne se sentait plus la liberté de présider le comité de surveillance du PIA compte tenu de ses autres engagements. La composition du comité de surveillance a donc changé ; celui-ci a tenu sa première réunion hier. Jean-Pierre Raffarin et Jean-Paul Huchon sont désormais co-présidents du comité de surveillance. Ceci assure la continuité de l'équilibre entre majorité et opposition et l'un et l'autre, pour des raisons diverses, sont assez proches de leur prédécesseur.
Quelles sont, sur le fond, les orientations du PIA 3 ? On relève une certaine continuité des principes dans les domaines d'intervention : enseignement et recherche - 2,9 milliards d'euros -, valorisation de la recherche - 3 milliards d'euros -, modernisation des entreprises - 4,1 milliards d'euros -, soit un total de 10 milliards d'euros.
Tous ces montants sont soumis au vote du Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale. Je parle ici donc du projet tel qu'il sera soumis au Parlement, et non du PIA 3 tel qu'il sera voté par le Parlement - même si j'espère vivement que ces crédits ne seront pas modifiés.
On retrouve donc la priorité indiquée par la présidente sur l'enseignement, la recherche, et la valorisation de celle-ci. De petites nuances méritent toutefois d'être mentionnées.
Premièrement, nous voulions mettre davantage l'accent sur l'enseignement et la formation. Dans le PIA 1 et le PIA 2, on a surtout mis l'accent sur la recherche - et nous continuerons à le faire. Des progrès nous semblent devoir être réalisés en France en matière d'enseignement, à tous les niveaux, en particulier ceux relevant de l'innovation et de l'action du PIA.
Deuxièmement, on a parlé des dotations non consommables dans le PIA 1 et dans le PIA 2. Ces dotations représentaient 3,4 % ou 2, 5 % l'an pour le PIA 1 et le PIA 2. Ces taux sont ceux des obligations assimilables du Trésor à dix ans. On est actuellement tombé au-dessous de 1 %. Nous nous en réjouissons tous, mais si l'on attribuait dans le PIA 3 des dotations non consommables versées au rythme de 0,7 % l'an, il serait quelque peu dérisoire d'attribuer un milliard d'euros de crédits pour ne verser que 7 millions d'euros par an.
Nous avons donc remplacé les dotations non consommables par des dotations décennales, qui seront versés à hauteur de 10 % par an. Cela signifie que nous aurons 2 milliards d'euros de dotation décennale dans le PIA 3 tel qu'il est proposé, qui permettront 200 millions d'euros de versements annuels. Actuellement, pour avoir 200 millions d'euros de versements, il aurait fallu ouvrir 8 milliards d'euros. On ne peut donc pas comparer directement les chiffres des dotations décennales et ceux des PIA précédents. Mais l'effort pour l'enseignement général et la recherche du PIA 3 est égal ou supérieur aux proportions de ce qu'il était dans les PIA 1 et 2.
Troisièmement, nous avons créé beaucoup d'institutions dans le PIA - SATT, IDEX, I-SITE, IHU, IRT, ITE, et j'en oublie peut-être.
Il nous semble que, dans un souci de simplification, il n'est pas souhaitable de poursuivre ces créations, avec toutefois une exception, celle des institutions hospitalo- universitaires, les IHU, qui permettent de rassembler dans une même institution, auprès de malades, des médecins, un Centre hospitalier universitaire (CHU), de la recherche médicale, et des entreprises associées pour assurer que le transfert de la recherche au bénéfice des malades et de l'économie se fait le plus vite possible. Il existe actuellement six IHU, comme l'institut du cerveau et de la moelle épinière, à la Pitié-Salpêtrière, ou l'institut des maladies infectieuses à Marseille. Ce sont des institutions remarquables, et nous proposons de créer trois nouveaux IHU dans le PIA 3.
Pour le reste, nous nous pencherons sur les institutions actuelles et évaluerons celles qui répondent aux attentes et qui doivent être pérennisées. Nous suggérons de suspendre le financement de celles qui n'apportent pas ce qu'on en attend. Dans le domaine de l'innovation, on n'a jamais 100 % de chances de succès. Si on souhaite 100 % de succès, cela signifie qu'il n'existe pas de prise de risques. Or, sans prise de risques, il n'y a pas d'innovation. Je citais souvent, lorsque j'évoluais dans le monde de l'entreprise, une phrase d'un homme politique célèbre, qui fut d'ailleurs sénateur, Edgar Faure, qui disait : « Il n'y a pas de politique sans risque, il n'y a que de politique sans chance ».
Un dernier point sur la nature des crédits : j'ai parlé de crédits « maastrichtiens » et « non-maastrichtiens ». Pour des raisons de soutien aux entreprises, et afin d'améliorer le retour pour l'État et de moins peser sur le déficit maastrichtien, la proportion des crédits non maastrichtiens a été relevée dans le PIA 3. Dans les PIA 1 et 2, on trouvait environ 6,5 milliards d'euros de crédits non maastrichtiens sur 47 milliards d'euros. Dans le PIA 3, nous en avons 4 milliards d'euros sur 10 milliards d'euros. La proportion augmente donc.
Dans la loi de finances qui vous sera soumise, ne figure aucun crédit de paiement, mais seulement des autorisations d'engagement pour 10 milliards d'euros. Nous n'avons pas ouvert de crédits de paiement, c'est contraire à la pratique des PIA 1 et 2, mais, dans la réalité, cela a peu d'impact, puisque la consommation des crédits de paiement est sensiblement décalée par rapport aux engagements. Il n'y a donc pas de pression pour dépenser les crédits de paiement. Il est simplement prévu que ceux-ci soient programmés suivant cinq tranches égales, de 2018 à 2022, ce qui devrait permettre de couvrir les besoins.