Intervention de Louis Schweitzer

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 28 septembre 2016 à 10h00
Audition de M. Louis Schweitzer commissaire général à l'investissement

Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement :

Votre première question porte sur les IDEX, l'un des projets de la commission Juppé-Rocard, que nous voulons amener au meilleur niveau international. On sait en effet que la France n'est pas très bien placée dans les grands classements internationaux des universités.

A cette fin nous avons constitué un jury international, où les Français sont très minoritaires. Ce jury a un avis qui n'est pas juridiquement liant pour le Gouvernement, mais, et nous avons plaidé en ce sens, le Gouvernement a toujours suivi l'avis du jury. En effet, c'est le gage de la crédibilité des choix au niveau international et universitaire.

Le jury a procédé de façon rigoureuse. Il a défini des critères de choix qui constituent à la fois des critères d'excellence scientifique et d'efficacité organisationnelle. L'excellence scientifique s'apprécie assez bien. La qualité organisationnelle, quant à elle, a suscité davantage de débats. Il faut reconnaître que les universités ont gagné en autonomie, mais que les structures demeurent compliquées et quelquefois un peu lourdes. C'est sur la base de ces critères que les universités ont déposé des dossiers de candidature. Des auditions ont eu lieu, une présélection, puis une sélection.

Dans le PIA 1, huit universités ont été choisies. Certaines, de très bon niveau scientifique, n'ont pas été retenues. Je pense notamment à Lyon, ou à Grenoble.

Le jury a souligné à cette occasion que certaines universités étaient tout aussi excellentes, mais très spécialisées, et ne couvraient pas tout le champ. Le jury avait à cette occasion cité la Lorraine et suggéré que l'on crée une seconde catégorie, l'I-SITE, caractérisée par un champ plus spécialisé, ainsi que par une insertion régionale et économique renforcée.

Il ne s'agit donc pas de saupoudrage en direction d'universités de moins bon niveau, mais d'une volonté d'aller vers des universités spécialisées.

Dans le PIA 2, le jury a sélectionné la Lorraine et la Bourgogne-Franche-Comté comme I-SITE. Le nombre de candidats était élevé. La compétition a été sévère, et la qualité des candidatures remarquable. Nous suivions là une recommandation du jury, ce type d'universités spécialisées existant aussi à l'étranger.

Je reviens à présent sur le choix des huit universités. Tout choix peut entraîner de l'amertume, voire de l'incompréhension, chez ceux qui n'ont pas été sélectionnés.

Au total, je crois le choix du jury légitime. Deux vagues de choix ont eu lieu dans le PIA 1 et deux dans le PIA 2. Les « recalés » ont ainsi pu se représenter. Grenoble, qui a été retenu dans le PIA 2 avait été recalé deux fois dans le PIA 1. Lyon, qui est candidat à la sélection de février, a été recalé trois fois. Ils insistent - et, je l'espère, à juste titre.

On ne peut remettre en cause la qualité scientifique du jury, composé de savants. Par ailleurs, on ne change pas une université en quelques mois.

En revanche, les structures organisationnelles ont posé davantage de difficultés. Tout d'abord, les schémas d'organisation de certaines universités n'en faisaient pas des entités reconnues internationalement.

Entendons-nous bien : les grandes universités internationales - Cambridge, Oxford, Harvard - ne sont pas nécessairement des structures unitaires, mais certaines fonctions centrales assurent la qualité de l'ensemble, avec des parties décentralisées, comme à Harvard, qui compte des écoles de management, d'ingénieurs, de droit, de lettres, qui ont chacune une certaine autonomie, mais où le système d'ensemble demeure efficace.

Les systèmes proposés par certaines universités candidates au PIA ne permettaient pas de considérer qu'il existait une cohérence suffisante garantissant que les institutions présentées figureraient dans les classements internationaux. Le jury a décidé de ne pas les choisir.

Ces mêmes principes valent pour la dernière vague de sélection du PIA 2, qui va avoir lieu en février prochain. Ce sera sûrement un moment difficile puisque sont notamment candidats, au titre des IDEX, Lyon et Lille et, au titre des I-SITE, un certain nombre d'universités comme Rennes, Montpellier, Clermont-Ferrand, Nantes, et Paris-Est. Le jury n'a pas de quota : ce n'est donc pas un concours, mais un examen.

Votre question portait également sur les huit candidats choisis dans le PIA 1 et sur le fait que tous n'ont pas été confirmés. Effectivement, conformément aux règles du PIA, il était prévu que, quatre ans après la sélection, le jury revoie ceux qu'il avait choisis et confirme ou non son choix.

Au moment de la revoyure, le jury avait le choix entre trois options. La première consistait à valider son choix. Le crédit annuel accordé dans le cadre du PIA 1 devient alors « perpétuel ». En second lieu, le jury pouvait estimer les progrès insuffisants et rallonger la période probatoire. Enfin, le jury pouvait demander l'arrêt du financement du projet.

Le jury a utilisé ces trois options. Pour trois universités, il a estimé que les conditions étaient réunies : Aix-Marseille, Bordeaux et Strasbourg.

Pour deux universités, le jury a jugé que ce qui avait été fait n'était pas du tout ce qui avait été prévu. Il a donc décidé d'arrêter - j'y reviendrai. Cela concerne la Sorbonne Paris Cité et Toulouse. Dans les deux cas, le problème n'était pas le niveau scientifique mais l'organisation.

Dans trois cas - Saclay, Sorbonne Universités et Paris Sciences et Lettres - le jury a enregistré des progrès, mais insuffisants par rapport aux engagements pris, avec une nuance pour Sorbonne Universités, qui s'était engagée à fusionner mais qui ne l'avait pas fait. Le jury lui a donc conseillé de revenir deux ans plus tard. Pour Paris Saclay et Paris Sciences et Lettres, la cible visée n'était pas bien définie. Ces deux universités ont dix-huit mois pour redéfinir leur cible. Le jury tranchera alors.

J'en reviens aux deux universités qui ont été écartées, car ce sont celles qui ont suscité le plus d'émotion. En principe, il n'existait pas de rattrapage, mais le jury et le Gouvernement ont considéré qu'en cas de nouveau projet solide et convaincant, on pourrait réexaminer la demande. Une de ces deux universités a réagi immédiatement en promettant de présenter un nouveau projet. L'autre s'interroge toujours. Il s'agit de Toulouse.

Je ne sais ce qui se passera. J'ai eu récemment l'occasion d'indiquer que, lorsqu'on fait face à une difficulté, réagir immédiatement confère une plus grande puissance que si l'on procrastine.

Le jury doit se réunir dans dix-huit mois pour examiner les universités placées en période probatoire. Peut-être cela pourrait-il constituer une occasion pour ces universités, si elles ont un projet radicalement nouveau, de tenter à nouveau leur chance. Dans ce cas, nous les aiderons.

C'est un sujet sensible. Nous avons conscience que le choix de février va l'être également. Je souhaite bien entendu un maximum de réussite. Je le répète, il n'existe pas de numerus clausus, et les crédits disponibles permettent d'y répondre. Encore faut-il que les projets soient crédibles.

Quant aux institutions, des évaluations sont prévues à mi-parcours. Certaines sont terminées, d'autres pas encore. La décision n'est donc pas encore acquise. Les six IHU ont confirmé leur utilité et - quelquefois après des difficultés - présentent une organisation pertinente.

S'agissant des instituts de recherche technologique (IRT), la question est encore ouverte. Les IRT sont financés à parité par des entreprises et par les organismes de recherche publique. Ils rassemblent des chercheurs des deux domaines.

Parmi les instituts de transition énergétique (ITE) - qui font le même métier que les IRT, mais dans la transition énergétique - deux ont déjà abandonné. Pour les autres, on compte encore une ou deux question ouvertes.

Les sociétés d'accélération de transfert de technologies (SATT), institutions qui ont pour objet de mieux exploiter les fruits de la recherche publique, ont confirmé leur validité. MM. Mandon, Macron et moi-même avons annoncé en juin une réforme des SATT ayant pour objet d'alléger la tutelle publique et de resserrer des liens avec les universités de façon à accroître leur efficacité. Une évaluation individuelle des SATT est par ailleurs en cours. Je pense que l'outil répond maintenant aux attentes.

Enfin, votre dernière question portait sur l'innovation dans l'enseignement.

En matière de formation professionnelle, nous avons effectivement beaucoup financé de bâtiments et de centres dans les PIA 1 et 2. Nous constatons aujourd'hui que ces bâtiments ne sont pas remplis, bien qu'il s'agisse de très beaux centres, au meilleur niveau technologique, avec des installations superbes. C'est le problème de l'apprentissage en France, qui est permanent et qui dépasse le seul PIA.

À ce stade, l'idée n'est pas de créer de nouveaux centres, mais d'agir sur la rénovation, de réfléchir à l'attractivité de la formation, aux cycles de formation, et d'inciter les universités à développer leur activité de formation permanente, ce qui est à la fois très utile et très rentable.

Un accent particulier est mis sur les formations pour les personnes handicapées. C'est un enjeu de justice sociale, de respect humain, mais aussi d'efficacité économique. C'est donc un domaine qui mérite une attention particulière.

Le seul levier est celui des appels à concours, qui incitent à réaliser de bons projets. Nous obtenons parfois que la réglementation soit aménagée afin qu'elle ne bloque pas des initiatives intelligentes - mais pas toujours.

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