Intervention de Annie David

Réunion du 19 mars 2005 à 15h00
Avenir de l'école — Article 25

Photo de Annie DavidAnnie David :

La liberté pédagogique proclamée dans le présent projet de loi doit s'inscrire dans le cadre des missions de l'enseignant, lesquelles ne se limitent pas à la transmission des savoirs et connaissances. Si elle est placée, comme on nous le propose dans cet article, sous le contrôle des inspecteurs, les professeurs ne seront plus responsables de leurs choix et l'esprit du statut changera alors de façon non anodine.

La liberté pédagogique a toujours fait partie des garanties statutaires des professeurs du second degré, qui doivent l'exercer en étant entièrement responsables de leurs choix pédagogiques. Pour les professeurs du secondaire, ces missions sont clairement définies par la circulaire du 23 mai 1997, parue au Bulletin officiel du 29 mai 1997, et doivent être remises en valeur.

Il convient donc d'affirmer le droit à l'innovation et le devoir pour l'institution de favoriser ces innovations, en particulier celles qui permettent une aide plus adaptée et plus efficace pour les élèves en difficulté, voire le travail dans les classes concernant plus précisément la culture commune.

Le travail en équipe des enseignants est la clé d'une plus grande efficacité. A ce titre, il doit représenter une part constitutive du métier, et non un supplément laissé au bon vouloir de chacun.

Monsieur le ministre, vous mettez l'accent sur la confiance que la nation fait aux enseignants, sur la valeur individuelle de chacun, libre dans sa classe, responsable de l'avenir scolaire de ses élèves. Mais cette liberté sera très encadrée par deux nouvelles structures, le Haut conseil de l'éducation, qui donne des avis et, dans le second degré, le conseil pédagogique. Présidé par le chef d'établissement et composé de représentants de professeurs désignés, ce dernier veillera à la « cohérence pédagogique des enseignements », à la « continuité de la progression des élèves » et « élaborera la partie pédagogique du projet d'établissement », prérogative qui relevait auparavant des équipes pédagogiques !

Aussi, ces principes, qui conduisent à une hiérarchisation au sein des enseignants, sont de mauvais augure quant à la liberté d'initiative que pourront avoir lesdites équipes. Auront-elles d'ailleurs encore une existence, alors qu'elles ne sont plus mentionnées dans le projet de loi ?

La pédagogie elle-même aura-t-elle encore droit de cité ? Ce qu'induit le projet de loi comme méthode d'apprentissage peut-il porter ce nom ? Il s'agit, en effet, du retour aux « vieilles recettes » conservatrices, se fondant dans le mythe d'un « âge d'or » de l'éducation, destinées à rassurer les familles inquiètes.

Démarches de transmission, empilement, reproduction des connaissances, conception individuelle de l'apprentissage - selon laquelle les plus faibles resteront les plus faibles ! - et logique utilitariste des disciplines contribueront au développement des phénomènes de renoncement à apprendre, notamment parmi les plus défavorisés des élèves, ceux qui sont le plus en décalage avec ces méthodes.

Ainsi, la loi va prescrire des solutions régressives contraires aux besoins de tous. Quel est, en effet, le sens de la pédagogie, du cantonnement dans le soutien, du redoublement, du mérite ?

Concernant la formation des enseignants en dehors du temps de service, il s'agit là de la transposition directe d'une loi récente qui permet désormais aux patrons d'évacuer la formation professionnelle hors du temps de travail ; nous avions d'ailleurs eu un débat approfondi à ce sujet ici même il y a quelques mois, monsieur le ministre, notamment à propos de la formation des femmes - vous vous en souvenez sans doute.

Les salariés deviennent ainsi coresponsables de leur formation, ce qui en change radicalement la nature. D'un droit reconnu aux travailleurs, elle devient un moyen d'adaptation aux besoins économiques locaux.

Pour notre part, nous refusons ces orientations rétrogrades et vous proposons donc, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression.

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