La liberté pédagogique a toujours fait partie des garanties statutaires des professeurs du second degré, qui doivent pouvoir l'exercer en étant entièrement responsables de leurs choix pédagogiques.
Or si elle était, selon les termes de cet article, placée sous le contrôle des inspecteurs, les professeurs ne seraient plus responsables de leurs choix et l'esprit du statut changerait de façon non anodine.
C'est la raison pour laquelle il nous paraît préférable de préciser que : « Le conseil pédagogique prévu à l'article L. 421- 5 ne peut porter atteinte à cette liberté. »
Monsieur le ministre, vous mettez l'accent sur la confiance que la nation fait aux enseignants. Vous insistez sur la valeur individuelle de chaque enseignant, libre dans sa classe et responsable de l'avenir scolaire de ses élèves.
Toutefois, cette liberté sera d'ores et déjà sera fortement encadrée par deux nouvelles structures. Ainsi, le Haut conseil de l'éducation sera « chargé d'émettre un avis ». Par ailleurs, dans le second degré, le conseil pédagogique, présidé par le chef d'établissement et composé de représentants désignés des professeurs, veillera à la « cohérence pédagogique des enseignements », à la « continuité de la progression des élèves » et « élaborera la partie pédagogique du projet d'établissement », prérogative qui relevait auparavant des équipes pédagogiques.
Ces principes conduisent à une hiérarchisation au sein des enseignants. Ils augurent mal de la liberté d'initiative que pourront avoir les équipes pédagogiques. Celles-ci auront-elles d'ailleurs encore une existence, alors qu'elles ne sont plus mentionnées dans le projet de loi ?
La pédagogie elle-même aura-t-elle encore une existence ? La méthode d'apprentissage qu'induit le projet peut-elle porter ce nom ?
Il semble en effet, monsieur le ministre, que vous vouliez revenir à de vieilles recettes conservatrices, destinées à rassurer les familles inquiètes et se fondant pour cela sur le mythe d'un âge d'or de l'éducation.
Vous prônez des démarches de transmission, d'empilement, de reproduction des connaissances, une conception individuelle de l'apprentissage selon laquelle les plus faibles resteront les plus faibles, une logique utilitariste des disciplines. Ces méthodes entraîneront le développement des phénomènes de renoncement à apprendre, notamment chez les élèves les plus défavorisés, auxquels ces méthodes sont moins adaptées encore.
La loi prescrira des solutions régressives, contraires aux besoins de tous. Quel est en effet le sens de la pédagogie du cantonnement dans le soutien, du redoublement, du mérite ?
L'idée d'une formation des enseignants hors du temps de service est la transposition directe de la loi récente qui permet aux chefs d'entreprise d'évacuer la formation professionnelle hors du temps de travail.
Les salariés deviennent ainsi coresponsables de leur formation, ce qui en change radicalement la nature : elle constituait un droit reconnu aux travailleurs, elle devient un moyen d'adaptation aux besoins économiques locaux.
Nous refusons, monsieur le ministre, ces orientations rétrogrades.