Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 29 septembre 2016 à 15h00
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, permettez-moi, avant d’aller plus loin, de saluer également les internautes, notamment les étudiants en journalisme de Cergy-Pontoise, qui suivent nos travaux.

Lorsque Marie-Christine Blandin m’a demandé d’intervenir aujourd’hui à sa place – on ne la remplace pas –, je vous avoue que je m’en faisais une joie, compte tenu du sujet abordé et de la qualité de nos débats d’avril dernier.

Entre-temps, nous nous sommes rendues coupables d’avoir participé, avec tout le groupe écologiste, à un séminaire pédagogique à Calais et d’avoir manqué une réunion de la commission que nous n’avions pas anticipée, pensant que la classe reprendrait seulement lundi. À notre retour, nous découvrons qu’il n’y a plus lieu de débattre, qu’il n’y a plus de sujet !

Je vais tout de même essayer, durant les cinq minutes qui me restent, d’être pédagogue, pour nos futurs journalistes qui vont disséquer ces travaux, mais aussi pour nous tous, puisque nous travaillons toujours dans la bonne humeur et la concorde !

Nous voici donc réunis pour démontrer que, aujourd’hui en tout cas – et c’est rare –, nos paroles n’auront aucune suite, que notre présence et notre travail de ce jour n’apporteront aucune amélioration, ni pour la qualité de l’information ni pour l’activité professionnelle des journalistes. Nous pouvions peut-être rêver collectivement meilleure mise en scène pour la revalorisation de l’image du Sénat, auquel nous tenons beaucoup, et du travail parlementaire !

Certes, il y a eu, cela a été éloquemment rappelé, des divergences entre les deux chambres et un échec en commission mixte paritaire. Mais quel dommage de présenter une telle motion, qui neutralise notre travail alors même qu’il est question d’information et de débat démocratique !

L’image du Sénat, qui est aussi la nôtre et dont nous sommes tous, sur toutes les travées, collectivement responsables, ne sortira pas non plus améliorée de la lecture détaillée des différents motifs de la motion. Un point, en particulier, nous a intrigués ; nous y reviendrons plus tard.

Ce texte aurait pu être important, notamment pour éviter le mélange des genres dans le monde de la presse.

Vous le savez tous, en France, il existe des relations que l’on pourrait qualifier d’« incestuelles » entre bien des éditeurs de presse et la commande publique, sans parler de la précarisation croissante de la profession de journaliste, les conséquences des deux phénomènes s’entrecroisant.

Le texte de l’Assemblée nationale n’était pas parfait, mais il n’était pas dépourvu de certaines qualités. Il prévoyait ainsi le renforcement de la protection du secret des sources, auquel Mme la ministre a fait référence, une protection – encore insuffisante à nos yeux – des lanceurs d’alerte et un système de suspension des aides à la presse en cas de violation du principe de transparence.

Ces mesures nous semblaient de bon sens. Nous nous émouvons ici souvent des pratiques « poutiniennes » dans d’autres pays… Cela vaudrait-il ailleurs, mais pas chez nous ?

Pour autant, le texte ne permet pas de trouver une solution sur la question des « chartes maison » et, au sein du groupe écologiste, nous nous demandons, peut-être à tort, pourquoi nous ne revenons pas à la charte de Munich, qui, au moins, est partagée par un certain nombre de pays européens.

Sauf erreur de ma part, aujourd’hui, sept milliardaires sont en lien, en France, avec 95 % de la production journalistique. La frontière entre information et intérêt des actionnaires pose chaque jour de nouvelles questions. En démocratie, l’indépendance des rédactions doit être sanctuarisée, ainsi que l’indépendance des journalistes.

Le 6 avril 2016, nous avions rappelé, de manière tout à fait paisible, que, malheureusement, la confiance de nos concitoyens faiblit à l’égard des médias. Nous savons tous aussi que, malheureusement, elle faiblit également vis-à-vis de nous, femmes et hommes politiques.

Peut-être eût-il été possible, même en prévoyant un délai raccourci, d’aller au fond du sujet, plutôt que de se contenter d’un « circulez, il n’y a rien à voir ». Mais, je le précise à l’attention des étudiants en journalisme, nous avons des élections dans six mois et cela peut expliquer qu’un débat serein en avril 2016 ne puisse avoir lieu aujourd’hui de manière tout aussi apaisée.

Dernier point, et je vous sais vigilante sur cette question, madame la ministre, je souhaiterais, en tant que modeste responsable du groupe d’études sur la photographie et les autres arts visuels, attirer votre attention sur le sort des photographes.

Vous le savez, cette profession doit être défendue, car elle connaît des problèmes de statut et de précarité. Or tous les médias, aujourd’hui, vivent au moins autant des textes écrits par les journalistes que des photographies qu’ils publient.

Je vous avoue que la spoliation, toujours en cours, de la juste rémunération des photographes nous semble constituer un sujet en soi. Rien que ce sujet aurait, selon nous, mérité que nous passions un peu plus de temps sur ce texte aujourd’hui. Nous nous faisions une joie de l’examiner avec vous, madame la ministre, dans la bonne humeur, comme toujours au Sénat, et dans le cadre d’un débat serein, constructif et positif. Je regrette que ce ne soit pas possible.

J’ajoute, à l’attention des étudiants en journalisme, que nous reviendrons les voir pour leur expliquer qu’il n’en va pas toujours ainsi au Sénat. Cette situation est même exceptionnelle, car nous sommes plutôt habitués à des débats de fond constructifs. Aujourd’hui était un jour particulier !

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