La brièveté – à peine dix minutes – de la réunion de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 14 juin dernier en a attesté. Le blocage était de toute façon acté, à partir du moment où nos collègues députés se focalisaient sur l’article 1er ter et ne souhaitaient pas du tout discuter des autres articles, ce que j’avais pourtant explicitement demandé à mon homologue rapporteur de l’Assemblée nationale.
Ce compromis n’est pas davantage possible aujourd’hui, dans la mesure où les apports du Sénat, y compris ceux qui nous tenaient particulièrement à cœur, ont été balayés. Je pense à une amélioration, que nous avions proposée sur l’initiative de David Assouline, de la dénomination même du « comité de déontologie ». Celui-ci est redevenu « comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes ». Les mots ont un sens ! Or, en l’occurrence, la signification n’est pas la même.
Je ne veux faire aucun procès d’intention et je respecte la volonté de l’auteur-rapporteur de l’Assemblée nationale concernant ce texte, mais il faut que les choses soient dites. On ne peut pas nous faire grief de ne pas vouloir contribuer à un travail constructif.
Enfin, de nombreuses dispositions, rétablies à l’identique par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, sont le signe d’une défiance que nous ne partageons pas à l’égard des directions des entreprises de médias sur les questions de déontologie. Elles instaurent un mécanisme de contrôle abusivement élargi d’un régulateur dont le rôle et l’étendue des pouvoirs ne font plus consensus. Je rappelle que le texte, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, ouvre la voie à la mise en place d’un mécanisme de contrôle ex ante de l’information et des rédactions par le CSA, qui constitue une atteinte à la liberté de communication. D’ailleurs, le CSA, que nous avons auditionné à de nombreuses reprises, a lui-même évoqué la difficulté de la mise en œuvre de toutes ces mesures, qui exige du temps et des personnels. Il a également souligné la difficulté d’appliquer cette loi en moins de six mois.
Par ailleurs, la remise en cause de l’équilibre de la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes apparaît excessive et manifestement contraire aux exigences constitutionnelles de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, de protection de la sécurité des personnes ainsi qu’au droit au respect de la vie privée, comme nous l’a exposé notre collègue rapporteur pour avis Hugues Portelli.
Mes chers collègues, pour l’ensemble des raisons évoquées, je vous invite à adopter à votre tour cette motion, renvoyant ainsi l’Assemblée nationale à ses responsabilités quant aux dispositifs qu’elle a souhaité unilatéralement mettre en place.
Je le répète, on ne peut nous faire grief de ne pas vouloir poursuivre le travail de façon constructive. Il faut regarder les choses en face : en tout état de cause, l’Assemblée nationale aura le dernier mot sur le texte, que nous le retravaillions ou non ici au cours des prochaines heures. Dans la mesure où, en commission mixte paritaire, il n’a pas été possible d’engager la moindre discussion sur les articles autres que l’article 1er ter, le travail de réécriture que nous pourrions engager n’aboutira pas.
Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Que chacun assume pleinement et en conscience son point de vue sur ce sujet qui, je le répète, reste une préoccupation partagée !