Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 19 mars 2005 à 15h00
Avenir de l'école — Articles additionnels après l'article 25

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Mais j'en viens à mon amendement.

En France, l'enseignement professionnel public a été créé au lendemain de la Libération. L'appareil productif du pays était détruit, une partie de ses installations productives également, et ce qui en restait devait être renouvelé. L'Etat a donc fait acte d'autorité afin de créer rapidement un appareil de formation capable de mettre à la disposition du pays les milliers d'ouvriers hautement qualifiés dont il avait besoin. Cette action a ainsi contribué au redressement du pays.

Il a alors été décidé d'accélérer le recrutement de professeurs d'enseignement général. Parallèlement, pour permettre le transfert du savoir-faire, on a recruté directement plusieurs milliers d'ouvriers hautement qualifiés, contremaîtres ou techniciens de haut niveau, qui sont devenus professeurs d'enseignement technique, appelés à l'époque « professeurs d'atelier ».

Progressivement, l'amélioration de la formation des professeurs dits d'atelier a fait l'objet d'un cursus particulier. Au demeurant, comme on attendait davantage de l'école, on a voulu que le métier d'enseignant soit appris par ces professeurs. Qu'il s'agisse des matières techniques ou des matières générales, il ne suffit pas d'être excellent dans sa discipline, il faut aussi apprendre le métier d'enseigner.

Puis, petit à petit, le recrutement de professionnels s'est tari et on s'est aperçu que le dispositif en vigueur n'était pas suffisant.

Pour ma part, je me suis penché sur cette question lorsque l'Etat a dû commencer à fermer les entreprises de production dans l'armement.

Dans ce secteur, nous avions les meilleurs travailleurs qualifiés, l'élite mondiale. Puis, après les plans de départs massifs en préretraite, il restait de nombreuses personnes dont on ne savait que faire, qui étaient victimes de ce grand gâchis humain que fut la liquidation de ce secteur.

J'avais alors proposé - ce qui a été fait - que près de 500 d'entre eux soient intégrés dans l'enseignement professionnel, à la condition qu'ils acceptent de suivre une formation pour devenir à leur tour enseignants.

Puis on a mis en place des cadres de recrutement d'enseignants venus de la production, et c'est ce dispositif que je soutiens avec cet amendement, monsieur le ministre.

Je considère qu'il est indispensable que des travailleurs, venus du monde de la production, qui ont un savoir-faire technique, la pratique du travail en équipe, le goût du travail bien fait puissent intégrer l'éducation nationale. Mais on ne peut pas dire à quelqu'un qui est âgé de quarante ans ou quarante-cinq ans : « Tentez votre chance, inscrivez-vous dans une classe préparatoire grâce aux revenus de votre rente ou à la fortune de votre famille, passez le concours, et on verra si vous êtes reçu... »

Cet amendement vise donc à assurer les conditions sociales et intellectuelles de la période de transition préalable au recrutement dans l'éducation nationale d'un technicien supérieur, d'un ouvrier hautement qualifié.

Monsieur le ministre, l'actualité nous fournit tous les jours l'occasion de vérifier combien cette idée pourrait être intéressante. Ainsi, l'Imprimerie nationale - j'ai d'ailleurs saisi M. le Président de la République de ce dossier et j'attends sa réponse avec impatience - a été ruinée par deux ou trois technocrates sans cervelle, après presque cinq cents ans d'existence. Or le dernier carré des travailleurs qui y subsistent constituent l'élite de ce qui existe dans la typographie.

L'Imprimerie nationale, je le rappelle, possède entre autres des collections uniques au monde, des alphabets mobiles, mayas, grecs anciens et égyptiens. Pourquoi ne pas offrir à certains de ses travailleurs la possibilité d'intégrer les établissements d'enseignement professionnel des techniques et des arts de l'imprimerie ? J'en ai visité deux à Strasbourg ! Ne serait-il pas préférable de leur dire : « Messieurs, nous avons besoin de vous, si vous acceptez de venir travailler avec nous, soyez les bienvenus » plutôt que de leur dire : « Messieurs, on vous a assez vus, au revoir, disparaissez, allez où vous voulez » !

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