Intervention de Annie David

Réunion du 19 mars 2005 à 15h00
Avenir de l'école — Article 60

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés de voir notre groupe demander la suppression de l'article 60. Reconnaissez notre constance et notre opiniâtreté à refuser, sans une réelle consultation de tous les intéressés, comme Mme Luc vient de le rappeler, tout changement de statut de nos IUFM.

Monsieur le ministre, votre refus d'accepter toute modification de votre texte nous oblige à mener ce combat parlementaire avec acharnement, en rejetant toutes les dispositions que vous nous proposez.

Nous ne sommes pourtant pas pour le statu quo, vous le savez très bien. D'ailleurs, personne ne l'est, puisque les directeurs des IUFM ont même élaboré un projet visant à la rénovation de la formation des maîtres.

Quant aux présidents d'université, surpris de votre proposition, mais non pas hostiles a priori, ils auraient pour le moins souhaité être consultés sur les modalités de cette intégration.

Pour notre part, nous l'avons déjà dit, nous proposons la transformation de ces instituts.

Premièrement, votre réforme mal ficelée - c'est le moins que l'on puisse dire ! - est dangereuse pour l'économie pédagogique de nos IUFM, qui ne sont pas certains de pouvoir poursuivre leur mission, et ne peut donc pas être acceptée en l'état.

Vous le savez, monsieur le ministre, les IUFM n'ont jamais été opposés à un plus grand rapprochement avec les universités, mais, compte tenu du partenariat existant déjà avec plusieurs universités, le choix de transformer les IUFM, comme vous le proposez, en écoles intégrées à des universités, en modifiant l'article L. 721-3 du code de l'éducation nationale, paraît mal adapté et posera d'énormes problèmes.

En effet, de telles écoles ne pourront être intégrées qu'à une seule université, ce qui perturbera obligatoirement les relations entre les IUFM et les autres universités et entraînera la signature, par les présidents d'université, de conventions multiples entre l'université d'intégration et toutes les autres universités de l'académie.

Le partenariat direct avec l'IUFM, très souple, sera remplacé par un partenariat interuniversitaire sûrement plus complexe.

Deuxièmement, l'élaboration de la carte contractuelle des préparations aux concours prendra en compte les formations qui n'entreront pas dans le champ des spécialités de l'université d'intégration. Dès lors, faut-il aller vers des coagréments multiples ? Les choses ne seront pas simples !

On peut d'ailleurs craindre que, à terme, les différentes préparations ne soient éparpillées sur différents sites. Ni l'IUFM ni aucune autre structure n'en serait plus le pilote et chacun s'approprierait à sa façon le cahier des charges national, qui est peu compatible avec la culture d'autonomie des universités.

Aboutirons-nous, dans quelques années, à la création d'un IUFM dans chaque université concernée par les préparations aux concours ? Que deviendraient alors la cohérence académique et la formation générale commune ? Sans compter qu'une telle décision aboutira peut-être à un gaspillage des moyens !

Paradoxalement, ce qui aurait pu être facile avec les IUFM, qui sont actuellement sous la tutelle de l'Etat, risque de devenir presque impossible, au fil du temps, dans la nouvelle configuration et dans le contexte d'une autonomie grandissante des universités.

Troisièmement, comment le choix de l'intégration dans une université plutôt que dans une autre va-t-il s'opérer ? Certaines universités risquent de ne pas vouloir se « compliquer la vie » avec un établissement dont les spécificités sont complexes. Par ailleurs, il peut s'avérer que plusieurs universités de la même académie veuillent l'intégration, afin d'avoir la maîtrise totale des formations, sans en partager la responsabilité. Les sources de problèmes et de tensions ne manquent donc pas !

Quatrièmement - c'est également une cause d'inquiétude - comment seront gérées les carrières des enseignants-chercheurs des IUFM lorsqu'ils appartiendront à des disciplines différentes de celles qui sont enseignées dans l'université ? Quelles seront les compositions des commissions de spécialistes ? Les IUFM auront-ils encore la garantie de disposer d'enseignants-chercheurs répondant à leurs besoins particuliers ? Comment les carrières des professeurs des écoles en poste seront-elles prises en compte dans les IUFM, cette catégorie n'existant pas dans les universités ?

Cinquièmement, comment fonctionneront les équipes pédagogiques, avec la disparition programmée des personnels du premier et du second degrés à temps plein ? La connaissance du terrain ne peut-elle pas plutôt passer par d'autres modalités ? Par exemple, des périodes contractuelles à temps plein ne pourraient-elles pas être entrecoupées d'un retour partiel sur le terrain ?

Sixièmement, je n'ose pas parler de certains personnels des IUFM qui devront disparaître, comme les agents comptables ou les secrétaires généraux, dont nous avons parlé hier.

De la même manière, comment sera-t-il possible de garder des équipes de direction cohérentes permettant de préserver la coordination interfilières, les relations avec le rectorat, les inspections académiques ainsi qu'avec toutes les écoles et les établissements scolaires de l'académie ?

Le ministère n'a sans doute apprécié que partiellement l'étendue et la complexité des relations que doivent nourrir les IUFM pour fonctionner correctement. Le simple fait que les étudiants de deuxième année soient des fonctionnaires stagiaires implique une gestion spécifique que les universités ne connaissent pas, et n'ont d'ailleurs jamais connue.

C'est sans doute aussi en raison de ces nécessaires et nombreux partenariats que la formation professionnelle des maîtres a mis du temps à s'installer. C'est pourquoi tout retour en arrière pourrait avoir des conséquences graves sur la qualité de la formation des maîtres.

Septièmement, comment garantir une autonomie financière respectant les missions spécifiques des IUFM définies par l'Etat dans le cadre d'une globalisation des moyens affectés à l'université, conformément à la loi organique relative aux lois de finances ?

Enfin, huitièmement, je souhaite aborder le problème du patrimoine des IUFM.

Lors de la création de ces instituts, la plupart ont conservé le patrimoine des anciennes écoles normales, dont les conseils généraux étaient propriétaires. Deux situations perdurent : soit les conseils généraux sont restés propriétaires des locaux et, dans ce cas, ils continuent à assurer les travaux d'entretien ou de restructuration ; soit les locaux ont été dévolus à l'Etat.

Depuis 1991, des travaux importants ont été consentis par les collectivités, y compris dans les locaux dévolus à l'Etat. Certaines d'entre elles ont également participé à la construction de bâtiments neufs, afin de maintenir des sites IUFM dans chaque département de l'académie.

Les IUFM participent ainsi largement, avec leurs 130 sites de formation, à l'aménagement du territoire et à la préservation du service public, y compris dans les départements à faible population. Comment préserver une telle organisation dans le cadre d'une intégration à l'université, où la logique de regroupement sur des sites universitaires est plutôt la règle ? Comment vont réagir les présidents des conseils généraux dans les départements où l'IUFM était la seule implantation d'enseignement supérieur ?

Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, malgré le débat qui a eu lieu ces derniers jours, nous avons encore beaucoup d'interrogations à propos de cette réforme.

Tel est le sens de cet amendement de suppression de l'article 60.

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