Intervention de Benoît Ravel

Délégation sénatoriale aux entreprises — Réunion du 27 septembre 2016 à 16h00
Compte rendu de l'étude descriptive du contexte économique de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre réalisée par les sociétés atexo et datastorm

Benoît Ravel, président-directeur général de Datastorm :

Merci madame la présidente. Je vais vous présenter une synthèse des études statistiques réalisées. Sur le plan méthodologique, plusieurs sources statistiques ont été utilisées, dont la plupart sont issues de l'INSEE. L'ensemble des études a par ailleurs été réalisé sous la conduite scientifique d'un économiste, Stéphane Auray, professeur des universités à l'École nationale de la statistique et de l'analyse de l'information (ENSAI).

La première difficulté rencontrée dans la réalisation de cette étude, qui visait avant tout à décrire les entreprises concernées par la proposition de loi vigilance, était l'identification précise de son périmètre. Le texte comporte en effet quelques éléments de flou sur certaines définitions : ainsi il vise les entreprises qui emploient directement ou indirectement plus de 5 000 salariés, sans précision sur la localisation des emplois. Or nous devons savoir s'il faut considérer l'ensemble des filiales ou les participations dans les entreprises étrangères. Par ailleurs, le critère visant les seules sociétés par actions est assez peu discriminant puisque la plupart des grands groupes appartiennent à cette catégorie.

Nous avons donc arrêté le périmètre étudié à celui des grandes entreprises tel que défini dans le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 : les entreprises qui emploient plus de 5 000 personnes ou qui réalisent un chiffre d'affaires annuel supérieur à 1,5 milliard d'euros, et un total de bilan supérieur à 2 milliards d'euros. En pratique cela est un peu différent puisque la proposition de loi n'inclut pas les entreprises de moins de 5 000 salariés réalisant plus de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Nous avons restreint l'étude à ce périmètre puisque c'était le seul pour lequel nous disposions de sources statistiques. L'analyse a été menée sur la base des chiffres de l'année 2011, derniers chiffres consolidés disponibles sur l'ensemble du périmètre.

Ces précautions d'interprétation faites, nous pouvons indiquer que la proposition de loi concerne donc 243 grandes entreprises au sens de la définition que je viens de donner. Cela représente 1 % des entreprises françaises, près de 30 % de l'effectif salarié de notre pays, à peu près un tiers de sa valeur ajoutée hors taxes, et un peu plus de 50 % du chiffre d'affaires à l'exportation, hors activités financières. Près des deux tiers de ces 243 entreprises sont sous contrôle d'un groupe français, et près d'un tiers est sous contrôle d'un groupe étranger.

La plupart de ces entreprises ont des implantations internationales : 97 % d'entre elles sont implantées à l'étranger. Cependant, si l'on tient compte des implantations dans les zones à risques (selon les risques identifiés par la proposition de loi), seulement 36 % de ces entreprises sont implantées en Asie et Océanie, 21 % en Amérique du Sud, et 17 % en Afrique. Évidemment, ces chiffres ne se cumulent pas, et les entreprises sont la plupart du temps représentées sur plusieurs continents.

La plupart de ces entreprises sont dans les secteurs de l'industrie, du commerce et du transport. Elles emploient toutefois beaucoup dans d'autres secteurs, même si elles ne sont pas majoritaires. Seulement 30 entreprises relèvent du secteur financier, mais ces dernières sont de très gros groupes qui, en effectifs salariés sur le territoire français, représentent près de 600 000 postes. Il y a donc une surreprésentation de tous ces secteurs, ainsi que de ceux de l'information et de la communication. L'industrie demeure cependant la principale concernée.

En termes de répartition géographique, au-delà de la région parisienne qui accueille la plupart des sièges de ces entreprises, on trouve quelques départements qui se détachent du lot. La concentration des salariés dans ces différents départements comme le Doubs, le Puy-de-Dôme, ou la Haute-Garonne s'explique toutefois le plus souvent par la présence d'une seule grosse entreprise telle Michelin, Airbus ou Peugeot qui emploient une part importante de l'effectif salarié du département.

Au-delà des implantations en filiales, nous avons analysé la part sous-traitée grâce aux enquêtes sur la sous-traitance et les chaînes d'activité économique, publiées par l'INSEE. La répartition en filiale et en sous-traitance est assez similaire sur les différents continents. On retrouve en effet les mêmes expositions pour la sous-traitance et pour la filialisation.

Quant à la délocalisation des activités par ces entreprises, elle concerne pour la plupart d'entre elles, d'après les enquêtes réalisées au niveau européen sur l'ensemble des groupes européens, des activités de coeur de métier et non pas des fonctions de support ou des activités de recherche et développement.

En termes de données, nous avons travaillé avec différentes sources : le répertoire SIRENE1(*), qui répertorie les entreprises, la base LIFI / ESANE2(*), qui regroupe les données sur les liaisons financières entre les entreprises, l'enquête CAM3(*), qui porte sur l'ensemble des recours à des filiales et des sous-traitants étrangers, et l'enquête européenne OFATS4(*), qui s'intéresse aux échanges et activités à l'étranger des groupes et leurs échanges internationaux, dont nous avons extrait la partie concernant le périmètre France.

Il était impossible de réaliser une étude d'impact précise de la proposition de loi en raison de la difficulté d'évaluation des effets de la complexité juridique sur l'emploi ou sur l'activité économique, mais nous pouvons cependant retenir que cette proposition de loi concerne une forte part de l'emploi salarié en France (près de 30 %), et qu'elle concerne par ailleurs des entreprises qui représentent plus de 50 % du chiffre d'affaires à l'exportation.

La proposition de loi concerne donc un périmètre assez large d'entreprises, principalement dans le secteur industriel, et des emplois plutôt basés dans les grands centres d'emploi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion