Il est absolument certain que la totalité de la population française ne sera pas couverte par la fibre d'ici 2025 à 2030. Nous ne contestons pas la décision de la puissance publique de tirer de la fibre dans des endroits rentables. Nous-mêmes, en tant que société qui conçoit et investit dans des infrastructures, avons besoin de visibilité - et ce, d'autant plus que nous ne demandons pas de subvention. Nous déployons des infrastructures pour répondre aux besoins de la population en zones blanches si nous pensons le marché rentable en quinze ans, soit la durée de vie d'un satellite. Un modèle complexe, comme ceux qui produisent de l'internet, n'apporte un cash flow positif qu'au bout de neuf ans. L'activité doit être rentable entre l'année 10 et l'année 15.
Malheureusement, le Plan France très haut débit ne nous donne aucune visibilité. L'État italien, par exemple, a mis en place une organisation en clusters : certains segments du pays sont réservés à la fibre, d'autres aux ondes radio, LTE et LTE-TD, d'autres encore au satellite. Je ne peux pas investir dans une infrastructure de plusieurs centaines de millions d'euros sur une zone où la puissance publique va finalement tirer de la fibre. Nous sommes désireux d'investir mais avons besoin de lisibilité et de rentabilité : il faut nous dire quelles parties du territoire sont exploitables. En refusant, pour des raisons politiques, de reconnaître que le satellite sera essentiel à une partie de la population, on la laisse sans rien. Tout cela manque de pragmatisme.
Il existe des réserves de fréquences disponibles pour produire de l'internet au-dessus de la France. La bande KA est très peu utilisée par d'autres applications et la technologie de réutilisation de fréquences démultiplie sa capacité de production. En outre, nous maîtrisons les positions orbitales concernées.
Dès 2020, nous serons capables de servir instantanément un million de foyers pour leur fournir 30 mégabits par seconde (en moyenne) à un prix équivalent à la fibre. Ce n'est pas possible avec notre satellite actuel, de première génération, qui coûte cher à fabriquer. Il fournit 12 mégabits par seconde pour 50 euros par mois par foyer contre 40 euros pour la fibre. Sur ces 50 euros, nous facturons 22 euros par abonné ; les distributeurs qui déploient les terminaux et les antennes dans les foyers prennent environ 50 % de marge ; il faut aussi décompter la TVA. Le service de la nouvelle génération de satellites ressemblera à la fibre. Encore une fois, tout cela n'est possible qu'avec de la visibilité, afin de dimensionner les infrastructures.
Nous dénombrons actuellement 200 000 abonnés en Europe. Le taux de satisfaction est très bon. Aux États-Unis, nous livrons deux millions de foyers. Le satellite apporte des solutions très efficaces aux pays très développés où l'attente de débit par foyer est très importante.
La fibre a été tant vantée qu'un obstacle culturel devra être levé. Nous devons travailler le marketing pour revigorer l'intérêt technologique envers le satellite. Que le pragmatisme l'emporte : c'est une solution simple alors que, même au prix de folies économiques, il restera toujours 2 % de la population qui ne sera jamais couverte par la fibre. Descendre en dessous de 5 % n'est déjà pas raisonnable économiquement...