Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 19 mars 2005 à 15h00
Avenir de l'école — Article 8 et rapport annexé

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Le rapport annexé à l'article 8 n'a aucune valeur normative, il ne vise qu'à nous faire connaître les intentions du Gouvernement, tant en matière d'orientation que de programmation. Sur ce dernier terme, qui a été introduit à l'Assemblée nationale, nous aurions d'ailleurs beaucoup à dire...

Parce que nous connaissons les orientations fiscales du prochain budget, nous avons les plus grands doutes sur le fait que l'on puisse accroître, comme il est écrit dans le rapport annexé, les moyens destinés à rendre l'école plus juste.

Vous dirigez le pays depuis trois ans, monsieur le ministre, et nous pouvons donc dresser un inventaire des mesures que vous avez prises ainsi que de vos objectifs.

Permettez-moi, pour illustrer mon propos, de prendre l'exemple ce qui se passe dans mon département : plutôt que de relever le défi d'un enseignement de qualité supposant des moyens renforcés et une évaluation régulière des résultats, la baisse du personnel enseignant et non enseignant reste jusqu'à aujourd'hui l'unique variable d'ajustement retenue par le Gouvernement sous la forme, chacun le sait, de moyennes par classe.

Cela se vérifie dans l'académie de Paris, où il est prévu de fermer quarante-six classes de maternelle et de primaire et de supprimer cent postes de professeurs dans les collèges en raison d'une baisse démographique qui, pour l'instant, n'est pas prouvée.

Il faut également noter que ces fermetures sont ciblées. Le XIIIe arrondissement, dont je suis l'élue, est en effet un arrondissement dans lequel la mixité sociale est grande, et nous avons la volonté de la préserver. Or, sur les quarante-six classes qui seront fermées faute de postes, dix écoles primaires sont concernées. On constate ainsi, à moyenne égale, que l'on ferme des classes dans le XIIIe arrondissement, alors que l'on n'en ferme pas dans le Ve arrondissement, qui est plutôt socialement favorisé.

Comme l'a confirmé un récent rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, qui a fait quelque bruit, l'académie de Paris cultive depuis longtemps une politique élitiste - ce n'est pas moi qui le dit, c'est l'auteur dudit rapport -, qui prévoit une répartition des moyens budgétaires et humains en faveur des établissements des quartiers les plus favorisés.

S'il est vrai que d'importants moyens sont attribués à la capitale, ils sont délibérément affectés aux établissements qui sont déjà depuis longtemps les mieux dotés et qui se trouvent souvent subir une baisse démographique compte tenu d'une sectorisation que chacun approuve, bien évidemment : on ne peut demander la liberté de choix total pour les parents, les dérogations permettant déjà l'exercice d'une certaine liberté, ce qui nuit parfois beaucoup à la mixité sociale.

Ainsi, à Paris, où les inégalités sont très grandes, l'élitisme joue à plein. Et cette situation prend d'autant plus de relief que la Ville de Paris consent des moyens considérables à l'éducation, ce qu'aucun autre département ne peut faire. Par exemple, elle finance des décharges de service pour des directeurs dans l'enseignement primaire, elle paie des professeurs d'éducation physique, de musique, d'informatique, et elle finance la médecine scolaire.

Quant à l'accueil des enfants de moins de trois ans, les chiffres frisent le ridicule : dans la capitale, seuls 4 % d'entre eux sont scolarisés, soit quatre fois moins que la moyenne nationale.

Là aussi, par le jeu de l'évolution démographique, il se trouve que c'est précisément dans les quartiers présentant une mixité sociale, en tout cas dans ceux où l'on trouve le plus d'enfants et où ils sont moins favorisés, que le taux d'accueil en maternelle est le plus faible, alors même que toutes les études montrent qu'un accueil précoce des enfants permet de réduire l'échec scolaire, en particulier pour les enfants des milieux les moins favorisés.

De plus, ce retard en termes d'accueil scolaire en maternelle entraîne une surcharge pour les crèches - encore que la Ville de Paris ait engagé un gros effort à cet égard depuis 2001 - et pour les jardins d'enfants, ce qui contraint les parents à se tourner vers d'autres modes de garde, souvent coûteux et de qualité discutable.

Quant à l'enseignement secondaire, il n'est guère mieux loti : les enseignements obligatoires sont réduits au strict minimum, les itinéraires de découverte disparaissent et les dédoublements de classes pour l'étude des sciences expérimentales subissent de graves restrictions.

Et je pourrais malheureusement poursuivre cette longue énumération si le temps ne m'était compté.

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