Je souhaite tout d'abord excuser l'absence de mon collègue co-rapporteur Georges Patient, qui est aujourd'hui retenu en Guyane à l'occasion d'un déplacement du ministre de l'intérieur.
Le rapport que nous avons établi porte sur le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), qui est un dispositif de soutien de l'État à l'investissement public réalisé dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer, dont l'isolement, l'éloignement et d'autres contraintes géographiques et économiques sont souvent à l'origine d'importants besoins en équipements publics.
Le FEI a été créé par la loi pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009 (Lodeom). Ce rapport est donc établi sept ans après sa création et quatre ans après un premier rapport d'audit conduit par l'inspection générale de l'administration.
Certes, différents instruments ont été créés pour favoriser l'investissement public comme privé en outre-mer, qu'il s'agisse des dispositifs fiscaux en faveur du logement et des investissements productifs ou encore des fonds structurels européens.
Les dépenses d'investissement des collectivités ultramarines sont en outre, en moyenne, plus élevées que celles de leurs homologues métropolitaines.
Pour autant, force est de constater, comme le soulignait l'inspection générale de l'administration dans son rapport de 2012, que « les besoins en équipements structurants se font plus que jamais sentir dans ces territoires ».
La création du FEI en 2009 visait à répondre à cette situation en apportant une aide financière aux personnes publiques qui réalisent, dans les départements et dans les collectivités d'outre-mer ou en Nouvelle Calédonie, des investissements portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces investissements participent de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local.
Au terme de nos travaux, nous avons dressé deux constats sur l'évolution et l'action du FEI depuis sa création en 2009.
Tout d'abord, les crédits consacrés au FEI ont fait l'objet d'importantes fluctuations.
Le FEI a, dans un premier temps, servi de support budgétaire à la mise en oeuvre du plan de relance dans les outre-mer. L'année 2009 a était donc une année singulière et les crédits du fonds ont par la suite connu une baisse significative.
Les années 2011 et 2012 ont constitué une période de transition, le nombre d'opérations engagées ayant été très faible au cours de ces deux années.
Le FEI a connu une renaissance avec l'engagement pris par le président de la République lors de sa campagne de dégager « 500 millions d'euros pour l'investissement outre-mer » et « après l'établissement d'un état des retards, de lancer un programme d'investissements publics pour rattraper le retard des outre-mer en matière d'équipements structurants ». Ce constat me semble d'une actualité brûlante avec l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
La mise en oeuvre de ce programme s'est traduite par une augmentation significative du montant de ses autorisations d'engagement (AE) à compter de 2013, qui sont passées de 10 millions d'euros en 2011 à 50 millions d'euros en 2013, et par une hausse progressive de ses crédits de paiement (CP), qui sont passés de 19 millions d'euros en 2012 à 28 millions d'euros en 2016.
L'augmentation des crédits consacrés au FEI n'a cependant jamais permis d'atteindre le niveau de 500 millions d'euros promis par le président de la République.
S'il nous semble illusoire d'attendre une augmentation significative des crédits consacrés au FEI dans les années à venir, nous appelons, d'une part, à une pérennisation de cet outil, qui a fait la preuve de son utilité - j'y reviendrai dans mon exposé - et, d'autre part, à mettre un terme aux à-coups en stabilisant le montant de ses AE. Une telle mesure permettra certainement d'améliorer la visibilité des collectivités et donc de les inciter à proposer davantage de projets et, nous le pensons, des projets de plus grande ampleur.
Deuxième constat : malgré une dépense qui, comme je viens de l'indiquer, reste modérée, le FEI constitue un dispositif utile, qui a permis de financer de nombreuses opérations d'investissement.
Les clés de ce succès sont à chercher dans les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif de financement, qui sont particulièrement adaptées aux objectifs qui lui sont assignés.
Tout d'abord, il nous est apparu que la procédure de sélection permettait une prise de décision rapide et efficace.
De manière schématique, le processus est initié à partir d'une circulaire adressée chaque année aux représentants de l'État dans les territoires d'outre-mer, qui comporte une liste de domaines pouvant faire l'objet d'un financement du FEI.
À partir de cette liste, les préfets et hauts-commissaires définissent, sur la base d'un diagnostic établi en partenariat avec les élus locaux, deux thématiques prioritaires.
Sur cette base, les représentants de l'État doivent lancer un appel à projets ouvert à l'ensemble des collectivités du territoire dont ils ont la responsabilité. Les services des préfectures et des hauts-commissariats effectuent un premier classement des projets qui leur sont soumis. Ces dossiers sont ensuite transmis au ministère des outre-mer.
Après instruction par la direction générale des outre-mer, le ministre chargé des outre-mer sélectionne les projets qui bénéficieront des aides du fonds. Il s'agit d'une décision que je qualifierai de « discrétionnaire », qui ne donne lieu à aucune motivation.
D'une manière générale, il nous est apparu que si la procédure de sélection avait fait l'objet d'améliorations au cours des quatre dernières années, certains points pourraient être clarifiés pour améliorer la visibilité des collectivités porteuses de projets.
Deuxième caractéristique : le FEI est particulièrement adapté au financement d'opérations de taille moyenne portées par les communes.
Entre 2009 et 2014, le montant moyen des opérations s'est élevé à 2,26 millions d'euros. 10 % seulement des projets affichaient un montant supérieur à 5 millions d'euros.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. D'une part, la procédure que je viens de décrire est relativement simple. Elle ne nécessite pas de mobiliser une ingénierie lourde, contrairement aux aides des fonds structurels européens par exemple. Cela correspond donc bien aux projets portés par les communes. Par ailleurs, les thématiques retenues, bien que structurantes à l'échelle locale, sont peu ou pas couvertes par les fonds structurels européens ou les dispositifs fiscaux d'aide à l'investissement.
S'agissant des thématiques, nous considérons que celles-ci couvrent globalement le champ des besoins en investissements publics des outre-mer. Dix domaines d'intervention prioritaires ont été retenus, parmi lesquels l'assainissement et l'adduction de l'eau, le traitement et la gestion des déchets, la prévention des risques majeurs et les constructions scolaires. Ces thématiques sont relativement stables dans le temps ce qui garantit une certaine cohérence d'ensemble.
Nous avons cependant constaté que, du fait de la grande diversité des thématiques couvertes par l'intervention du FEI et du caractère extrêmement large de certains intitulés, dans les faits, l'ensemble des projets proposés par les collectivités ultramarines pouvaient être potentiellement éligibles aux aides du FEI.
De même, nous nous sommes aperçus que, si la définition au sein de chaque territoire de deux domaines prioritaires avait pour objectif de restreindre le champ d'intervention du FEI en fonction des besoins propres à chacun d'entre eux, l'interprétation de ces deux domaines d'intervention prioritaires pouvait être extensive, suscitant une certaine incompréhension de la part des élus locaux.
Enfin, quatrième caractéristique : le taux de financement du FEI apparaît élevé au regard des autres instruments existants.
La participation du FEI a atteint en moyenne 44 % du coût des investissements réalisées entre 2009 et 2014. Ce taux, très variable selon les projets et les géographies, est très nettement supérieur aux taux constatés s'agissant des contrats de plan État-région par exemple, de l'ordre de 18 % pour le même type d'opérations.
Ce taux de subvention élevé a permis un important effet de levier. En 2015, selon le rapport annuel de performance de la mission « Outre-mer », celui-ci s'est élevé à 3. En d'autres termes, pour un euro dépensé, trois euros ont été finalement investis. Entre 2009 et 2014, 191 millions d'euros d'aides ont été versés au titre du FEI permettant un montant d'investissement de 430 millions d'euros, soit un effet de levier de près de 2,3.
La circulaire du 1er décembre 2015, qui impose aux préfets et hauts commissaires de sélectionner en priorité les projets pour lesquels « le FEI joue un véritable effet déclencheur dans le bouclage du plan de financement tout en écartant les logiques de substitution ou d'additionnalité avec d'autres crédits de l'État », devrait contribuer au maintien, voire au renforcement, de l'effet de levier de ce fonds pour les opérations sélectionnées au titre de la programmation 2016. Nous serons attentifs à ce point lors de l'examen du projet de loi de règlement 2016.
Le bilan que nous établissons de l'action du FEI est donc globalement positif et pour en améliorer l'effectivité, nous avons formulé dix recommandations s'articulant autour de trois axes :
Premier axe : mieux cibler l'action du FEI sur les projets pour lesquels l'effet de levier est le plus important.
La mise en oeuvre de cette recommandation passe par une réduction du nombre de thématiques retenues en début de programmation afin d'éviter un risque de dispersion des aides. Elle passe aussi par une limitation stricte du champ des projets sélectionnés aux deux priorités retenues pour chaque territoire.
Il serait également souhaitable de privilégier les projets pour lesquels l'aide demandée représente au moins 40 % du coût total de l'opération, c'est-à-dire ceux pour lesquels l'aide du fonds est réellement déterminante.
Deuxième axe : clarifier certains aspects de la procédure de sélection afin de la rendre plus transparente et plus prévisible pour les collectivités territoriales.
Nous estimons nécessaire que les services de l'État justifient le montant proposé au ministère des outre-mer lorsque celui-ci diffère du montant demandé par la collectivité. Une obligation similaire pourrait être prévue lorsque le montant notifié par le ministère diffère de celui recommandé par les préfectures et hauts commissariats.
Par ailleurs, certains éléments de calendrier pourraient être précisés. En particulier, il pourrait être envisagé de fixer une date limite à laquelle la liste des opérations sélectionnées par le ministre des outre-mer doit être rendue publique.
Certains élus locaux nous ont en outre indiqué ne pas avoir été informés de l'existence du FEI. C'est pourquoi il nous semble indispensable de rappeler systématiquement dans la circulaire transmise chaque année aux préfets et hauts-commissaires l'obligation de lancer un appel à projets auprès de l'ensemble des collectivités de leur territoire.
Pour plus de transparence, nous estimons souhaitable qu'une liste des critères présidant au choix des projets soit établie. En effet, si ces derniers sont globalement connus - population, démographie, difficultés propres à chaque territoire, répartition équitable des aides du fonds - il serait souhaitable de les expliciter de manière beaucoup plus claire et transparente.
Les décisions de rejet pourraient également faire l'objet d'une motivation lorsqu'il existe une divergence entre le classement proposé par les préfets et hauts commissaires en partenariat avec les collectivités territoriales et celui in fine retenu par le ministère.
Il pourrait en outre être envisagé de préciser dans la circulaire transmise chaque année le montant de l'enveloppe estimative envisagée pour chaque territoire.
Enfin, troisième axe : développer l'évaluation de l'impact socio-économique des projets financés.
Si l'aide du FEI est déterminante dans la réalisation des projets financés, nous avons constaté que les projets, une fois achevés, ne faisaient, en règle générale, l'objet d'aucune évaluation d'impact économique et social.
C'est pourquoi nous proposons que soit définie une liste d'indicateurs au niveau national et pour chaque projet afin de mieux évaluer l'impact socio-économique des opérations subventionnées.
Mes chers collègues, l'ensemble des élus locaux que nous avons rencontrés, dans nos territoires et lors de notre déplacement à La Réunion, ont salué unanimement l'utilité du FEI. Le bilan que nous tirons de cet instrument sept ans après sa création est donc largement positif. Nous avons d'ailleurs pu constater par nous-mêmes, sur le terrain, l'intérêt économique et social des projets financés qu'il s'agisse d'infrastructures numériques, de constructions scolaires, ou de projets destinés à favoriser le développement économique.
Le FEI n'est donc pas un « gadget » entre les mains du ministre chargé des outre-mer, mais un véritable instrument au service du rattrapage économique et social des territoires d'outremer. Il concourt ainsi à atteindre, ou du moins à tendre vers l'égalité réelle à laquelle nos collectivités peuvent légitimement prétendre et dont malheureusement nous restons encore très éloignés.