Intervention de André Gattolin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 octobre 2016 à 9h01
Villa médicis — Contrôle budgétaire - communication

Photo de André GattolinAndré Gattolin, rapporteur :

Je connais la Villa Médicis depuis les années 1980 et je peux vous assurer que les choses ont considérablement évolué depuis cette époque : autrefois, les artistes hébergés n'avaient que peu d'échanges entre eux, certains ne développaient pas leur culture italienne, n'avançaient pas vraiment sur leurs projets et sortaient déprimés, sans manquer d'écrire, à leur retour, des ouvrages négatifs sur leur séjour au sein de l'institution.

Au contraire, la promotion que j'ai eu l'occasion de rencontrer cette année avait instauré un véritable dialogue entre artistes et une certaine dynamique. La plupart d'entre eux semblaient intéressés par la viabilité économique de leurs projets et le développement du marché culturel.

Compte tenu du fait que l'essentiel d'entre eux travaillent sur des projets au long cours, il n'est pas aisé de procéder à une évaluation immédiate de leur passage à la Villa Médicis.

Effectivement, Jean-Claude Requier, il ne semble pas indispensable que le Président de la République soit compétent pour la nomination du directeur de cette institution qui ne représente qu'un budget de 8 millions d'euros, dont 2 millions d'euros de ressources propres.

L'entretien du patrimoine de l'établissement engendre d'importantes dépenses, à hauteur de plus de 600 000 euros par an. À la fois propriété de l'État français et constituant un patrimoine italien - contrairement au Palais Farnèse qui est concédé par l'Italie à l'État français pour un euro symbolique, en échange d'un système similaire pour l'ambassade d'Italie en France -, la Villa Médicis est confrontée, pour toute opération d'investissement, à une importante complexité administrative puisque les travaux doivent à la fois respecter les règles nationales italiennes et françaises. Ceci a toutefois pour avantage qu'il ne peut pas y être fait n'importe quoi !

L'établissement doit, en tout état de cause, faire face à des dépenses d'investissement incompressibles. Il n'est donc pas certain que restreindre les activités de la Villa Médicis, par exemple en la transformant en simple musée, soit réellement source d'économies, compte tenu des charges lourdes induites par le bâtiment, ses dépendances et son domaine. Par exemple, l'établissement doit actuellement faire face à une maladie frappant les chênes verts qui pourrait avoir de lourdes conséquences budgétaires, quel que soit le nombre de pensionnaires accueillis !

En réponse à Roger Karoutchi, effectivement il n'existe pas de réel contrôle de la production des artistes hébergés, même si ceux-ci doivent désormais s'engager sur un projet.

Selon la nature de leurs travaux, certains artistes, susceptibles de devenir célèbres par la suite, peuvent également laisser une ou plusieurs oeuvres. Je ne sais pas si cela a été le cas de Yan Pei-Ming, par exemple, qui, désormais mondialement reconnu, expose actuellement à la Villa Médicis. Or, plus l'artiste est connu, plus le montant des primes d'assurance sur les oeuvres est élevé. Je crois savoir que Yan Pei-Ming s'est arrangé pour prendre en charge certains coûts afférents au transport et à l'assurance des oeuvres. C'est une forme de « retour sur investissement », d'autant plus que cette belle exposition a permis la vente d'un très grand nombre d'entrées. Je préconise en outre que soit systématisée la collecte d'archives à l'issue de leur séjour. En revanche, exiger d'un artiste qu'il cède une oeuvre à l'issue de son séjour me semble excessif et sans doute impossible à mettre en oeuvre dans la pratique : quid d'un écrivain dont le roman sera terminé quelques années plus tard ?

En outre, il n'est pas aisé d'anticiper, à la sortie de la Villa Médicis, le succès à venir d'un artiste, compte tenu de la complexité du marché de l'art, surtout que les disciplines n'ont pas toute la même valeur marchande. Par exemple, bien que l'école de gravure française soit reconnue, il n'existe plus beaucoup de graveurs et le marché est extrêmement réduit. Faut-il pour autant cesser de soutenir cette discipline en raison d'un « retour sur investissement » trop faible ? Je ne le pense pas.

Quant au suivi des pensionnaires, il a été renforcé : les artistes doivent désormais suivre des cours d'italien et ont des rencontres individuelles régulières avec l'équipe de direction de la Villa Médicis.

Michel Canevet, a priori le budget alloué à la Villa Médicis semble suffisant et s'avère plutôt bien géré. L'établissement pourrait, à terme, rencontrer des difficultés pour couvrir les dépenses liées à la sécurité mais il bénéficie pour le moment - et il convient de le saluer - de l'assistance des forces de police et de l'armée italiennes pour assurer sa garde continue, compte tenu de la menace terroriste.

Il est certain que, plus la Villa Médicis développe ses activités auprès du public, plus les dépenses d'entretien et de sécurité augmentent. Le nombre de visites a ainsi atteint 37 000 visiteurs en 2015 contre 20 000 en 2014, correspondant à un quasiment doublement en un an.

Je propose de créer une structure autonome qui se consacrerait au mécénat, pour le développer notamment auprès des entreprises françaises, alors que les mécènes sont actuellement plutôt des entreprises italiennes, mais aussi des particuliers. Il convient donc de faire connaître l'activité de la Villa Médicis, par exemple au travers du festival « Viva Villa ! ».

Certains d'entre vous ont évoqué la qualité des pensionnaires. Je n'ai pas de remarque particulière concernant le choix des artistes, sélectionnés par un jury indépendant. Afin que leur séjour leur soit profitable, ainsi qu'à l'institution, il me paraît surtout indispensable d'assurer la diffusion de leurs oeuvres.

Je suis un peu préoccupé concernant le projet de Clichy-Montfermeil, dont je crains qu'il ne permette pas sous sa forme actuelle de créer des synergies réelles avec la Villa Médicis de Rome. Pour moi ce lieu doit également accueillir les artistes de la Villa Médicis ou leurs oeuvres.

On peut contester, comme l'a fait Claude Raynal, le coût de cette politique de prestige, mais je constate qu'il y a de plus en plus d'initiatives privées ou publiques qui reprennent cette logique et nous constaterons dans le prochain budget que se développent des projets de résidences d'artistes dans des lycées ou des collèges : des artistes, qui souvent ont reçu des aides de l'État d'une façon ou d'une autre, suivront une classe. C'est une idée excellente, qui permet aux artistes de restituer une partie de ce qu'ils ont reçu de la collectivité publique et de s'inscrire dans une démarche de transmission. Il faudrait lier cela à la Villa Médicis : peut-être que ces artistes devraient être prioritaires pour partir à Rome. Je crois qu'un outil de prestige tel que la Villa Médicis peut aider au développement d'une politique publique cohérente. Aujourd'hui, on a l'outil de prestige sans la politique publique derrière : il nous faut les deux.

L'État français est bien propriétaire de la Villa Médicis, mais elle fait partie du patrimoine culturel de Rome : l'État italien a donc, en quelque sorte, un « droit de regard » sur les travaux.

Les ressources propres de la Villa s'élèvent à deux millions d'euros. Je souligne que le développement des locations évènementielles peut conduire à des dégradations. Lors du mariage d'une grande famille princière, des dégradations importantes ont été constatées. Mais on ne peut installer des agents de sécurité partout lors d'un mariage en grande pompe ! Les risques de dégradation ne sont donc pas uniquement liés aux artistes.

L'inscription de la mission « Patrimoine » dans les statuts en 2012 visait en partie à établir un véritable inventaire de la Villa. Des plâtres de très grande valeur ont en effet été volés en 2012 et tous les responsables n'ont pas été retrouvés.

Pour finir, le statut français de fondation ne semble pas adapté à la Villa Médicis. Certes, l'Académie américaine est financée par une fondation, mais leur système est très différent. Je tiens à vous rappeler qu'aux États-Unis, il n'y a pas de ministère de la culture mais, en matière d'action culturelle, autant d'argent public est dépensé par habitant qu'en France !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion