Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 19 mars 2005 à 15h00
Avenir de l'école — Article 8 et rapport annexé

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de l'article 8, qui renvoie au rapport annexé, permet de souligner plus fortement encore l'étrangeté du débat que nous avons eu auparavant.

En effet, chacun s'en souvient ici, si le Sénat a longuement disserté sur le point de savoir s'il fallait ou non instaurer une note de conduite, il s'est en revanche désintéressé des projets pluridisciplinaires à caractère professionnel ou des classes à projet artistique ou culturel.

En outre, certains de nos amendements ont été rejetés au motif que les dispositions présentées ne relevaient pas du domaine législatif, alors que nous venions précisément de faire la démonstration du contraire.

En d'autres occasions encore, on nous a dit que les questions que nous soulevions étaient traitées dans le rapport annexé et qu'il était donc inutile, alors, de les aborder.

Or nous en sommes précisément parvenus à l'examen de ce rapport annexé.

Quelle est sa valeur normative ? Je l'ignore, mais nous devons prendre nos précautions et dire, le cas échéant, ce que nous avons à dire.

Pour ma part, je m'exprimerai sur des questions pour lesquelles j'ai une sensibilité particulière, à savoir celles qui concernent l'enseignement professionnel. Et, comme il se trouve que le rapport annexé comporte, au chapitre concernant le lycée, des développements sur ce dernier, je tiens à faire part de mes interrogations.

Certes, le ministre n'est pas obligé d'être omniscient, mais ceux qui tiennent la plume pour lui devraient au moins faire l'effort de se renseigner avant d'écrire.

Par exemple, on nous dit que les diplômes professionnels, notamment le baccalauréat professionnel, « devraient être » régulièrement réactualisés. Eh bien ! j'ai l'honneur de vous faire savoir, mes chers collègues, que c'est précisément ce qui se pratique déjà, de manière continue, et qu'il n'y a aucune raison pour que cela change !

Par conséquent, pourquoi affirme-t-on que les diplômes professionnels « devraient être » réactualisés ? A mon sens, on sacrifie là à une mode tout à fait insupportable, à l'origine de laquelle se trouvent un certain nombre de gens qui ne connaissent rien au sujet mais qui hurlent avec les loups, prétendant que les diplômes professionnels doivent être actualisés parce qu'ils seraient en déphasage avec la réalité des pratiques professionnelles.

Le seul problème, c'est qu'il n'existe pas, en France, un seul diplôme professionnel - je dis bien pas un seul - dont le contenu ne soit élaboré en concertation avec les branches professionnelles. J'espère que tout le monde ici m'a bien entendu : il n'en existe pas un seul qui soit dans ce cas !

Cela étant précisé, par qui et comment sont élaborés les contenus des diplômes professionnels ? Ils le sont au sein des CPC, les commissions professionnelles consultatives, qui regroupent des représentants des professionnels, des pédagogues et des représentants de l'Etat et qui constituent un système unique en Europe.

On y discute du référentiel, démarche à laquelle nous sommes, nous Français, très attachés et permettant de décrire le contenu des enseignements menant aux diplômes professionnels. C'est alors que s'établira la distinction entre une qualification et une compétence.

Dans le système anglo-saxon, on enseigne aux jeunes deux ou trois gestes professionnels, et quand la machine ou l'outil sont obsolètes, le savoir de l'ouvrier l'est également ; dans le système français, on inculque aux jeunes des bases plus larges, incluant les gestes professionnels, des compétences techniques et des connaissances générales.

Toute cette architecture s'élabore au moyen d'un référentiel. Notre méthode doit finalement être assez bonne, puisque nous avons convaincu nos partenaires européens de la retenir. En effet, les seuls diplômes européens qui existent à l'heure actuelle sont quatre diplômes professionnels ayant été élaborés par des commissions professionnelles consultatives européennes. Je le répète, ce sont les seuls diplômes européens qui existent actuellement !

On ne doit donc rien faire qui puisse donner le sentiment que les diplômes professionnels de notre pays n'auraient qu'une valeur relative. Si les diverses branches du patronat n'en sont pas satisfaites, elles doivent s'en prendre à leurs propres représentants au sein des CPC ! J'ajoute d'ailleurs que, le plus souvent, elles ne se hasardent pas à exprimer un tel mécontentement, car elles savent ce que leur rétorqueraient ceux qui sont informés de ces questions ! Pour ma part, je juge que les CPC font plutôt du bon travail.

Afin que vous soyez complètement renseignés sur ce sujet, mes chers collègues, sachez qu'il existe dix-sept commissions professionnelles consultatives, au sein desquelles siègent non pas une ou deux personnes travaillant à leurs moments perdus, mais huit cents représentants des entreprises, des salariés et de l'Etat révisant continûment les contenus de 744 diplômes de l'enseignement technologique et professionnel, allant du certificat d'aptitude professionnelle au brevet de technicien supérieur.

Ainsi fonctionne notre système. Ceux qui le critiquent - et ils ne sont pas si nombreux - ne doivent pas y être encouragés quand cela revient à approuver qu'ils se vantent de leur propre turpitude !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion