Intervention de Nicolas Revel

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 octobre 2016 à 9h00
Plfss pour 2017 — Audition de M. Nicolas Revel directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés

Nicolas Revel, directeur général de la Cnam :

La convention médicale n'a pas porté que sur les revalorisations tarifaires. Je veux néanmoins revenir sur ces mesures : au bout de cinq ans, lorsqu'une convention est renégociée, il est normal de procéder à des ajustements de tarifs de consultations ou d'actes lors de la renégociation. On pourrait dire qu'une bonne politique consisterait à ne jamais revaloriser les tarifs des professionnels de santé, en raison du coût engendré par cette hausse. Mais aucun secteur économique ne pourrait fonctionner ainsi ! Un certain nombre de professionnels de santé, notamment les médecins en secteur 1, n'ont pas la liberté de fixer leurs tarifs : ils sont dépendants des tarifs fixés dans le cadre conventionnel. Ne pas revaloriser les tarifs se traduirait immanquablement par une course au volume. Il est normal, légitime et sain qu'il y ait de manière régulière - en l'occurrence, tous les cinq ans - un réexamen du niveau des tarifs.

Comme je l'ai indiqué aux syndicats médicaux, nous devions faire des choix.

Nous avons décidé d'orienter les revalorisations vers les spécialités qui en avaient le plus besoin - médecine générale et autres spécialités cliniques dont les niveaux de revenus les situaient en deçà de la moyenne ; chirurgiens et gynécologues-obstétriciens pour les spécialités techniques.

Par ailleurs, 94 % des revalorisations sont allées à des médecins libéraux qui faisaient en quelque sorte de la maîtrise tarifaire : médecins de secteur 1, médecins de secteur 2 qui ont signé ou signeront le contrat d'accès aux soins, rebaptisé « option tarifaire maîtrisée », médecins de secteur 2 lorsqu'ils pratiquent des consultations sans dépassement.

Telles sont les priorités que nous nous sommes fixées. Au-delà de ces éléments de revalorisation, nous avons essayé d'améliorer l'organisation du système et l'attractivité de certains territoires, dans une logique d'accès aux soins.

Les zones sous-denses sont une préoccupation de premier rang. Nul ne détient le levier décisif : on ne peut obliger un médecin à s'installer dans telle ou telle zone. Nous avons recours à des incitations conventionnelles.

Il n'existe pas non plus de dispositif interdisant aux médecins de s'installer dans les zones sur-denses. Ce système existe pour les infirmiers et les sages-femmes, et bientôt pour les masseurs-kinésithérapeutes, puisque la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 nous autorise à en discuter avec eux. C'est également l'un des éléments de la négociation avec les chirurgiens-dentistes. Mais, je le redis, la loi ne le permet pas pour les médecins. À ce stade, il serait au demeurant difficile de trouver des zones sur-denses en médecins généralistes, la situation étant globalement tendue sur l'ensemble du territoire.

Dans la convention de 2011, figurait un dispositif pour les zones sous-denses, l'option « démographie », qui représentait environ 30 millions d'euros par an. Ces sommes n'ont pratiquement été versées qu'à des médecins déjà installés dans ces territoires ; elles n'ont pas permis de favoriser de nouvelles installations. Nous avons donc revisité le dispositif et orienté les financements vers cet objectif.

Une aide à l'installation de 50 000 euros a été instituée pour tout médecin s'installant en zone sous-dense pendant au moins cinq ans.

Pour les médecins déjà installés, des mécanismes plus fins ont été mis en place : un médecin de plus de 60 ans qui envisage de cesser son activité peut recevoir une aide s'il s'engage dans un processus de transition et de transmission de sa patientèle avec un jeune médecin : c'est le contrat de transition.

Nous avons également maintenu une aide, en réduisant son montant à 5 000 euros maximum, pour les médecins déjà installés, avec des suppléments financiers s'ils s'engagent à être maîtres de stage. On peut certes encourager l'installation par des primes exceptionnelles, mais je suis convaincu que c'est en permettant aux jeunes professionnels, étudiants ou remplaçants, de découvrir un territoire que nous leur donnerons l'envie de s'y installer. Habituellement, ce sont les facultés de médecine qui financent la maîtrise de stage ; nous avons, pour la première fois, souhaité introduire un élément de rémunération supplémentaire pour les stages dans les zones sous-denses.

Enfin, nous avons créé un dispositif permettant à des médecins d'exercer à temps partiel dans ces zones avec une bonification de 20 % de leurs honoraires.

Voilà les quatre contrats que nous avons élaborés avec les syndicats. Cette partie de la convention a fait l'objet d'un large consensus. Nous avons donc redéployé les 30 millions d'euros annuels dont nous disposions déjà, auxquels nous avons ajouté 10 à 20 millions d'euros. Les ARS doivent effectuer un travail sur la définition des zones sous-denses, qui couvrent actuellement un peu moins de 10 % de la population. Or, depuis quelques années, les déserts médicaux se sont étendus. Le taux de population « couverte » est donc appelé à augmenter. Cet investissement, d'un coût maîtrisé, me semble heureux.

J'en viens aux dispositifs existant en Allemagne pour réguler l'activité des médecins libéraux. En début d'année, les caisses de sécurité sociale contractualisent globalement, à l'échelon régional, avec les médecins pour définir le volume annuel de consultations. Quand ce volume est dépassé, les prix des consultations sont ajustés à la baisse. Ce système nécessite une maturité dans la relation conventionnelle. Nous n'en sommes pas là, même si, dans les échanges informels que nous avons pu avoir avec les médecins, la logique prix-volume commence à faire son chemin.

Nous avons eu une négociation avec les syndicats sur les consultations longues et complexes. La convention revalorise le tarif de base de la consultation du médecin généraliste de 23 à 25 euros, et celle du médecin spécialiste correspondant de 28 à 30 euros.

Une autre priorité aurait pu être de revaloriser plus fortement les consultations longues et complexes. Cela suppose toutefois d'avoir des instruments de régulation : si on laisse à la libre appréciation du médecin la définition du type de consultation effectuée, l'assurance maladie pourrait se retrouver confrontée à un risque financier non maîtrisable !

Ces pistes doivent être approfondies.

Vous m'avez interrogé sur les 4,1 milliards d'euros d'économies, détaillées dans l'annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale : elles sont ventilées sur une quinzaine de postes. Ce sont les mêmes rubriques d'année en année : optimisation des achats hospitaliers, révision de la liste en sus...

La Puma ne se traduit pas par davantage d'affiliations au régime général. C'est une mesure de simplification pour les assurés, qui n'a pas pour objectif d'augmenter le nombre d'affiliés aux régimes de base. Nous en revenons à la condition historique - la résidence stable et régulière - pour les dépenses de soins. Les règles d'affiliation ne changent pas ; nous simplifions les règles de renouvellement de droits : les affiliations sont dorénavant sans limitation de durée. Auparavant, nous devions vérifier chaque année que tous les affiliés répondaient bien aux conditions d'affiliation liées à leur activité professionnelle. Mise en place, depuis le 1er janvier 2016, cette mesure a d'ailleurs permis de faire baisser de 20 % les appels à nos plates-formes téléphoniques.

En ce qui concerne la régulation de la dépense hospitalière, la loi HPST a confié la gouvernance aux ARS. Ce dispositif est un élément d'efficacité, qui n'est pas sans rapport avec les résultats obtenus en matière d'Ondam. La Cnam a besoin d'une vision globale. Nous avons 2 000 médecins-conseils qui vérifient la pertinence des actes pratiqués dans les hôpitaux. Depuis deux ans, je me suis attaché à développer un mode de travail coopératif avec les ARS, afin que l'assurance maladie puisse être partie prenante aux dialogues de gestion avec les hôpitaux, qui permettent d'avoir une bonne compréhension de la situation. Nous n'en faisions plus partie depuis 2010 ; c'est de nouveau le cas depuis l'année dernière. Nous sommes aussi « cocontractants » avec les ARS pour les contrats passés avec les établissements, notamment pour la promotion de la pertinence des actes.

Sur les génériques, le système allemand est différent du nôtre : le malade paye la différence entre le princeps et le générique. En France, c'est au médecin qu'il appartient de décider de la substitution. L'élément de régulation est l'accès au tiers payant : quand un patient veut le princeps, il doit faire l'avance de fonds. Le taux de médicaments non substituables, en augmentation, s'établit aujourd'hui à 7 %. Les interrogations sur les médicaments génériques que l'on retrouve dans notre pays n'existent pas ailleurs. Selon une enquête datant d'il y a trois ans, la part des génériques dans le volume de médicaments consommés s'élève à 33 % en France, contre 48 % au Royaume-Uni, 51 % en Allemagne et 62 % aux Pays-Bas. Aujourd'hui, le taux dans notre pays doit, selon mes estimations, s'établir à 36 ou 37 %. C'est encourageant, mais ce résultat se situe très en deçà de celui des pays voisins. Cela s'explique par des habitudes de prescription et par une vision du médicament générique qui véhicule encore des a priori. Nous avons lancé une campagne de communication sur les médicaments génériques, que nous avons élaborée avec le Collège de la médecine générale. Un travail de relais doit être fait auprès des médecins et par les médecins. Des marges de progrès sont mobilisables avant de procéder à une révision drastique des modes de remboursement.

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