Intervention de Nicolas Revel

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 octobre 2016 à 9h00
Plfss pour 2017 — Audition de M. Nicolas Revel directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés

Nicolas Revel, directeur général de la Cnam :

Sur le CEPS, il serait plus naturel d'interroger son président ! Une bonne partie des réponses à vos questions se trouvent dans le rapport d'activité du CEPS, qui est une mine d'informations sur les niveaux de baisse des prix, les remises... Chaque année, le montant des mécanismes de baisse de prix ou de remises avoisine 1 milliard d'euros. Cela est conforme au cycle de vie d'un médicament : il est logique que le prix baisse quand son intérêt thérapeutique relatif diminue, en raison de l'arrivée de nouveaux médicaments, qui représentent un coût supplémentaire. Nous devons trouver un équilibre en baissant le prix des médicaments plus anciens. Tous les pays le font. Vous remarquerez d'ailleurs que le budget de l'assurance maladie consacré au médicament est stable et qu'il ne baisse pas.

Il me paraît normal que la représentation nationale se pose la question de la transparence. Nous avons des États éparpillés face à des multinationales. Faute d'avoir pu monter une structure de négociations à l'échelle européenne, chaque État négocie. Pour préserver le niveau facial d'un prix, nous discutons de remises conventionnelles couvertes par le secret des affaires industrielles. La seule voie pour en sortir, c'est de construire des positions de négociations qui ne soient pas limitées à un seul État. Des réflexions sont engagées au niveau du G7, du G8 et avec les partenaires européens. Chaque pays est aujourd'hui convaincu d'avoir obtenu le meilleur prix mais aucun ne sait ce que l'autre a réussi à avoir ! Les laboratoires sont « durs » sur les prix faciaux - c'est la base sur laquelle ils engagent les négociations avec le pays suivant - et ouverts sur le niveau des remises.

Sur le nombre de produits couverts par le régime des ATU, l'information est publique ; nous vous la communiquerons.

J'en viens aux pratiques tarifaires excessives des médecins de secteur 2. Le dispositif conventionnel a été négocié en 2012, dans le cadre de l'avenant n° 8. Les organismes de sécurité sociale ont eu des échanges avec des centaines de médecins qui se situaient au-delà des seuils « autorisés ». Seule une vingtaine de médecins ont été sanctionnés. Par l'effet du contrat d'accès aux soins et de ce dispositif, le taux de dépassement moyen des médecins de secteur 2, qui n'avait cessé d'augmenter depuis vingt ans pour atteindre 54 % en 2012, baisse depuis lors. Le dispositif a été reconduit dans la convention du 25 août dernier.

Sur les appels à coter à 25 euros avant l'heure, ils avaient commencé avant la négociation et ont continué une fois celle-ci achevée. La convention a été transmise pour publication au ministère qui prend deux mois pour le faire. La loi prévoit qu'aucune mesure tarifaire ne peut intervenir avant un délai de six mois, ce qui nous conduit à la date du 1er mai 2017. Très peu de médecins ont suivi ce mot d'ordre syndical qui remonte à un an et demi. Heureusement car si deux euros sont facturés en plus, il y a un risque de reste à charge pour le patient. Entre 200 et 400 médecins selon les mois font des dépassements exceptionnels. Nous avons envoyé des courriers, engagé les procédures prévues. Pour certains d'entre eux, nous avons procédé à une suspension de la prise en charge de leurs cotisations sociales. Cette prise en charge est en effet la contrepartie du respect des tarifs opposables !

Concernant les abus de prescription, notamment en matière d'arrêt de travail, des programmes permettent de cibler les médecins qui ont un taux d'arrêt de travail deux à trois fois supérieur à la moyenne. Les médecins acceptent mal ce critère qui, disent-ils, n'est pas forcément pertinent eu égard aux caractéristiques de leur patientèle.

Nous avons donc modifié ce dispositif de deux manières.

Tout d'abord, depuis un an, nous donnons à chaque médecin la possibilité de se comparer à des confrères exerçant dans des communes dont les caractéristiques socio-économiques sont proches, après neutralisation des ALD dans sa patientèle. Les médecins se montrent parfois très intéressés par les informations que nous leur apportons ainsi.

Nous avons ensuite modifié notre procédure concernant les hyper-prescripteurs. Depuis le début de l'année 2016, avant d'adresser par courrier avec accusé de réception, une mise sous objectif aux 700 médecins que nous ciblons, nous les rencontrons pour les informer de leur situation et leur demander d'être plus attentifs. Dans 90 % des cas, les médecins répondent positivement. Cela s'est traduit par une modération de la prescription, y compris dans les cas où l'hyper-prescription était trois à quatre fois supérieure à la moyenne et où il n'était pas exagéré de parler de dérive. Cette méthode est plus respectueuse et elle n'est pas moins efficace dans la durée. Nous la reconduirons donc dans les années à venir.

Y aura-t-il une révision de la nomenclature des actes de chirurgie ? La Classification commune des actes médicaux (Ccam) de 2005, qui est le fruit d'une dizaine d'années de travail, ne s'est pas suffisamment adaptée depuis dix ans. J'ai dit lors des négociations en vue de la convention que j'étais prêt à reprendre ce travail de hiérarchisation. Mais si l'on adapte la Ccam, il faut accepter que des modifications interviennent dans les deux sens, ce qui est parfois compliqué.

La chirurgie a toutefois été fléchée comme une spécialité sur laquelle il nous semblait urgent d'agir. En effet, les actes de chirurgie ayant été sous-valorisés en 2005, les chirurgiens, comme les gynécologues du reste, n'ont pas baissé leur niveau de dépassements depuis 2012 pour faire face à l'augmentation de leurs charges, notamment d'assurance.

Nous avons donc d'emblée procédé à des revalorisations, non à l'acte, mais en agissant sur deux modificateurs de la nomenclature. Nous avons ainsi élargi le champ des actes éligibles au modificateur J, ouvert à tous les chirurgiens des secteurs 1 et 2, à 150 ou 180 actes supplémentaires et nous avons relevé le modificateur K, le portant de 11,5 % à 20 %. Ce dernier étant réservé aux chirurgiens du secteur 1, ce relèvement est aussi une manière d'encourager les chirurgiens de secteur 2 à adhérer à l'option tarifaire maîtrisée. J'ai notamment bon espoir que le Bloc, qui est un syndicat très représentatif chez les chirurgiens libéraux, y adhère prochainement.

Je crois qu'il ne faut pas opposer la ROSP et le forfait structure. Nous avons retiré de la ROSP les indicateurs sur l'organisation du cabinet afin de conserver une ROSP uniquement clinique et nous avons créé un forfait structure qui encourage la maîtrise de stages, qui permet de financer un secrétariat qualifié pour la gestion des parcours, qui encourage le codage des actes et la collecte de données et qui, par ailleurs, modernise les relations informatiques entre les caisses et les médecins. Ce forfait pourra atteindre entre 4 000 et 5 000 euros par an au bout de trois ans.

Enfin, concernant l'Agence nationale de santé publique (ANSP) et le Fonds d'intervention régional (FIR), c'est une mesure de bon sens qui a été prise. Aujourd'hui le FIR, qui est dans l'Ondam, est financé par l'assurance maladie et par l'État. L'ANSP était financée par l'assurance maladie et par l'État, alors que ses missions de prévention et de veille épidémiologique, qui sont des missions de santé publique, ont vocation à l'être par l'État. Ce décroisement est donc plus simple, même si la Cnam est perdante d'une vingtaine de millions d'euros !

Les besoins sont-ils bien couverts ? Si une réflexion est menée sur le panier de soins, celle-ci ne devrait pas avoir pour objet de le resserrer mais éventuellement de le redistribuer. J'entends la crainte de ceux qui pointent l'augmentation du nombre d'ALD. Le système de soins va-t-il tenir bon ? Je pense que le moment n'est pas venu de baisser les armes. Nous tenons l'Ondam, les soldes s'améliorent, nous ne déremboursons pas et nous sommes capables d'absorber, année après année, le poids croissant des pathologies chroniques. Il y a des gisements d'efficience dans le système, sur la juste prescription, sur la bonne organisation des parcours de soins, sur l'implication des patients dans l'observance de leur traitement. Avant de dérembourser, commençons par mobiliser ces marges d'efficience.

En revanche, il serait certainement utile d'examiner le panier de soins. Je ne critique pas les transporteurs sanitaires et je ne dis pas non plus qu'il faut dérembourser les transports sanitaires mais il n'est pas cohérent que le reste à charge soit de moins de 5 % sur un transport sanitaire et de 23 % sur les soins dentaires.

Concernant précisément les soins dentaires, il n'y a pas eu de désengagement de l'assurance maladie. Celle-ci n'a simplement pas été capable de suivre l'évolution des prix lorsque le système de prix libres a été substitué au système de tarifs opposables pour les soins prothétiques. L'assurance maladie a considéré qu'elle avait moins le devoir de revaloriser de manière régulière les tarifs opposables et le secteur des soins bucco-dentaires a dérivé dans une spirale où, à défaut de tarifs de soins conservateurs suffisamment rémunérateurs, les chirurgiens-dentistes ont désinvesti ces soins et ont construit leur rémunération sur du soin prothétique, ou plutôt sur la pose de couronnes et de bridges. Les chirurgiens-dentistes reconnaissent d'ailleurs que cela pose des problèmes d'ordre déontologique.

Depuis une quinzaine de jours, une négociation est ouverte avec les chirurgiens-dentistes. Celle-ci a notamment pour objet de réfléchir à ce que serait un réinvestissement de l'assurance maladie obligatoire sur les soins conservateurs, avec comme contrepartie un encadrement des niveaux de prix des soins prothétiques, afin d'amener la profession à privilégier le soin conservateur plutôt que les prothèses. L'Ondam pour 2017 comporte un élément de provision financière pour ce poste. Nous verrons si nous le consommons.

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