Intervention de Didier Marie

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 octobre 2016 à 9h35
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Didier MarieDidier Marie :

Je me réjouis que le Gouvernement ait inscrit ce texte à l'ordre du jour en vue de son adoption définitive.

J'observe la nette évolution des propos du rapporteur, qui a l'habileté de nous proposer un texte intégrant la notion de vigilance. En première lecture, il avait tout fait pour que le texte échoue, allant jusqu'à exhumer de la poussière une motion préjudicielle, qui avait été finalement retirée, pour proposer en séance la suppression du texte, article par article. Cette fois, il admet la notion de vigilance et propose des amendements, mais pour transposer la directive de 2014 - ce qui n'est pas l'objet du texte de l'Assemblée nationale. Pour lui, la France n'a pas vocation à jouer un rôle d'avant-garde en Europe pour le respect des droits de l'homme. Quand l'Assemblée nationale propose de passer des intentions aux actes, il se contente de partager les intentions.

Avant de commenter les amendements du rapporteur, rappelons les fondements du texte initial. Ce texte est attendu par les organisations non gouvernementales qui s'intéressent au respect des droits humains. Chaque jour se produisent des drames partout dans le monde ; sans avoir l'ampleur du Rana Plaza, ce sont toujours des catastrophes humaines. Je pense notamment à la production de talc, qui financerait des organisations terroristes ou l'État islamique. Ce texte est également attendu par les syndicats, sans compter qu'il a suscité l'intérêt de nombre de grandes entreprises.

L'Assemblée nationale l'a largement voté : une seule voix contre. De nombreux élus de tous bords considèrent que notre pays, grâce à lui, éclairera le chemin vers une plus grande responsabilité des entreprises à l'échelle européenne. À terme, nous pouvons espérer déboucher sur une autre directive. Pourquoi ne pas anticiper ce futur cadre européen sur la vigilance ?

Ce texte se fonde sur une conception de la mondialisation qui tient compte des droits de l'homme et des principes directeurs des Nations unies, dits de John Ruggie.

Votre amendement COM-1 élargit certes le champ d'application du texte en abaissant le seuil à 500 salariés, en référence à la directive. Néanmoins, avec l'amendement COM-2, vous réduisez l'obligation de vigilance à la simple publication d'un plan, et non à sa mise en oeuvre, ce qui vide le texte de sa portée. En outre, le seuil initial de la proposition de loi permettait de distinguer entre les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, d'où l'accord obtenu entre le rapporteur de l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

Votre amendement COM-3 supprime l'amende civile sous un double prétexte. D'une part, vous avancez qu'elle est disproportionnée, ce qui la rendrait inconstitutionnelle. Cependant, le montant de 10 millions d'euros ne constitue qu'un plafond et c'est au juge que revient la responsabilité de fixer son montant définitif. D'autre part, vous arguez de la légalité des délits et des peines, mais le texte définit clairement la notion de devoir de vigilance.

Enfin, vous évoquez un argument de fond reposant sur le handicap de compétitivité qu'une telle mesure représenterait pour les entreprises françaises. Renversons le raisonnement. Nous vivons dans un monde où l'on considère comme inacceptable de ne respecter ni les droits de l'homme ni l'environnement et de pratiquer la corruption. Il faut donc combattre ces fléaux et, pour cela, il faut montrer l'exemple. De nombreuses entreprises sont déjà engagées dans cette démarche, sur une base volontaire, qu'elle considère être un atout à faire valoir devant l'opinion publique et les consommateurs.

Enfin, le texte instituerait un dangereux régime de responsabilité pour la faute d'autrui ? Ce n'est pas le cas, le devoir de vigilance est une obligation de moyens.

Le groupe socialiste et républicain votera contre l'ensemble de ces amendements et pour le rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

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