Intervention de Alain Lambert

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 6 octobre 2016 : 1ère réunion
Intervention de m. alain lambert président du conseil national d'évaluation des normes cnen et président du conseil départemental de l'orne

Photo de Alain LambertAlain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et président du conseil départemental de l'Orne :

Merci pour votre invitation. Je regrette de ne pouvoir être physiquement parmi vous, ma santé m'interdisant d'entreprendre des déplacements importants.

La simplification des normes est indispensable, tant la prolifération de celles-ci occupe notre temps de cerveau disponible. La mission de réduire leur enchevêtrement kafkaïen rappelle le mythe de Sisyphe. Voilà sept ans déjà que je préside le CNEN, et j'ai examiné dans cette fonction plus de 2 000 textes réglementaires.

Je m'en tiendrai à quelques recommandations précises. D'abord, tous les acteurs du droit doivent se mobiliser. En effet, les normes couvrent tant le champ réglementaire que le domaine législatif. À cet égard, la charte de partenariat que nous avons conclue est un succès.

Tout a été écrit sur la simplification. Le bon diagnostic a été porté, et le bon traitement a été défini. Mais patients et médecins, au lieu de l'appliquer, en cherchent toujours un qui soit toujours plus sophistiqué. Du coup, nous roulons à tombeau ouvert vers le chaos juridique. Appliquons le traitement qui existe, sans chercher à en rajouter. Le seul reproche que je lui ferais est qu'il commence par des solutions trop générales, qui ajoutent encore des règles aux règles. Mieux vaudrait un changement dans la pratique. Quoi qu'il en soit, cessons de nous renvoyer la responsabilité, car tous les acteurs en ont leur part : gouvernements, parlement, administration, et même la population, qui demande sans cesse davantage de droit tout en se plaignant de sa complexification. Une action collective et solidaire est nécessaire.

Il faut cesser de courir après l'idéal qui serait de couvrir par le droit l'infinie diversité des actions humaines. C'est impossible ! Même les contrats bilatéraux n'y parviennent pas. La loi ne doit fixer que des lignes directrices, de portée générale, en exprimant le maximum avec le minimum de mots, comme disait Portalis. Les domaines respectifs du règlement et de la loi doivent être respectés tels qu'ils sont définis aux articles 34 et 37 de la Constitution. Le législateur n'a rien à gagner à empiéter sur le domaine du règlement, sauf à perdre de sa majesté et de son autorité. Pour autant, ancien parlementaire, je sais combien la tentation est grande.

Utilisons le droit d'amendement avec plus de stratégie. Ayant été sénateur pendant vingt ans, on ne saurait me soupçonner de vouloir porter atteinte au droit d'amendement. Mais l'amendement doit écrire la loi, pas le règlement. Sinon, le Gouvernement ne manque pas de le déformer. Les administrations centrales spéculent constamment sur vos amendements pour en extraire ce qu'elles souhaitent. L'amendement parlementaire parfait est celui dont l'exposé des motifs décrit exactement l'objectif, et dont le dispositif fixe une ligne directrice générale.

Il faut adhérer sans crainte à l'esprit de l'article 41. C'est l'orientation qu'a prise le président du Sénat, et j'y applaudis. Il ne s'agit pas d'une atteinte à votre droit d'amendement, mais d'un appel à son utilisation efficace. Rapporteur général du budget, j'ai déposé de nombreux amendements destinés à être retirés. Pourquoi ? Pour empêcher le Gouvernement de manipuler au niveau règlementaire ce qui avait été l'intention du législateur.

Ne croyez pas au bénéfice d'un raffinement supplémentaire des études d'impact. Les exigences françaises en matière d'étude d'impact ex ante sont largement suffisantes. Ce qui surprend à l'étranger, c'est que nous brillons moins dans les études ex post, alors que ce serait la seule manière d'améliorer la méthodologie des études ex ante.

En faisant évoluer nos pratiques, à droit constant, nous disposons donc de leviers considérables. Chaque institution doit se replacer au coeur de son domaine propre. J'ai été heureux et fier d'être parlementaire - davantage que d'être ministre - et j'aime le Parlement. En ces temps difficiles, il doit incarner la sagesse. Le peuple français est déboussolé par la marche folle du monde. Les élus locaux sont pour lui le dernier rempart. Je vois bien, au CNEN, que l'État, lorsqu'il contrôle, empêche ou ralentit, invoque la volonté du législateur.

Le principe de libre administration, enfin, ne peut retrouver de sa vitalité que si nous séparons bien la loi du règlement.

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