Depuis quelques années, en France, un processus de rapprochement et de mise en commun des approches et des moyens d'action est en marche entre les professionnels de l'alcoologie, de la tabacologie et de l'intervention en toxicomanie.
Cette convergence s'est fondée sur une conception commune qui met la priorité sur les personnes et leurs comportements plutôt que sur les substances consommées.
Outre sa pertinence scientifique, l'addictologie est une conception moderne permettant de guider la politique de santé face à des phénomènes en extension continue dont les conséquences sanitaires sont très lourdes.
Or, sur tous les fronts, qu'il s'agisse de la prévention, des dispositifs de soins ou des mesures légales, le Gouvernement a repris les vieux réflexes de l'approche par produit. Le résultat, au-delà de quelques avancées partielles, comme la baisse des ventes de tabac, est l'incohérence et une relative impuissance.
En effet, force est de constater que la France n'a plus de politique de santé en matière d'addictions. Ainsi, le tabac fait l'objet de mesures vigoureuses en matière de taxation, alors que ce type de mesures est totalement rejeté en ce qui concerne l'alcool.
Parallèlement aux mesures concernant l'offre de tabac, aucune action n'est entreprise pour prendre en compte les difficultés qu'éprouvent les usagers, en particulier les plus démunis et les plus exposés, comme l'accès gratuit aux traitements tabacologiques ou le développement de consultations d'aide au sevrage.
Dans le domaine des substances illicites, il n'est plus question que du cannabis, alors que les acteurs de terrain sont avant tout préoccupés par les poly-consommations associant substances licites et illicites.
La réforme de la loi de 1970, qui aurait pu être l'occasion d'une refondation de l'ensemble de la réponse sociale face aux drogues, n'est envisagée que sous l'angle d'une répression de l'usage de stupéfiants plus systématiquement appliquée.
Tous ces éléments, parmi bien d'autres, confirment ce que nous essayons de faire entendre : abandonner l'orientation addictologique de la politique de santé publique, c'est priver cette dernière de crédibilité et d'efficacité.
Dans ce contexte, le cannabis est mis au centre des discours politiques. Si l'augmentation de la consommation de cannabis est incontestable dans toute l'Europe et justifie que la collectivité se mobilise, nous n'en récusons pas moins toute politique qui se détermine en fonction d'un produit, car elle nous semble vouée à l'échec.
Les pratiques de consommation, leur évolution et les problèmes sanitaires et sociaux qui y sont liés nécessitent au contraire une politique réactive et efficace vis-à-vis de l'ensemble des consommations et des conduites addictives, au plus près des populations et des individus.