Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Réunion du 18 octobre 2016 à 14h30
La france et l'europe face à la crise au levant — Débat organisé à la demande d'une mission d'information et de la commission des affaires étrangères

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir permis la tenue de ce débat sur une question qui nous préoccupe beaucoup.

Depuis que je m’intéresse aux affaires internationales, je ne suis pas sûr d’avoir déjà observé une situation aussi dégradée partout dans le monde. Au fond, le Levant concentre en quelque sorte toutes les crises. Nous mesurons les efforts et les initiatives que vous déployez, monsieur le ministre, mais la situation actuelle ne laisse pas de nous inquiéter très fortement : partout dans le monde, on voit les désordres monter et le cas du Levant est caricatural à cet égard.

On voit aujourd’hui le président russe se croire obligé d’aller chercher à l’extérieur des satisfactions qu’il ne trouve pas à l’intérieur, eu égard à l’état profondément détérioré de l’économie de son pays.

Au Levant, nous sommes partis avec les Américains lutter contre Bachar al-Assad et contre Daech, et nous nous retrouvons maintenant plutôt avec les Russes, la protection de Bachar al-Assad étant en voie d’être assurée… Cette situation paradoxale est des plus inquiétantes.

Alep vit une tragédie, même si l'on nous annonce une pause : Alep est ruinée, blessée, meurtrie. Cette ville est confrontée à l’horreur, et jamais nous ne pourrons accepter ces crimes de guerre que vous avez eu raison de dénoncer, monsieur le ministre !

Qu’en sera-t-il demain à Mossoul, dans des circonstances certes différentes ? Sur ce théâtre, l’action de la France est bien visible, grâce notamment à la présence de notre porte-avions, alors que, en Syrie, nos forces n’assurent que de 5 % à 20 % du total des frappes.

Cette guerre, qui a déjà fait 300 000 morts, plus de 5 millions de réfugiés et plus de 8 millions de personnes déplacées, entraîne pour nous des effets réactifs particulièrement néfastes.

Ainsi, que se passera-t-il lorsque de nombreux terroristes, contraints de quitter la zone de guerre, voudront revenir dans leurs pays d’origine ? Plus de 700 Français seront ainsi tentés de continuer la guerre chez nous. D’autres quitteront l’Irak ou la Syrie pour se rendre en Libye et menacer ce pays frère, cette jeune démocratie qu’est la Tunisie. Si un jour la Tunisie était déstabilisée, nous le serions aussi.

La Méditerranée est notre première frontière, la première ligne de défense de nos intérêts. Nous ne la protégerons pas seulement par les armes, mes chers collègues, même si nous comprenons bien qu’il faille défendre au Levant les causes qui nous sont chères, en luttant contre le terrorisme.

Je vois bien s’installer aujourd’hui, à l’échelle mondiale, cette idée selon laquelle le recours à la force est nécessaire pour maîtriser le terrorisme, mais je n’oublierai jamais les propos tenus par Jacques Chirac en 2003 : la guerre crée le terrorisme, la brutalité appelle la brutalité, la tension crée la tension. C’est le développement qui apportera la véritable solution. La vraie lutte contre le terrorisme, ce n’est pas la guerre, c’est le développement ! Le développement de la Tunisie, de l’Algérie, du Maroc est sans doute la première condition de la paix !

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