Que voulons-nous faire ? Quelle est notre stratégie à long terme ? Croyons-nous toujours qu’il soit possible de mettre fin à la guerre sans les Russes, cinq ans après le début du conflit ? La Russie est-elle notre ennemi ? Voulons-nous vraiment que ce pays, avec qui nous avons tant de liens historiques, se tourne définitivement vers l’Orient, en particulier vers la Chine ? Mesurons-nous réellement les conséquences de cette politique et les risques d’aggravation des conflits dans un monde déjà tellement divisé et incertain ?
Par nos hésitations, nos incohérences, par le manque d’union entre les pays occidentaux, la faiblesse militaire de l’Europe et les déclarations sans suite du président américain, qui fixe des lignes rouges qui ne sont pas respectées, nous avons fait de la Russie l’acteur principal et incontournable de la résolution du conflit syrien.
D’un autre côté, l’Europe ne se porte pas bien. L’écart qui n’a cessé de se creuser ces quinze dernières années entre l’Allemagne et la France, économiquement et industriellement, a de facto laissé la chancelière allemande seule aux commandes de l’Europe. Pour la première fois depuis le début de la construction européenne, on voit l’Allemagne négocier seule au nom de l’Europe ; tout le monde a en tout cas ce sentiment. Il n’y a plus d’équilibre, plus de partage des responsabilités entre nos deux pays. L’accord intenable passé entre Mme Merkel et le président Erdogan sur les migrants en est un parfait exemple.
L’impuissance diplomatique et militaire de l’Europe devient aussi un problème fondamental. Il faut le reconnaître : l’Europe et la France sont aujourd’hui inaudibles.
Lors de mon déplacement au Liban, en Syrie et en Irak avec la Coordination des chrétiens d’Orient en danger, j’ai été frappé par certaines affirmations récurrentes de mes interlocuteurs, qu’ils soient catholiques, orthodoxes ou musulmans : « L’Occident, l’Europe et la France font preuve d’aveuglement. » Selon eux, aujourd’hui, ce n’est pas une guerre civile, c’est « une guerre internationale qui se joue par pions interposés ». Enfin, ils estiment que « l’Occident aurait dû veiller à ne pas avoir une posture irréaliste qui bloque aujourd’hui toute évolution ».
Il me semble plus qu’urgent de les écouter. Il est des circonstances, monsieur le ministre, où la realpolitik peut sauver des vies !