Il ne faut pas commettre les mêmes erreurs. Nous savons bien que, si l’on ne construit pas un État irakien inclusif, nous irons au-devant de très graves difficultés.
La France est aussi en pointe dans la lutte contre le financement du terrorisme, notamment avec l’adoption de la résolution 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle appelle tous les États à prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre les trafics, notamment de pétrole et d’antiquités, qui nourrissent le terrorisme. Nous avons déjà pris les dispositions nécessaires pour nous-mêmes et notre ambition est aujourd’hui de mobiliser tous nos partenaires.
Cette action porte ses fruits. Daech recule au Levant depuis l’automne 2015. Le groupe a perdu plus de 55 % du territoire qui était sous son contrôle au plus fort de son expansion en Irak et 25 % en Syrie. Nous avons naturellement pour objectif de libérer toutes les zones aujourd’hui occupées par Daech. Je pense, en priorité, à Raqqa, en Syrie.
La France agit également par sa diplomatie, selon une ligne cohérente et constante née de la conviction qu’il ne peut y avoir de solution militaire à la crise en Syrie, pour cette simple raison qu’aucun camp n’est en mesure d’anéantir l’autre. L’intervention russe a sauvé le régime, mais ne lui a pas permis de reconstituer ses forces. Si rien n’est fait, la guerre peut encore durer des années dans les ruines de Syrie. Il faut donc reprendre les négociations en vue d’une transition politique. Les paramètres sont connus. Ils ont été identifiés dès 2012 dans le communiqué de Genève et réaffirmés, en 2015, par la résolution 2254 que le Conseil de sécurité était parvenu à adopter à l’unanimité.
Pour autant, on ne peut pas négocier dans n’importe quelles conditions. On ne peut pas négocier sous les bombes, alors qu’une ville, Alep, est menacée d’être rasée, avec ses habitants, par le régime et ses soutiens. Il y a donc urgence à faire cesser les bombardements sur Alep et à enclencher une dynamique de paix, incluant cessation des hostilités, acheminement de l’aide humanitaire et reprise des négociations politiques.
C’est en ce sens que la France s’est mobilisée, en soumettant au Conseil de sécurité une résolution à laquelle la Russie seule, avec l’appui du Venezuela, a pris la responsabilité d’opposer son veto. On a alors pu constater l’isolement de la Russie : tous les États membres de l’Union européenne, à l’instar de nombreux autres pays, ont soutenu la France.
Malgré ce veto, il faut persévérer, car toute autre approche nous éloigne d’une solution. Toute autre approche participe d’une diversion, dont le régime de Bachar al-Assad tirera parti pour mettre à exécution son projet de reconquête d’une « Syrie utile ». Je regrette de ne pas avoir entendu cette analyse au cours de ce débat, car c’est bien ce qui est en train de se passer.
Comment imaginer qu’une partition de la Syrie, qui irait de pair avec la persistance de zones incontrôlées aux mains des terroristes, pourrait un jour offrir une perspective de paix ? Il faut être clair sur ce point et éviter d’en venir à une telle situation, qui aurait aussi pour conséquence d’empêcher les réfugiés – dont le nombre augmentera si Alep tombe et est reconquise par le régime syrien – présents au Liban, en Turquie ou en Jordanie de retourner dans leur pays, comme ils le veulent. Il n’y a donc pas d’autre voie que la recherche d’une solution politique.
Cette solution politique, la France ne la souhaite pas par idéologie. Le raisonnement est logique et simple : la Syrie ne retrouvera pas la paix avec un leader qui a fait fuir la moitié de sa population et qui continue à massacrer ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. J’entends pourtant des responsables politiques, y compris des candidats à l’élection présidentielle, affirmer qu’il faut négocier avec Bachar al-Assad…
Je le répète, la France agit. Elle agit en toute indépendance. Elle le fait d’autant mieux qu’elle a la capacité de parler à tout le monde, y compris bien sûr à la Russie, dans la franchise et la transparence. Pourquoi suis-je allé à Moscou, sinon dans ce but ? Le dialogue avec mon homologue, Sergueï Lavrov, n’a jamais cessé et nous nous retrouverons demain soir à Berlin dans le cadre du format Normandie pour débattre de l’Ukraine. Quelle est donc cette illusion d’optique qui amène certains à prétendre que la France ne parle pas avec la Russie ? Nous exprimons notamment aux Russes notre désaccord lorsqu’ils font fausse route en s’entêtant dans un soutien inconditionnel à Bachar al-Assad qui alimente la radicalisation et le terrorisme. L’honneur et la responsabilité de la France sont de dénoncer la volonté destructrice du régime de Bachar al-Assad et de mobiliser pour ne pas laisser faire, comme nous l’avons fait hier lors du conseil « affaires étrangères » de l’Union européenne. Nous parlons également avec l’Iran.
Nous souhaitions la venue du président Poutine à Paris (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains), mais cette visite devait-elle se réduire à des mondanités, à l’inauguration d’une exposition de tableaux ou d’une église, ou être l’occasion de parler de la Syrie, comme nous le proposions ?