Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 18 octobre 2016 à 14h30
Égalité et citoyenneté — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté avait au départ l’ambition à la fois d’encourager l’engagement républicain de tous les citoyens, de mieux répartir l’offre de logement social sur le territoire et de promouvoir l’égalité.

Après une série d’attentats dramatiques, dans un contexte difficile de peur, de repli sur soi, de préjugés, de stigmatisation, où les réseaux terroristes et d’extrême droite soufflent sur les braises pour diviser et mettre en échec le vivre ensemble, un tel projet nous paraît précieux, et même indispensable. Il a suscité beaucoup d’espoir.

Quelques dispositions positives demeurent, après le débat au Sénat, dont nous nous réjouissons. Je pense, par exemple, aux mesures visant à développer le recours au service civique, avec, notamment, l’objectif affiché d’une grande mixité sociale, le critère déterminant de recrutement étant non pas d’abord les compétences ou les diplômes, mais la volonté d’être utile à l’intérêt général.

Néanmoins, force est de constater que, globalement, la version de ce texte, amendé par la majorité sénatoriale, a, selon nous, défiguré ce qui en faisait l’essence. Je citerai brièvement quelques éléments qui illustrent cette perte de sens.

Premièrement, les dispositions à l’égard des jeunes ont été supprimées en grand nombre : suppression de la possibilité pour un jeune mineur de créer ou d’administrer une association, pour un jeune mineur de seize ans de devenir directeur de publication, même s’il n’est plus à l’école ; suppression de la répartition des sièges entre personnes de toutes les classes d’âge dans les CESER, les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, ou les conseils de développement et, surtout, introduction d’un sous-contrat de quinze heures maximum payé au SMIC horaire réservé aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. L’objectif affiché est de faire diminuer les chiffres du chômage, au mépris, nous semble-t-il, d’une augmentation certaine du taux de précarité des jeunes, qui se trouvent déjà bien souvent dans des situations compliquées.

Ainsi, selon l’INSEE, la moitié des 15-24 ans avaient un emploi précaire en 2014 et les trois quarts, j’y insiste, des nouveaux pauvres sont des jeunes adultes ou des mineurs. Clairement, nous sommes bien loin d’envoyer des signaux de confiance à la jeunesse.

Deuxièmement, la déclaration d’irrecevabilité de l’amendement du Gouvernement visant l’interruption volontaire de grossesse est, à nos yeux, incompréhensible.

L’adoption de cet amendement aurait permis de donner une base juridique à la lutte contre tous les sites internet qui avancent masqués, qui se font passer pour des sites d’information sérieux et qui trompent leurs lectrices et lecteurs sur ce sujet particulier. Pourquoi serait-il irrecevable et sans lien avec le texte ? Pourquoi empêcher que le débat ait au moins lieu, quelle qu’en soit l’issue ?

Nous le savons très bien, ce sont les jeunes femmes les plus isolées, les plus fragiles, vivant dans les milieux les plus modestes qui, ne sachant où trouver des interlocuteurs, vont sur internet pour trouver des éléments de réponse à leur désarroi. Il existe donc bien une inégalité, et la mesure proposée répondait à ce problème ou, en tout cas, apportait un début de réponse.

Troisièmement, je veux dire un mot de la suppression de l’interdiction pour les communes de discriminer les enfants pour les accueillir à la cantine, selon la situation professionnelle des parents.

Certaines villes – elles sont certes peu nombreuses, c’est vrai, mais elles existent ! – refusent les enfants de parents au chômage, au motif que ces derniers auraient le temps de s’occuper du déjeuner de leurs enfants. Quelle vision stigmatisante des personnes en recherche d’emploi et des enfants ! Cela signifie que ces personnes passeraient la journée à ne rien faire, à attendre qu’un emploi tombe du ciel ! C’est blessant pour les parents comme pour les enfants. Aussi, nous espérons que l’Assemblée nationale réintroduira l’article 47.

Quatrièmement, les dispositions relatives à nos concitoyens français des gens du voyage ont été modifiées en séance publique. Je pense, notamment, à la mise en place de quotas des gens du voyage – 3 % maximum – sur les listes électorales d’une commune, limitant de fait la possibilité pour ces personnes de s’y inscrire une fois le quota atteint. Cette mesure, qui nous paraît discriminatoire, n’est pas acceptable.

Cinquièmement, parmi les autres coupes majeures dans le projet de loi figure la baisse pure et simple de l’obligation minimale de construction de logement social de 25 % à 15 % pour les villes, les objectifs chiffrés étant remplacés par une prétendue contractualisation entre le maire et le préfet, mais sans certitude, puisque le préfet ne pourra pas s’appuyer sur la loi.

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